Elle était jolie cette fille. Chiante comme la pluie mais jolie. C'est elle qui était venue vers Clyde en battant des cils, s'était invitée à sa table. Un café qu'il avait pris, sage comme il était devenu. Il devait se faire violence mais ses consommations avaient nettement diminuées. Il prenait plus rien en journée. Le soir, il évitait. C'était le week-end que c'était le plus dur à gérer. N'empêche que Clyde trouvait qu'il s'en sortait admirablement bien. Malgré les sautes d'humeur et les crises de manque. Il avait qu'à se rappeler pourquoi il faisait ça et il se calmait. Plus ou moins. Quoi qu'il en soit, quand la jeune femme s'était installée en face de lui, Clyde n'avait pas vraiment cherché à comprendre. Pas beaucoup de conversation. Enfin, si, elle débitait pas mal de conneries. Mais ça l'intéressait pas, il arrivait à peine à en rire. Ce qu'il voulait, c'était parler de ce qui était devenu sa priorité dans la vie, son bébé. Il s'est retenu, a gentiment hoché la tête à tout ce qu'elle disait. Pourquoi n'avoir rien dit? Tout simplement parce qu'il ne voulait pas qu'elle parte. Elle était prête à être consommée cette fille. Elle ne demandait que ça, Clyde avait assez d'expérience dans le domaine pour le voir. Il la voulait. Enfin, il croit. C'est comme ça qu'il avait toujours fait, non? Sauter sur tout ce qui bouge. Ou ce qui bouge pas, tant pis si elles sont ivres mortes hein. Pourquoi ça devrait changer? Clyde essaye de se persuader que c'est tout à fait naturel mais quelque chose en lui a presque envie de l'en empêcher. Sa conscience sûrement. Depuis quand elle s'était réveillée celle-là? « T'habites dans les parages toi? » Elle secoue la tête. Merde. Clyde aurait préféré qu'ils apprennent "à mieux se connaitre" chez elle plutôt que chez lui. Dans son appart', il y avait cette chance qu'Alma débarque. Clyde a beau dire ce qu'il veut, il tient pas à ce qu'elle soit au courant. Ça l'empêche pas de prendre le risque. A peine la porte refermée sur eux, Clyde lui saute dessus. Ça les mène rapidement à son lit. Le reste est très machinal. Une chorégraphie que Clyde connait par coeur, ça a perdu tout son intérêt depuis longtemps déjà. Il retombe sur le dos et laisse cette fille s'allonger sur lui. Clyde dit rien tant qu'elle reste pas longtemps, ça lui va de jouer les nounours. Le regard rivé sur le plafond, il pense à ce qu'il vient de faire. Par politesse, il affirme que c'était génial mais il n'en pense pas un mot. C'était quelconque. Pas mieux que ce que l'ado prépubère qu'il était faisait seul dans sa chambre.  

Mademoiselle Valhallens, votre situation est critique. Vos absences à répétitions risque de perturber votre fin d'année scolaire et la réussite de votre examen. dixit la conseillère principale d'éducation de son lycée. Elle est assise, là, sagement. Elle se contente d'acquiescer, sans plus. A quoi bon se lancer dans le long discours expliquant qu'elle est enceinte et qu'elle a de nouvelles priorités ? Et puis, cela se voit, maintenant. Cela qui ne s'en est pas rendu compte est carrément aveugle. Alors oui, elle le sait. Il y a peu de chances pour qu'elle obtienne son diplôme, mais le jeu en vaut largement la chandelle. D'ici quelques mois, un petit homme se tiendra sur elle, prêt à dévorer le monde. L'homme de sa vie, son petit garçon. Même si il y a quelques semaines elle lui en voulait d'avoir foutu sa vie en l'air, aujourd'hui, elle a un amour démesuré pour lui. Stupide, quand on sait qu'il n'est même pas encore là. Mais pourtant. Elle se sent prête comme jamais à l'accueillir. Un dernier sourire faux, et elle quitte le bureau. Quelle conne celle-ci. Une vieille conne aigri. Elle sort du lycée, attrape ses clés de voiture, pour se réfugier dedans afin de rentrer. Chez Clyde. Cela fait une semaine qu'elle vit là-bas, et cela ne se passe pas si mal que cela. Pas trop d'accros, juste ce qu'il faut. Le soir, souvent, ils leur arrive de regarder un film, et de rire. Cependant, aucuns des deux n'a reparlé de cette fameuse matinée, comme s'ils avaient peur que cela gâche la bonne humeur ambiante. Alma arrive devant chez lui, entre. « j'suis rentrée ! » s'exclame-t-elle d'un ton enjoué, jetant ses clés sur la table. Pas une bruit ne résonne. Etrange. Alma fronce les sourcils. « clyde ? » l'appelle-t-elle, épiant un peu partout. Bon, il est sûrement parti sur le campus. Elle se met à l'aise, attrape un truc à manger. Une fois fait, elle se dirige vers la chambre afin de se changer. Lorsqu'elle ouvre, son coeur rate un battement. « oh mon dieu. » lance-t-elle, détournant rapidement le regard. Clyde est là, nu comme un vers. Allongé sur lui, une jeune fille qu'elle ne connait pas. Dans la même position qu'elle était la semaine passée. Elle oscille entre colère et déception. Instinctivement, elle referme la porte, elle en a beaucoup trop vu. « j-je suis désolée, j'vais m'en aller. » s'exclame-t-elle, attrapant sa veste, puis son sac, afin de chercher ses clés et partir loin de cette vision qu'elle déteste.

