DREAM OF CALIFORNICATION
Mon père est de ces gens que l'illusion simple du bonheur rend heureux.
À certains, son manque d'ambition parait insupportable et médiocre. C'est difficile de supporter la médiocrité chez ceux qui ont des potentiels de rois du monde.
Et il avait du potentiel, mon père. Il était cultivé. Il peignait à la manière d'un peintre des tableaux fabuleux, n'usant que de mots et de rimes, de métaphores et des allégories, s'amusant de nos regards éblouis, pendus à sa bouche et haletant que nous étions, tendus par le suspens de ces aventures merveilleuses dont il était l'auteur.
Il s'était toujours complu de sa petite vie paisible, de ces après midi tranquilles au parfum d'automne et de nostalgie, lisant l'un des vieux livres à la couverture rapiécée et aux pages jaunies par le temps.
Notre mère nous avait quitté très tôt. J'avais à peine onze ans. Elle n'avait pas supporté cette existence, trop fade, selon elle. Elle qui était tombée amoureuse de la douceur tendre et aimante de John, de ce feu auquel on pouvait se chauffer sans jamais se brûler, elle avait fini par rêver. Les aventures qu'il inventait au fil des jours et à la pointe de sa plume ne lui suffisaient plus. Elle avait voulu un brasier, elle avait voulu des flammes ardentes.
Elle l'avait quitté un petit matin de printemps. Avait baisé son front, lui avait souri tristement, avant de rejoindre son amant dans sa belle voiture flambant neuve.
Après cela, elle n'avait plus jamais rêvé.
Je n'ai plus entendu parler d'elle.
Ma mère était superbe. C'est l'un de mes premiers souvenirs d'enfant : elle, penchée au dessus de moi, ses longs cheveux bruns dégoulinants sur ses épaules telles des rivières de suie et de charbon, et ses grands yeux hazels que mon père aimait comparer à de l'or.
Je crois que c'est l'une des raisons pour laquelle il a toujours eu du mal à me regarder. Je lui ressemble comme deux gouttes d'eau. J'ai son sourire, j'ai sa joie de vivre. Ça lui fait mal, à mon père, quand parfois ses yeux s'accrochent à ma silhouette et qu'il y voit le reflet de son unique amour.
Elle aimait les arts. Je tiens ça d'elle, d'ailleurs, ma passion pour la peinture, la sculpture et la photographie. Elle m'emmenait au musée. Elle n'était pas aussi douée avec les mots que l'était mon père, mais elle avait sa brillance à elle, sa propre excellence. Elle était captivée, comme ensorcelée par ces chefs d'oeuvre, m'en décrivant avec une précision quasi-professionnelle les moindres recoins. Elle avait toujours voulu faire une école d'art, mais elle était tombée enceinte trop jeune. Alors elle dévorait des livres, blottie contre mon père, repoussant de temps à autre une mèche de cheveux vagabonde qui serait venue caresser sa peau olivâtre.
Quand j'ai découvert mon homosexualité …
Ou plutôt, quand j'ai enfin pu mettre un mot et une définition sur ces sentiments qui m'animaient quand je voyais les autres garçons, j'ai été rassuré.
Puis j'ai eu mal. J'ai eu peur.
Comment est-ce que mon père allait réagir ? Qu'allait en penser ma mère ?
Ma famille n'est pas spécialement conservatrice. Je n'ai pas été élevé dans le culte d'un dieu. Jesus Chris n'est pour moi qu'une figure historique, et je serai plus disposé à prier Zeus et Athéna qu'Allah et Yahvé.
Ils m'ont surpris. Ma famille, je veux dire. Ils m'ont tous pris dans leurs bras. Mes sœurs. Mon frère aussi. Et mon père, bien sûr. Ils m'ont dit qu'ils m'aimaient quand même, malgré ma sexualité, avec ma sexualité. Que ça n'avait pas d'importance. Et je n'avais pas réalisé à quel point j'avais besoin d'entendre ces mots avant qu'ils ne les disent.
Les mots ont toujours été important entre nous.
