Je n'étais venue que très rarement chez Juda, c'était un peu son antre, son jardin secret et à chaque fois que je m'y trouvai, j'avais l'impression de en pas être à ma place, de violer son intimité. Pourtant je savais que je me faisais des idées, vu qu'à chaque fois c'était le jeune homme qui m'invitait chez lui. En cet fin d'après-midi ensoleillé, je me trouvais chez lui pour développer une série de photos que nous avions fait durant la journée. Enfin, qu'il avait fait, vu que je n'avais fais qu'observer pendant qu'il prenait les clichés. C'était plutôt rare que mon appareil reste tranquillement dans sa sacoche mais cela arrivait de temps en temps et surtout quand je me trouvai en compagnie de mon mentor. Moi qui m'étais toujours dis que j'allais arriver à tout faire tout seule, je m'étais mis le doigt dans l’œil et c'est temps mieux. Grâce à lui, j'apprends beaucoup plus qu'avec un livre. Si nous pouvions l'avoir comme professeur pour quelques semaines, j'étais certaine que tout le monde ferait énormément de progrès et qu'au final nous aurions tous notre papier. Mais au moins en l'ayant comme professeur particulier, j'avais la chance de pouvoir me vanter auprès de tout le monde et j'en profitais un tout petit peu.

Les bras croisés, je l'observai développés les différentes photos qu'il prenait avec beaucoup de précaution pour les tremper dans différents produits avant de les suspendre pour voir lentement apparaître l'image qui se cache sous le voile noire. Au bout de seulement quelques minutes, je ne pouvais plus changer de place mon regard. J'aimais trop regarder observer les images naître et à chaque fois un petit sourire apparaissait sur mon visage. Je devais donner l'impression d'être une petite fille qui voyait une pub pour enfant à la télé ou qui se trouvait dans un magasin remplis de jouet. Le silence était toujours de mise dans cette pièce, mais étant plutôt une jeune femme plutôt bavarde, je ne pouvais jamais m'empêcher de prendre la parole pour briser le silence. Comme à chaque fois, tes clichés sont magnifiques. Tu as vraiment un talent ! Je me retournai pour l'observer et lui faire un magnifique sourire, même si je n'étais pas certaine que Juda puisse me voir, vu que la place était plongée dans le noir pour le bon développement des photos.

D'ordinaire solitaire, tu détestes que l'on te colle, que l'on te suive partout. Alors la première fois que tu l'as vu débarquer pour te demander si elle pouvait devenir ta stagiaire, t'as rigolé comme un fou. C'est vrai quoi. Tu trouvais la situation hilarante. D'accord, t'es photographe, mais t'as jamais fais d'études comme elle pour le devenir, qu'est ce que t'aurais à lui apprendre. Quoi qu'il en soit, tu avais accepté et en même temps, tu comptais pas être particulièrement aimable avec elle. Et puis, bon fallait reconnaître que t'étais un peu flatté quand même. Les débuts ont été difficiles, tu savais pas t'y prendre. T'étais rustre, à cran, peut être même méchant. Faut te comprendre, t'as juste pas l'habitude d'être accompagné quand tu es dans tes moments créatifs. Les vannes fusaient. D'un côté comme de l'autre, et c'est ça qui est devenu amusant.

Aujourd'hui, tu t’accommodes de la présence de la demoiselle, d'ailleurs, tu trouves presque ça agréable. A tel point que maintenant, l'inviter chez toi ne te pose plus de problème. Vous êtes tranquillement installés dans la chambre noire de ton appartement. Des pinces dans les mains et tout un tas de produits autour de toi, tu t'apprêtes à développer les clichés du jour. Elle est là, te regardant, observant chacune des photos. Tu les disperses sur une corde à l'aide de pinces à linge. Carine prend alors la parole, brisant le silence. Tu secoues la tête. « Fais gaffe, j'peux pas te voir mais j'suis sûr qu'il y a un peu de bave qui coule au coin de ta bouche. » réponds-tu en étouffant un rire. Votre relation est comme ça. Il fait noir, mais avec dextérité, tu parviens à lui attraper les mains. Elles sont douces, mais ce n'est pas ça l'important. Tu lui mets une pince dans la main. « Vas-y, essayes. » lui dis-tu en te plaçant derrière son épaule, pour la guider si besoin, pour observer ses gestes.

La première fois que j'avais vu Juda pour lui demander d'être sa stagiaire, j'étais certaine qu'il n'allait pas accepter. Dans le monde de la photographie, tout le monde savait que le jeune homme préférait travailler seul et que jusqu’à moi, il n'avait jamais pris personne sous son aile. C'était donc avec une chance totalement nulle que j'avais sonné chez lui pour faire ma demande par oral et quand j'avais vu sa réaction, l'envie de prendre la fuite m'avais prise et pourtant j'étais restée pétrifié sur le pas de sa porte, attendant sa réponse négative avec le cœur battant. Mais contre toute attente, Juda accepta de me prendre comme stagiaire et même maintenant j'ai encore du mal à y croire. En fait, il n'y a pas que moi qui ai du mal à le réaliser. Mes professeurs, certains élèves et également mon entourage ont eu beaucoup de mal à croire qu'il avait accepté. Certaines personnes ont même pensés que j'avais usées de mes charmes pour le faire craquer, chose totalement fausse ! Je lui ai simplement expliqué clair et net ce que je souhaité et apparemment ma franchise a marché.