Clyde se sent maintenant un peu con. Il aurait pas du. Au lieu de se sentir léger et tout content, Clyde se sentait juste encombré. Encombré d'une fille qui semblait pas avoir envie de quitter son torse tout de suite. Il continue de fixer le plafond, cherchant les mots pour lui dire qu'ils devaient se quitter. Il pourrait lui dire la vérité. Mais non. Il ne veut pas mêler Alma et son enfant à ça. Alors il pourrait lui dire qu'il est attendu quelque part. Oui, c'est ce qu'il allait faire. Dans dix petites secondes histoire d'être correct. C'est pas parce que Clyde se sent mal qu'il est obligé de faire se sentir mal cette gonzesse aussi. Oui, définitivement, la conscience de Clyde s'était bel et bien réveillée. Il se souvient pas en avoir eu quelque chose à foutre avant de ce qu'on pouvait bien penser de lui. Il soupire. C'est à ce moment-là que la tête d'Alma passe l'encadrement la porte, c'est là qu'elle voit. Clyde réagit pas tout de suite mais quand il le fait, il fait carrément un bond dans le lit, éjectant la blondinette de son épaule. Elle comprend pas trop, demande des explications. « Rhabille-toi » siffle Clyde entre ses dents en remettant lui-même son caleçon. Il ouvre la porte, attrape Alma par le poignet. « Fais pas ça. Pars pas. » Il reste un instant comme ça, il sait pas vraiment quoi dire. C'est pas comme s'ils étaient ensembles, non. Mais Clyde comprend qu'elle n'avait pas à voir ça. Tout comme il n'aurait pas aimé voir ça si les rôles avaient été inversés. L'autre fille fait son apparition dans la pièce, comprend rapidement qu'elle n'est pas à sa place. Elle s'attarde sur le ventre d'Alma puis sur Clyde. « Je suis désolée, il m'avait rien dit! Je... Je vais vous laisser. » Clyde lui lance un sourire mauvais. C'est qu'elle l'aide vraiment là! Elle l'insulte, quelque chose que Clyde a déjà entendu des centaines de fois. Pauvre type. Ouais, peut-être bien. Elle sort, Clyde lâche le poignet d'Alma. Quelque chose lui disait que le peu de confiance qu'Alma avait en lui allait bientôt s'effacer. « Je suis désolé, t'aurais pas du voir ça. » commence-t-il sur un ton calme. « Mais t'es chez toi ici alors, je t'en prie, reste. » Il essaye de lui sourire. Pas très efficace. Il sait très bien que c'était pas ça le problème, que ça n'allait pas l'empêcher de partir. C'est pas pour autant qu'il laisserait Alma partir. Ça faisait une semaine que Clyde tenait une bonne partie de ses résolutions et c'était grâce à Alma. Si elle n'était pas là avec son ventre tout rond, Clyde aurait du mal à trouver la motivation de continuer.

