DREAM OF CALIFORNICATION
Ca a toujours été compliqué, il ne parvient pas à se souvenir d’un moment de son enfance où ça n’a pas tourné au cauchemar à cause de l’irresponsabilité de la femme qui l’a mis au monde. Droguée aux médicaments, bipolaire et sans doute atteinte de tout un tas d’autres syndromes qu’elle s’était convaincue d’avoir pour obtenir le statut d’handicapé et toucher une putain de pension. Si seulement le père Hopper l’avait mieux choisie, peut-être que la vie aurait été moins difficile pour ses gosses mais aucun d’entre eux ne parvint jamais à lui en vouloir de quoi que ce soit. Parce qu’il envoyait de l’argent, parce qu’il prenait soin d’eux même à des milliers de kilomètres de là et parce que lors de ses permissions, ils avaient tous l’impression d’être une famille normale et d’être des gosses désirés et aimés. Ca changeait des insultes que leur envoyait leur mère dans les dents. Impossible d’inviter qui que ce soit chez eux, elle aurait fini par mettre tout le monde mal à l’aise et personne ne tenait à ce que les services sociaux finissent par foutre leur nez dans toute cette histoire qui puait clairement la merde. Ses handicaps divers et variés, vérifiés ou inventés, ne l’empêchèrent pas de pondre pas moins de sept enfants dont Matthew était l’aîné et très tôt, il fut responsabilisé et contraint de s’occuper des plus jeunes. Entre les cours, les devoirs, le football américain et les matches, il n’avait pas beaucoup de temps de latence mais fit toujours de son mieux pour compenser l’incompétence criante d’une mère qui ne portait que le nom d’un rôle dont elle ne mesurait aucunement l’importance et dont elle se moquait éperdument. Ils durent tous se débrouiller et s’organiser au mieux pour pallier au manque d’argent que la tordue dépensait sans compter jusqu’à ce que le frigo soit vide en plein milieu du mois. Tout était bon, babysitting, services aux habitants des quartiers plus riches que le leur, tant que ça permettait de remplir la cagnotte et de faire les courses. Si Denis Hopper, père de cette famille courageuse, savait parfaitement ce qu’il se passait à la maison, il ne put jamais se résoudre à abandonner son engagement, non pas par égoïsme ou par patriotisme exacerbé mais parce qu’après vingt de service, sa retraite serait assez confortable pour mettre tous ses petits à l’abri et rentrer au bercail pour compenser toutes ces années gâchées. Il n’eut jamais cette chance, cette opportunité. Il fut fauché en pleine mission et ne rentra jamais. De lui, les Hopper n’ont qu’un drapeau, des médailles et des photos. Bien sûr, l’armée les dédommagea mais jamais les gosses Hopper ne virent la couleur de ce pognon. A peine arrivé, Mary mit le grappin dessus, se fit baratiner par un de ses nombreux amants et disparut de la circulation, abandonnant la petite dernière d’à peine un an à son aîné de seize ans. Voilà comment Matthew devint père de famille sans rien avoir demandé. A partir de là, ce ne fut que mensonges à l’aide à l’enfance et débrouille. Les plus grands gérant les plus petits et faisant de leur mieux pour que rien ne se voit, jamais.

Chaque année, c’était toujours le même rituel, dès qu’il fallait le tuteur légal, ils mettaient tous les moyens possibles et imaginables pour retrouver leur mère le temps qu’elle remplisse son devoir avant de la laisser à nouveau s’évaporer dans la nature. Il parvint à terminer le lycée, à décrocher son diplôme de fin de cycle mais dut tirer un trait sur ses propositions de bourses pour l’université. Ses résultats lui auraient pourtant permis d’intégrer la Ivy League, autant que ses prouesses sportives, le coach discuta longuement avec lui, l’un des rares à connaître sa situation jusque dans le moindre détail. Il n’avait pas pu le maintenir en dehors de la maison bien longtemps – la maison, seule chose qui leur appartenait vraiment et vu l’apparence miteuse de celle-ci, on ne pouvait pas vraiment considérer ça comme un cadeau. Il tenta de convaincre Matt de laisser des familles d’accueil prendre en charge la responsabilité des siens, ce que l’aîné de la fratrie refusa catégoriquement, il ne pouvait accepter qu’on les sépare, il ne pouvait mettre son propre intérêt avant celui des siens. Le Coach Grayson fut une figure paternelle importante dans sa vie, encore aujourd’hui, quand les choses vont mal, c’est à lui qu’il vient parler, à lui qu’il demande conseil. Sans lui, qui sait ce qu’il se serait produit. Ce fut le début de la galère, les petits boulots collectionnés pour des salaires de misère, tous plus ingrats les uns que les autres mais est-ce que ça