Installé dans son mini laboratoire pour développer les clichés qu'il avait pris l'après-midi même, j'observais chacun de ses gestes, gestes tellement précis que je me demandais si une fois j'allais arriver à avoir autant d'assurance que lui. Le silence était de mise dans cette pièce et Juda me l'avait répété plus d'une fois, mais étant une bavarde invétérée, je n'arrivais jamais à rester muette bien longtemps, ce qui n'était pas du goût du jeune homme. Heureusement pour moi, aujourd'hui le jeune homme était de bonne humeur et une fois que j'avais pris la parole, il ne me jeta pas hors de la pièce mais pris à son tour de la parole. A sa réponse, un nouveau petit sourire apparu sur mon visage et l'envie de lui tirer la langue me pris, mais je réussis à me retenir. Je n'avais pas vraiment envie qu'il me prenne pour une gamine, enfin plus gamine que je le suis déjà. Alors là, c'est même pas vrai ! Il ne faut quand même pas prendre tes rêves pour des réalités. Sans que je m'en rende compte et que je comprenne pourquoi, il m'attrapa les mains et me plaça une pince dans l'une d'elles. Bien vite, je pris sa place devant les bacs remplis de liquides, pour apparemment, prendre les clichés et donc faire son travail à sa place. Jusqu'à présent, je n'avais fait que l'observer et je n'avais jamais eu l'occasion de mettre en pratique ce que j'avais vu. Me retrouver à sa place me rendait plutôt mal à l'aise, surtout que Juda se trouvait juste derrière moi et qu'il allait observer le moindre de mes gestes, ce qui me rendait encore plus nerveuse. Euh, tu es vraiment sûr ? Parce que je n'ai pas envie de gâcher de si beaux clichés et que tu me jettes ou m'enfermes ensuite quelque part dans ton appartement pour te venger et me punir. C'était donc avec une main légèrement tremblante que je me mis au travail, priant pour ne rien rater.

Dans le métier, tu as mauvaise réputation, tu le sais. Certains disent que t'es qu'un connard, égocentrique, complètement barré qui ne pense qu'à lui. La vérité, c'est que tu t'en moques éperdument. Tu ne vis pas pour les autres. Tu ne sais pas si c'est rumeurs sont motivées par la jalousie ou par l'indifférence que tu leur portes, peu importe. Carine n'a pas été la première étudiante en photographie à venir frapper à ta porte. Il y a eu des jeunes filles, qui ont essayé d'user de leur charmes, te proposant leur corps contre quelques cours, mais tu as toujours refusé. Avec Carine, tu ne sais pas pourquoi, mais c'était différent. Elle a été cash, disant qu'elle était à la recherche d'un "mentor", mais qu'elle ne savait pas vraiment pourquoi elle venait te voir car elle savait déjà que tu lui dirais non. Contrairement aux autres, elle n'a pas essayé de te vendre son corps, sa beauté, et pourtant elle aurait pu . . tu aurais d'ailleurs peut-être céder, car c'est vraiment une belle fille. Mais là, c'était un peu comme si elle te lançait un défi. Tu l'as accepté.

Aujourd'hui vous êtes là, dans ta chambre noire, l'endroit que tu ne montres à personne d'habitude. Avec le temps, tu t'es habitué à sa présence. Elle est tellement bavarde qu'au début, tu lui répétais tout le temps de se taire. Aujourd'hui, pas d'exception. Il faut sans arrêt qu'elle ouvre la bouche, mais cette fois, tu as envie de plaisanter un peu. Alors tu lui balances une vanne. Ses réactions sont souvent celles d'une gamine, et si parfois ça t'agace, aujourd'hui t'es de bonne humeur et ça te fait sourire. D'ailleurs, tu te surprends à lui coller les pinces dans les mains. Elle n'a jamais pratiqué, depuis toujours, elle se contente d'observer. Elle ne semble pas très à l'aise à l'idée de se débrouiller seule. Machinalement, tu te places derrière elle. « Oui, j'en suis sûr. » murmures-tu non loin de son oreille. « Et puis si tu te loupes, je t'enferme ici à vie, tu devras faire tout ce que j'te dis, me préparer à manger, me laver. La vie de rêve quoi. ». Parfois, tu te dis que tes propos peuvent être pris pour du harcèlement sexuel, mais pour toi, tu ne fais rien de mal. Tu poses tes mains sur ses poignets tremblants afin de la guider dans ses gestes hésitants. « N'aies pas peur, tu m'as vu faire ça des centaines de fois. ». Ensemble, vous attrapez un cliché se trouvant dans un bac, pour le mettre dans un autre bac, etc. . Après plusieurs manipulation, l'image apparaît. « C'était pas si compliqué. » souffles-tu en la lâchant.