19h03
Tu viens de rentrer d'un rendez-vous important. La vérité, c'est que là, tu ne rêves que d'une chose, te laisser tomber dans ton canapé et ne plus bouger. T'es lessivé, ce rendez-vous t'a épuisé psychiquement. Ton premier réflexe finalement, c'est d'allumer la machine à café, peut-être qu'une bonne dose de caféine fera l'affaire. Tu te poses sur la rebord de la fenêtre, celle-ci grande ouverte pour aérer un peu la pièce. Dans la poche de ta chemise à carreaux de bûcheron, t'attrapes ton paquet de clopes pour t'en griller une. Tapotant tes poches de jean, tu trouves enfin ton briquet. La flamme allume l'objet de ton principal vice. Tu te sens bien, mieux. En même temps, tu observes les rues du quartiers, plein de monde, trop de monde, mais t'aimes bien, c'est animer au moins, pas comme chez toi. Une petite sonnerie te sort de tes pensées. Le café est chaud, prêt à être déguster. Tu t'en sers une tasse, puis retourne te poser au même endroit. Lorsque tu regardes ta montre, tu songes au club vidéo encore ouvert, ce sera comme ça que tu passeras ta soirée.

19h54
Tu rentres dans le vidéo-club, ne sachant pas trop quoi prendre. Ici, les gens sont variés. Tu reconnais le genre de film qu'ils vont choisir par leur allure. Lui, habillé en gothique, c'est pour le rayon film d'horreur bien gore, bingo ! Elle, les yeux brillants, les joues roses, ce sera pour une bonne comédie romantique, encore gagné. Et elle . . Tu restes bloqué sur elle de longues secondes. Son visage est familier, ses grimaces le sont aussi . . Elle éveille ta curiosité. D'ailleurs, tu ne sais même pas dans quel genre de film tu pourrais la classer. Tu croises sur regard, et là un sourire vient déformer ton visage. Putain, impossible, penses-tu. Si c'est elle, c'est devenue une sacrée bombe . . Machinalement, tu t'avances dans sa direction. « Barbie ? » demandes-tu en la dévisageant de la tête au pieds. Quel prénom inoubliable. A l'époque, tu te foutais de sa gueule, maintenant . . tu trouves que ça lui va plutôt bien.

T'es là, comme un con à la regarder, elle a tellement changé. D'ailleurs, si tu n'avais pas une aussi bonne mémoire visuelle, tu ne l'aurais certainement pas reconnue. Elle fait remonter tellement de souvenirs . . La vérité, c'est que t'as pas passé énormément de moment en sa compagnie. Tu la supportais. Bah ouais, c'était la jeune sœur de tes potes, un vrai pot de colle, quand tout ce que vous vouliez c'était prendre du bon temps à faire des trucs de mecs. Elle semble aussi surprise que toi de ces retrouvailles. Machinalement, tu tends les bras vers elle pour la serrer fort. Puis un silence maladroit s'installe entre vous. De ton côté, tu la revois gamine, à courir derrière vous. Bon même si sa présence te saoulait, t'as jamais été un petit con avec elle, t'aimais juste bien la vanner. Aujourd'hui, il semblerait que c'est ton tour de subir les vannes. Lorsqu'elle te fait remarquer que t'as un peu vieilli, tu passes une main derrière ton cou, aouch. Mais ça te fait sourire. « Par contre, si moi j'ai pas changé, toi . . » dis-tu en la dévisageant de la tête au pieds. « Tu t'es métamorphosée, c'est ouf ! » lances-tu avec un grand sourire aux lèvres. Les gens dans le vidéo-club passent à côté de vous, ils vous dévisagent, vous rentrent à moitié dedans, mais vous bougez pas. Tu restes planté devant elle. « Par contre, j'vois que même les années n'ont pas arrangé tes piqûres de moustiques » balances-tu en faisant référence à sa poitrine. « Sérieux, c'était quand la dernière fois que t'es venue avec tes frères ? J'ai l'impression que c'était hier qu'on allait surfer tous les jours comme des dingues. » Ta voix est nostalgique. Tu penses souvent à ces moments.