avait la moindre importance ? Tant que tous avaient de quoi manger, étaient habillés correctement et avaient la possibilité d’accomplir tous ces rêves que lui avait laissés en suspens pour leur offrir la meilleure vie possible, il était comblé. Sa sœur d’un an sa cadette, Wilona, fut la première à arrêter après le lycée, se trouvant un job de secrétaire dans une entreprise et prenant des cours du soir. Elle ne voulait pas que Matt continue à gérer seul la famille et puis ce fut au tour de Tim de suivre, ils n’étaient pas trop de trois pour subvenir aux besoins des autres. C’était un crève-cœur pour l’aîné mais que pouvait-il bien leur dire ? N’était-ce pas le chemin qu’il avait lui-même emprunté ? Leur père restait toujours au centre de tout, comme s’il était encore vivant, personne n’étant réellement parvenu à en faire le deuil, lui, le héros de la famille que tous pensaient intouchable, invincible. Ça leur avait appris de la pire des façons que rien n’était immuable et que Matty, lui aussi, pouvait disparaître du jour au lendemain. Chose à laquelle personne ne voulait réellement penser. Dès qu’il eut vingt-et-un ans, il fit toutes les démarches possibles et imaginables pour obtenir la garde officielle de ses frères et sœurs, sa mère ne se faisant pas prier pour abandonner ses droits sur eux, ayant déjà pondu quatre autres marmots délaissés. Mieux que personne, le chevelu savait parfaitement ce que ça impliquait, il allait devoir s’occuper d’eux jusqu’à la fin de sa vie mais c’était son devoir, son père s’était sacrifié pour leur liberté et leur pays, lui se sacrifierait pour les siens.


Ses petites amies, par principe, il évitait de les ramener chez eux, non pas par honte mais parce qu’il ne voulait présenter personne si ce n’était pas un minimum sérieux et il savait que trop bien à quel genre d’interrogatoire elle aurait le droit. Ses sœurs étaient surprotectrices avec lui, elles s’arrangeraient pour faire de sa vie un enfer afin d’être sûre qu’elle n’était pas là pour les mauvaises raisons et qu’elle ne l’abandonnerait pas, comme tout le monde avait tendance à le faire dans leur putain d’existence. Angela ne rentra dans leur vie qu’après huit mois de relation plus ou moins sérieuse et il n’y eut jamais pire erreur que celle-là. S’il faisait de son mieux pour dissimuler les soucis de leur couple dysfonctionnel, ils étaient bel et bien là et à partir du moment où elle s’installa sous leur toit, elle se crut le droit de dicter sa loi chez eux. Mais ce n’était que la partie visible de l’iceberg car derrière le rideau se cachait une relation abusive dont Matthew était la victime. Qui aurait pu croire qu’un type de plus d’un mètre quatre-vingt-dix pouvait se faire maltraiter par sa petite amie ? Personne. Absolument personne. Il avait toujours une bonne explication pour les bleus et les égratignures qui ressemblaient fortement à des griffures autant qu’à des coupures mais il ne put bientôt plus cacher les insultes et la manière dont elle s’amusait à constamment le rabaisser, profitant de son manque de confiance en lui pour le réduire à rien. Parce qu’il ne se plaignait jamais, parce qu’il ne disait pas grand-chose, connu pour ses longs silences et ses regards expressifs, tout le monde croyait qu’il allait bien et supportait les choses avec philosophie jusqu’à ce que Wilona ne surprenne une scène de ménage ou plutôt un tabassage en règle de son frère qui restait là, silencieux et stoïque, comme si c’était sa putain de malédiction qui se répétait. Une mère qui ne voulait pas de lui et le détestait sans doute, pourquoi pas une petite amie qui l’imitait, hein ? Méritait-il vraiment mieux que ça ? Les insultes quotidiennes entaillaient son âme comme autant de coups de couteau, les coups n’étaient pas grand-chose au final, il pouvait les encaisser, c’était tout le reste. Quand il était las, il lui attrapait les poignets et la forcer à arrêter jusqu’à ce qu’elle se mette à pleurer et s’excuse mais est-ce que cela pansait tout le mal qu’elle lui avait fait ? Certainement pas ! Ce soir-là, Wilona déboula comme un ouragan, elle attrapa Angie par les cheveux, lui envoya une salve de coups de poings en l’insultant avant de la balancer dehors. « Ne reviens plus ici, salope ! PLUS JAMAIS ! » « Je vais appeler les flics et je… je… Putain, espèce de couilles molles, dis quelque chose, tu ne vas pas laisser ta petite sœur la putain me traiter comme ça ?! Tu ne vas pas la laisser faire ça ?! » « C’est fini, Angela, rentre chez tes parents ! » Les cinq quatre étaient sortis en renfort, comme souvent chez eux, ensemble contre le