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La clé tourna silencieusement dans la serrure et Luz se faufila dans la maison entièrement plongée dans le noir. Pas un bruit n’était audible à l’intérieur, le propriétaire n’était probablement pas encore de retour. Un mouvement fluide attira pourtant le regard de la blonde regard vers le sol ; Voldemort était figé au pied du rideau, qu’il était vraisemblablement occupé à mettre en pièces avant son arrivée. Dressé sur ses pattes arrière, griffes plantées dans le tissu déjà bien effilé, regard jaune perçant fixé sur la nouvelle venue, il se décrocha lentement et se posa au sol comme si la position suffirait à le déculpabiliser. La jeune femme leva les yeux au ciel, déjà exaspérée. « N’essaye même pas, je sais parfaitement que l'art de la destruction est ton petit plaisir personnel. » Elle s’éloigna d’un pas rapide en jetant un coup d’œil à sa montre, posa sur la table le courrier récupéré à l’entrée et le sac de courses qu’elle avait emmené ; le chat se dandina gracieusement pour la rejoindre. D’un bond, il grimpa sur le plan de travail comme un roi, dans l’espoir évident de trouver ses gâteries habituelles dans le sachet qu’elle vidait. « Descends de là tout de– hey ! » Elle lâcha sa prise sur le corps souple de l’animal et il feula de mécontentement en retombant sur ses pattes, peu soucieux du cri surpris qu'il avait tiré à la jeune femme : trois lignes parallèles striaient la fine peau de son avant-bras. « Alors toi tu peux dire adieu à tes friandises. T’en as pas marre parfois de t’en prendre à tout ce qui bouge ? Non parce que ta soif de sang commence à te rendre un poil stupide tu sais, te retourner contre la main qui te nourrit avant même d’avoir eu ce que tu veux est un mauvais deal », râla-t-elle passant rapidement la plaie sous l'eau pour retourner finir de ranger les courses. Dépourvu du moindre remord, il trottina en miaulant derrière elle lorsqu’elle prit la direction de sa gamelle, tenta de chiper quelques graines à même le paquet alors qu’elle remplissait le bol, et ils bataillèrent un moment avant qu’il ne daigne battre en retraite le temps qu’elle finisse. « Incroyable comme tu peux être mal élevé. Vivement le retour de ton maître, hm ? Tu fais toujours moins le malin quand Steve est dans les parages. » Elle se désintéressa de lui pour aller trier le courrier, mettant de côté les publicités et les factures qui ne semblaient pas urgentes. Elle en sélectionna deux marquées d’un seau rouge, en survola le contenu et sortit son téléphone pour les résumer par texto au dénommé Steve… mais elle s’interrompit net en trouvant sur la table un dossier ouvert. Etrange, elle ne se souvenait pas l’y avoir vu les jours précédents…

Sourcils froncés, elle se pencha dessus, incapable de réfréner sa curiosité. Des notes griffonnées à la main relataient le meurtre d'une enseignante. A l’intérieur, des clichés représentaient la scène et Luz se mordit la lèvre en avisant le corps baignant dans son sang. Entièrement plongée dans l’affaire dont elle dévorait les détails, elle ne remarqua même pas que Voldemort avait profité de son inattention pour rentrer à moitié dans son sac à main et y entamer un carnage en règle ; du moins n’en vit-elle rien jusqu’à ce qu’une voix masculine ne la tire de sa lecture. « Curiosity killed the cat. » Elle se redressa d’un bond, prise sur le fait. Simultanément, Voldemort cracha en se faisant épingler par la peau du cou et voltiger hors de la demeure en guise de représailles pour toutes ses frasques des derniers jours, mais Luz connaissait trop bien son mentor pour ne pas comprendre qu’il s’adressait aussi à elle. « Je croyais que tu ne rentrerais que demain », remarqua-t-elle piteusement tandis qu’il croisait les bras sur son torse. « C’est une raison pour fouiller dans mes dossiers ? J’espère que tu as déjà en tête un moyen de te faire pardonner pour avoir abusé de ma confiance. » Le ton était sentencieux mais un micro-sourire étirait le coin des lèvres de son vis-à-vis et la mimique penaude de la blonde se mua en une expression outrée. « Tu l’avais placé là exprès, tu savais parfaitement que je ne pourrais pas m’empêcher de regarder. » Mais la curiosité reprit rapidement le dessus. « Comment tu as fait pour te procurer la copie d’un dossier de la SDPD ? » « Le chef de la police m’a demandé un coup de main pour boucler un cas, il a entendu dire que l’un de mes contacts était une sorte de détecteur de mensonges humain… J’imagine que tu t’es fait remarquer d’une manière ou d’une autre pendant mon absence ? » Elle lui servit un regard tout à fait innocent face auquel il leva un sourcil, sceptique, et elle se faufila dans la cuisine pour préparer du café. C’était le meilleur moyen de s’attirer les bonnes grâces du rédacteur en chef à cette heure de la journée. « J’espère que tu es consciente du pétrin dans lequel tu t’es fourrée, parce que tu es embarquée dans une affaire plus grosse que toi », signala-t-il en commençant à boutonner sa chemise au niveau des poignets. Elle le rejoignit pour le faire à sa place et Stephen lui fit un topo pendant qu’elle lui relevait le col pour nouer sa cravate. « Liam Ellingston, 16 ans, lycéen. C’est un jeune délinquant, son casier est rempli de petits larcins en tous genres et il commence à s’essayer à de plus gros coup. D’abord le braquage à main armée d’une station-service et maintenant, un meurtre avec préméditation. Tout porte à croire qu’il se serait introduit dans le domicile de la victime, Mary Mayfield, avant de lui fendre le crâne. Le gamin n’a pas été vu sur le lieu du crime, mais les agents l’ont arrêté en pleine fuite et son seul prétexte a été – serre moins, geez, tu essayes de m’étouffer ? – qu’il faisait un jogging. Il risque d’être jugé comme un adulte et encourt la prison à vie. Le chef de la police voudrait une expertise psychologique avant de remettre Ellingston à la justice. »