Alors j'ai pleuré. Je vous jure ! Pendant plusieurs heures. Je ne les lâchais plus. Je leur disais « merci, merci » et ils me répétaient que ce n'était rien, que c'était normal, que c'était leur job de m'aimer quoi qu'il arrive.
John, Emma, Katherine et William. Et Marlon, au passage. La dernière addition de la famille. Unis pour le meilleur et pour le pire.
Mon père s'est remarié, éventuellement. Mais j'avais déjà quitté le nid, j'avais pris mon envol et gêné comme un rouge gorge, fier comme un coq, optimiste comme une hirondelle, j'avais décidé de m'assumer seul et de réaliser mes rêves. Et me voilà, à 18 ans, entrant en école d'art, notant avec diligence la moindre information, rendant des projets que je voulais parfaits, travaillant nuit et jour pour être le meilleur du meilleur. Pour réaliser le rêve de ma mère.
C'est à 20 ans que j'ai rencontré Jason. Ce n'était pas un coup de foudre, il n'était pas mon type. Trop extraverti. Trop sûr de lui. Trop blond. Trop tout. Mais bon, le cœur a ses raisons que la raison ignore, et six mois après notre rencontre dans une salle de classe, il m'embrassait, je l'embrassais, et nous finissions la soirée dans son petit lit d'étudiant.
Après, la vie avait suivi son court. On avait emménagé ensemble, on s'était fiancés. Il était parti pour faire un stage dans une galerie Australienne et m'avait demandé de le rejoindre, ce que j'avais fait après avoir reçu mon diplôme.
Il m'avait brisé le cœur dans l'aéroport, me serrant dans ses bras et me susurrant comme on dirait je t'aime « J'ai rencontré quelqu'un, je suis désolé, je veux récupérer ma bague. ».
Il n'avait jamais eu beaucoup de tact.
Et moi, je me retrouvais sans rien. Sans logement, sans perspective, sans fiancé (et sans bague).
J'étais désespéré … Mais c'est là que j'ai rencontré Leo. Et Leo, c'était l'autre partie de mon âme. Elle a su dès les premiers instants comment me faire rire. Comment me rassurer. Et en contrepartie, j'ai su sécher ses larmes, quand la situation s'est présentée.
Bon, elle était chiante, je vous l'accorde. Elle faisait traîner ses fringues partout (et franchement, la petite culotte sur le canapé, c'est quelque chose que j'aurais voulu m'épargner). Elle consommait trop de café, elle ne voulait jamais mettre de robes, et puis elle essayait toujours de me présenter des amis, en espérant que j'aurais un coup de foudre. (MAIS LEO SI TU LIS CECI, POURQUOI EST-CE QUE TU M'AS PRÉSENTÉ À UN CAMIONNEUR ? ET À UN CHASSEUR DE KANGOUROU ? ET À UN DEALER DE DROGUE ?) Mais Leo, c'était un peu la famille que j'aurais choisie.
Et même si je devais toujours faire les courses, qu'elle buvait mes sodas, et qu'elle finissait mon pot de nutella, je l'adorais.

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Et puis après j'ai rencontré mon âme soeur. De loin, tout d'abord, et tel un tueur en série de film policier, j'ai rassemblé des informations, des photographies, pour découvrir qui était ce jeune homme qui m'avait tant plu. (Oui ça fait peur) Et puis, il y a eu la véritable rencontre, humiliante, digne d'une comédie, qui a commencée par un revolver, un stripteaseur (ou pas de stripteaseur à mon grand désespoir), un uniforme de policier, une fenêtre désintégrée et a finie par un diner d'excuses, puis deux, puis trois, puis toute une ribambelle de rendez vous jusqu'à ce que l'un de nous se décident enfin à venir cueillir la fleur interdite de la pulpe de ses lèvres.