reste du monde. Elle pouvait l’insulter tant qu’elle voulait mais jamais, jamais toucher sa famille. Les fringues de l’hystérique furent balancées par la fenêtre par une Wilona folle de rage tandis qu’Angie pissait le sang. « Toi, toi et ta famille de dégénérés ingrats, j’espère que vous crèverez tous ! Fils de pute ! » Une chaussure vola de la fenêtre pour l’atteindre à la tête ce qui fit éclater de rire l’aîné sans qu’il ne sache trop pourquoi alors que Abilene, une autre de ses sœurs, la menaçait de lui arracher les yeux si elle ne décampait pas sur le champ. Après ça, il évita soigneusement de s’engager avec qui que ce soit, son goût prononcé pour les filles à emmerdes était incompatible avec ce qu’il voulait pour sa famille et il préféra donc continuer à avoir des relations en dehors de chez lui, en dehors de ses responsabilités mais également parce qu’il n’était plus capable de faire confiance à qui que ce soit après cette merde qui avait durée plus d’un an et demi. De toute façon, chaque fois qu’une relation plus ou moins suivie apprenait qu’il avait à sa charge pas moins de six enfants, elle trouvait toujours une bonne raison de le plaquer. Et puis il fallait arrêter de se voiler la face, qu’est-ce qu’un type bossant dans un fast-food pouvait bien se trouver comme petite-amie ? Il n’inspirait pas forcément la stabilité, avait l’air d’un raté de première catégorie, qui d’autre bossait dans un putain de fast-food passé vingt-trois ans ?


Il ne saurait dire comment Mica et lui se rencontrèrent, il savait seulement qu’elle était bandante et qu’il avait une envie folle de la foutre dans son lit. Cela commença d’ailleurs comme ça avant qu’ils ne partagent quelques petits déjeuners et déjeuners, riant et parlant de tout, comme des amis de longue date. Il se sentait bien à ses côtés, comme un second souffle dans une vie faite d’épreuves constantes et de défis de plus en plus gros. Il ne se passait pas une minute sans qu’il ne se demande si le frigo était plein, si tel de ses frères avait fait ses devoirs et si sa petite sœur avait terminé sa maquette pour son cours d’histoire. C’était ça être un parent et s’il n’avait jamais vu ça comme une quelconque vocation, il ne put s’empêcher de tous les prendre sous sa responsabilité pour leur éviter bien pire. Tellement pire. Mica c’était sa dose d’air frais pur, son petit joint entre deux emmerdes et on pouvait dire que c’était terriblement plaisant de se sentir normal au moins avec quelqu’un. Cela faisait désormais huit mois qu’ils se voyaient de manière décousue, ils s’appréciaient et sortaient parfois tous les deux mais il ne savait pas grand-chose d’elle et elle ne savait rien du tout de lui et encore moins de ce qu’il faisait dans la vie, sans doute parce qu’il avait honte de tout ça et il y avait de quoi. Il refusait de porter la culpabilité des choix de ses parents et malgré tout, il n’y avait rien qu’il faisait mieux que cela. Il ne sut jamais très bien si durant ces huit mois, elle en voyait d’autres que lui ou si elle se contentait de ses coups de fil intempestifs pour une séance animée et sportive dans l’immense appartement où elle vivait. Il ne la considérait pas comme sa petite amie, considérer s’était déjà mettre un pied dans la merde, il la voyait comme une amie en mieux, avec tous les avantages sans les inconvénients. Pourtant, quand elle l’appela ce soir-là, sanglotant comme une gosse, lui expliquant que son appartement avait brûlé et qu’il ne lui restait quasiment rien, il se fit un devoir de passer la chercher avec sa caisse pourrie pour la ramener chez lui, essayant de la faire passer pour ce qu’elle n’était pas : une simple amie. Elle ne passa que quelques jours dans la chambre d’une de ses sœurs avant de finir par trouver le lit de Matt et d’y rester pour de bon. Tout ça était trop précipité, trop soudain et terriblement flippant. Elle prenait les choses en mains, n’avait pas fait la moindre remarque sur la présence de toute cette smala chez lui et s’en occupait comme un véritable maître d’orchestre. Ils ignoraient complètement ce qu’ils étaient l’un pour l’autre et pourtant, elle était là à faire à manger et à astiquer la maison comme une parfaite femme au foyer, c’était la merde et il ne savait pas vraiment comment se tirer de ce mauvais pas, il ne savait même pas s’il en avait réellement envie.

HORS JEU
Pseudo Queen Bitch Âge 24 ans Prénom // Où as-tu connu le forum? Je ne me souviens plus Ton personnage est un personage inventé C'est qui ton pokémon préféré? Aucun Une suggestion ou un commentaire à nous communiquer ? Nope Le mot de la fin? mot