Jusqu'où peut on aller par amour, cette question, je me la suis posé un million de fois. Une relation qui vous entraine dans les méandres de l'enfer et vous pousse à avoir envie de mourir ne devrait pas ressembler à de l'amour et pourtant, ça en était. Savannah avait réussi à noircir un peu mes jours, par chance, je ne suis pas du genre à me laisser abattre et malgré les bâtons que la vie a lancé allègrement dans mes roues, le chemin a suivit son cours. On ne peux d'ailleurs pas dire que je suis malheureux même si le chaos engendré par toutes ses épreuves me laisse entendre que je n'arriverai jamais à être pleinement heureux. L'important, c'est de relativiser et de garder le sourire et tout ira pour le mieux. J'ai souvent pensé refaire ma vie, me reconstruire sans elle, l'oublier, un défi que j'ai jamais réussi a réaliser. Trop dur, trop fastidieux et puis, tant de choses nous ramènent l'un à l'autre. C'est comme si un lien invisible nous empêchait clairement de nous séparer, quoi que, elle ne se gênait pas pour être avec lui, ce crétin. Faut dire que j'avais merdé en même temps.

Enfin bref, une fringale me prend et je n'ai malheureusement RIEN dans mon frigo, en dehors d'un bout de fromage avec une couleur suspecte et une orange. Pas sur que je sois calé avec ça. Je fronce les sourcils et décide de me rendre au Diner de la ville, un endroit que j'affectionne particulièrement et où je me pointe régulièrement. En route, je prend ma voiture et je me gare juste devant. Je pousse la porte en sifflotant et salut Maggie, ma serveuse favorite, pas parce qu'elle a des jolies fesses ou qu'elle est de taille mannequin, elle est, de toutes manières, bien trop jeune pour moi. Pour sa gentillesse et sa considération face aux autres. J'ai rarement rencontré des personnes aussi douces et agréables. Je m'assoies au bar, on ne perd pas les bonnes habitudes et je prend la même commande qu'à chaque fois. J'ai pas vraiment tendance à être aventureux quant à mes choix, je me cantonne à ce que je connais : valeur sure. Je me tourne un instant pour voir cette beauté qui ne me semblait pas inconnue. Son visage me dit clairement quelque chose, mais impossible de la replacer pour le moment, j'ose tout de même l'aborder : excusez moi. On ne se serait pas déjà vu quelque part, votre visage m'est familier. Là il est clair qu'elle va me prendre pour un dragueur du dimanche, mais tant pis, s'il s'avère qu'elle me répond un non un peu froid, je n'insisterais pas.

Je devais passé plus de temps dans ce diner que dans ma propre cuisine, oui, on peut pas vraiment dire que je suis un chef. Il serait aussi très malhonnête de dire que j'étais un piètre cuisinier car quand je décidais de le faire, je me débrouillais pas si mal et je ne me contentais pas de pâtes, mais le temps et l'envie manquaient. C'est là que je la vois et me permet de l'interpeller. D'abord dubitative, elle finit par prononcer mon nom et cela me laisse entendre que je ne me suis pas planté. Je lui adresse un grand sourire, j'ai un instant eu peur d'être totalement à côté de la plaque. Lorsqu'elle prononce son prénom, tout devient clair pour moi : Cheyenne. Un souvenir impérissable pourtant, mais elle avait changé, plus femme, plus séduisante dans un sens car ça lui a bien réussi a vieillir, qu'elle se détrompe sur les rides. Elle n'a jamais été aussi belle. Les traits un peu fatigués, causé par une probable fatigue, mais elle restait d'une beauté étrange. Une beauté qui m'avait toujours rendu béa d'admiration, simple, élégante. Tu es radieuse. La serveuse m'apporte mon plat et je la remercie d'un de mes sourires. C'est juste que tu as beaucoup changé et puis c'était y'a douze ans. Je me met à rire et ajoute : C'est fou ce qu'on est vieux maintenant !

J'attrape une frite dans mon plat et la dévore à pleine dents. Avec cette faim de loup qui me mine depuis déjà une bonne heure, il était grand temps. Qu'est ce que tu deviens ? La dernière fois que je t'ai vu tu rentrais à la prestigieuse école Juliard. Elle m'avait montré ces talents une fois où deux et elle m'avait éblouie par sa grâce et son élégance. Ces retrouvailles me font un bien fou. Je ne sais pas pourquoi mais elle a toujours su me mettre à l'aise, ce n'était pas un amour passionnel, d'ailleurs était ce vraiment de l'amour ou de l'affection que l'on se portait à chacun ? Dans tous les cas, on a réussi à créer une relation saine et agréable. De celle qui vous font vous élever, qui vous font sourire et vous remonte le moral. Je me souviens de nos soirées devant la télé à critiquer éhontément tous les programmes qui pouvaient passer ou encore de nos nuits alcoolisées dans la ville qui ne dort jamais, on s'était retrouvé dans des situations si troublantes. Dans le fond, j'ai du mal à me rappeler si j'ai vraiment et sincèrement été heureux depuis cette époque. Oui, parce que j'ai beau idolâtrer Savannah, elle est la femme de ma vie, c'est un fait, cependant, rien n'est simple avec elle. Je continue de manger sans perdre le fil de la discussion en cours. Ce burger, c'est vraiment un régal, même maman n'en faisait pas de si bons, et pourtant, elle était une excellente cuisinière.