(L'histoire ne dit pas de quelle fleur interdite il s'agit, à vous de deviner de où s'est fait notre premier baiser)
Notre histoire était un peu étrange et maladroite, pour être honnête, il avait toujours été pessimiste quant à nous deux, estimant que peu de relations réussissaient et très hésitant quant au destin de la notre. Mais après le second noël passé dans ses bras, les anniversaires qui se transformaient en anniversaires de couples (« C'est l'anniversaire de la fois où je t'ai pris en photo à la dérobée à la piscine, Ambroise ! ») accompagné de jolies déclarations, de caresses, de fous rires et puis bien entendu de bouquet de fleurs, je l'ai convaincu.
Son prénom, c'est Ambroise, et c'est vrai qu'il le porte bien. Il est beau et délicieux, comme seul peut l'être le nectar des dieux, il a le sang chaud d'Arès, la sensualité d'Eros et l'esprit curieux et subtile de Psyché. (Non, je ne suis pas complètement et totalement amoureux de lui, non non)
Bon bref, deux ans de bonheur plus tard, nous qui choisissons le traditionnel petit appartement dans Sydney avec vue sur la mer et des voyages réguliers en France pour voir la belle famille (Ô joie, entendez le sarcasme), je reçois cette offre de boulot à San Diego. Normal, me direz vous, je suis un homme doué et plutôt impressionnant en dépit de ma petite (petite) taille (petite) (oui c'est bon, on a compris).
Ambroise, à mon grand bonheur et après plusieurs heures de supplications passionnées et vigoureuses (pas question pour moi de partir sans lui) avait accepté de venir avec moi pour partager ce nouveau chapitre de ma vie après en avoir écrit tant d'autres à mes côtés. J'aurais du réaliser, alors, de quel sacrifice il s'agissait pour lui de rendre son insigne, son uniforme et son revolver, à quel point il était malheureux d'être si partagé entre moi et son métier, et ô combien à contre coeur il l'avait fait.
Mais bon, quand nous sommes amoureux, nous sommes bien souvent aveugles et sourds et je vivais ma petite vie aux couleurs du drapeau gay sans me soucier de ses états d'âmes. Je n'avais pas envie de l'entendre dire à quel point il détestait San Diego, et son nouveau boulot, quand je m'amusais tellement dans la galerie qui m'avait embauché.
Ça s'est développé comme une graine sous la terre : doucement, silencieusement, je ne la voyais pas et je ne me doutais de rien. Et quand la graine a fait connaitre son existence, c'était déjà devenue une mauvaise herbe difficile à arracher du sol et ça a infesté notre relation comme un jardin mal entretenu. J'ai eu le droit à toutes les insultes, toutes les punitions, je l'ai vu s'éloigner de moi sans rien pouvoir faire parce que le travail m'obnubilait, parce que j'étais déjà en faute et que le moindre geste en sa direction m'attirait ses foudres. Et ça faisait diablement mal, les piques, les regards noirs et les « je te hais » murmurés ou criés lors d'une discussion trop vive. Et puis il y a eu la goutte d'eau, le client du bar où Ambroise travaillait, qui a du poser ses mains un peu trop bas, et moi qui rentrait de plus en plus tard et ni une ni deux nous faisions chambre à part, me laissant à me demander où est-ce que j'avais tant merdé pour qu'il me déteste à ce point et ne puisse même plus supporter de me voir.
Et nous voilà aujourd'hui, tous les deux amoureux mais tous les deux déçus, séparés par un mur de malentendus et d'égos blessés, trop timides pour se risquer vers l'autre mais trop épris pour abandonner cette histoire qui était autrefois aussi belle qu'un Van Gogh, mais prenait les allures tourmentées des toiles d'Egon Schiele.


HORS JEU
Pseudo Frozen Heart Âge 20 ans Prénom Cécile Où as-tu connu le forum? Bazzart Ton personnage est un personnage inventé C'est qui ton pokémon préféré? c'est la question la plus compliquée jamais écrite... J'adore trioxhydre, mais aussi Dracaufeu, Phyllali...  ♥ Une suggestion ou un commentaire à nous communiquer ? vous êtes beaux. Le mot de la fin? FINNICK. (too soon ?)