Les yeux écarquillés, Luz chercha un instant ses mots avant de protester : « Mais je n’ai jamais prétendu être psy, j’ai juste – » « Je ne veux pas le savoir», l’interrompit-il laconiquement en allant récupérer son attaché-case, peu soucieux de la blondinette qu’il avait sur les talons. « Dis-leur que ton contact n’est pas en mesure de les aider, je ne peux quand même pas – » « Tu te débrouilles. » « Steve, je ne peux pas prendre la responsabilité de la vie d’un – » « Ecoute. Le sort du gosse est tranché, tout est contre lui. Tout ce qu’on te demande, c’est de donner ton avis sur la crédibilité de sa déposition. » Il était déjà arrivé à la porte et se chaussa sans la regarder. « Garde une chose à l’esprit : il ment probablement. Sur la raison de sa présence à proximité de la scène de crime, sur ses intentions, peu importe, ne t’arrête pas à ça. La clé est de découvrir pourquoi il ment, de mettre en lumière tout ce qu’il cache et qui pourrait confirmer ou infirmer son implication. Tu dois avoir rejoint l’équipe chargé de l’affaire d’ici une quinzaine de minutes. » « Quel dommage, sans voiture je n’y serai jamais à temps. Tu n’as qu’à leur dire de se débrouiller sans moi, je ne voudrais pas les retarder. » « Oh j’oubliais presque, j’ai dit à l’un des enquêteurs que tu serais sans doute ici, il devrait être là d’une minute à l’autre. Fais de ton mieux ok ? » Il se tapota deux fois la tempe avant de la pointer du bout de l’index comme pour lui dire de se servir de sa tête, et alors qu’il sortait un coup de klaxon retentit. « Quand on parle du loup… » Luz ne cacha pas son air dépité, mais il aurait été inutile de nier l’excitation qui croissait en elle et la rendait fébrile, balayant ses objections l'espace de quelques secondes avant que celle-ci ne reprennent le dessus, et ainsi de suite. Elle hésita un instant... avant de se secouer. Une opportunité pareille était tout simplement impossible à décliner ! Elle serait au premier rang et pourrait faire de cette affaire un scoop qui intéresserait tous les quotidiens des environs, et peut-être même au-delà (d'accord, elle voyait un peu (beaucoup) grand). Et puis.. si ce type était vraiment innocent ? Il avait 16 ans, la vie devant lui, vie qui serait ruinée par une accusation potentiellement erronée... « Tu as oublié ton café », cria-t-elle à Stephen en récupérant le thermos sur la table pour le rejoindre dehors ; il la remercia en lui embrassant rapidement le front, lui souhaita bon courage et adressa un signe de tête à quelqu’un par-dessus l’épaule de Luz avant de filer vers sa caisse et de démarrer dans la foulée. Oui mais... même si quelque chose la laissait penser que le gamin était innocent, qu'y pourrait-elle de toute façon ? Des professionnels étaient convaincus de sa culpabilité, un mot d'elle n'y changerait rien...

Great, Luz, songea-t-elle, dépitée. You’re in a right mess. Bon, plus moyen de reculer maintenant. Quand il fallait y aller... Elle inspira profondément et tourna les talons pour rejoindre le type supposé l’amener à bon port… Et s’arrêta net. « C’est une blague ? » - s’exclama-t-elle en avisant Kaísar Haros adossé à une voiture. Il semblait aussi peu ravi qu’elle. Ou plus. Cela dit… le mécontentement évident de son vis-à-vis rendait d’un coup la requête du chef beaucoup plus alléchante, et ce fut ce qui la décida. « J’aurais espéré avoir un chauffeur de meilleur standing, mais j’imagine qu’il va me falloir me contenter de vous », lâcha-t-elle comme à contre cœur. En temps normal elle se serait tout naturellement montrée agréable, mais avec lui ? Never in a million years !