Alma essaye de chasser cette vision de son esprit, tant bien que mal. Sans succès. Voir Clyde dans ce lit avec cette fille lui rappelle la matinée de leur étreinte, où tout paraissait plus simple. Et imaginer qu'il est pu la regarder comme il la regarde, la toucher comme il l'a fait avec elle lui est insupportable, clairement. Sentiment exagérée direz-vous. Peut-être. Alma ne le voit pas comme ça. Elle a l'affreux sentiment d'avoir perdu ce lien unique. Elle n'est plus unique. Plus à ses yeux en tout cas. Elle panique, cherche désespérément ses clés qui finalement se jouent bien d'elle. Elle râle, balance un juron, puis un deuxième. Le bruit métallique de celles-ci sonne la fin de ce calvaire. Biens en main, elle avance vers la sortie. Et puis elle sent une main encercler son poignet, son pouls accélère. « Fais pas ça. Pars pas. » entend-elle. Une voix qu'elle a entendu, encore et encore. Elle se retourne, perce son regard du sien. Un regard noir. Tel un chat sauvage qui vient d'être découvert. Elle tient à lui montrer qu'elle n'est pas si vulnérable que ça, que l'on ne peut pas jouer avec elle de la sorte. Cela dure un moment, peut-être trop. Sa maîtresse sort. Alma écoute à peine ses explications, détourne le regard immédiatement. Elle ne veut pas la voir. Elle ne peut pas la voir. Elle a l'impression d'avoir fait une chute de plusieurs étages. Au fond, elle devait s'y attendre, non ? Le parfait petit connard est revenue à la vitesse grand V, à peine a-t-elle passé le pas de la porte. Et elle repense à ses promesses, en rigole presque. Quelle idiote. Quelle désillusion. Quelle tristesse. La porte claque, les voilà seuls. Elle veut lui cracher tout son venin au visage, mais n'y arrive pas. « Je suis désolé, t'aurais pas du voir ça. » s'excuse-t-il. Non, sans blague ? Elle ne répond pas. Elle n'a même pas envie de répondre. C'est au dessus de ses forces. « Mais t'es chez toi ici alors, je t'en prie, reste. » continue-t-il. Un sourire se dessine sur son visage. Il a un culot monstre. Comment peut-il sourire dans un moment pareil ? Elle garde ses distances avec lui, secoue la tête. « non. non je ne suis pas chez moi et non je ne reste pas ici. » dit-elle, d'un ton étonnement calme et maîtrisé. Un mauvais rire s'échappe de sa bouche, ses prunelles assassines se posent de nouveau sur lui. « tu te souviendras à quel point je tiens à toi, alma... dit-elle, répétant mot pour mot ce que lui a dit le père de son enfant. j'ai pas l'impression que tu t'en sois souvenue, quand tu jouais à la bête à deux dos avec cette fille. » finit-elle par dire, fronçant les sourcils, les bras croisés.

Clyde est mal à l'aise. Il ne saurait pas l'expliquer mais il sait très bien ce qu'Alma ressent. C'est proche de la trahison. C'est bien pour ça que ce serait hypocrite de lui reprocher sa réaction. Il essaye juste de la calmer, de rendre les choses moins dramatiques qu'elles ne le sont déjà. D'où le sourire et les belles paroles qui ont plus vraiment de sens étant donné les circonstances. Qu'est-ce qui lui avait pris de toute façon? A la minute même où il avait ramené cette fille ici, Clyde avait su qu'il faisait une erreur. Seulement il avait trop l'habitude d'en faire, il a toujours laissé courir. Y'a pas de conséquence en général ou alors il s'en fout complètement. Là, il a carrément la trouille. Il veut pas. Alma peut pas s'en aller. Il a besoin d'elle peut-être même plus qu'elle a besoin de lui. « C'est vraiment pas la peine... Je t'assure. » Alma rigole. Rien à voir avec les rires complices qu'ils avaient échangé cette semaine. Clyde y sent l'amertume qu'Alma doit probablement ressentir à son égard, il se pince les lèvres. Il trouve rien à dire à part plaider coupable. C'est Alma qui embraye, lui rappelant les confidences qu'il lui avait fait. « Mais je tiens à toi Alma! » Et bien qu'il soit sincère, Clyde a du mal à croire qu'Alma puisse le croire. « Tu l'as dit toi-même que t'attendais rien de moi! » Il hausse le ton comme à chaque fois qu'une situation l'échappe. Il contrôle plus rien mais une chose est sûre : il préfère attacher Alma à son lit plutôt que de la laisser partir. En une semaine, il s'est déjà habitué à sa présence. A leur présence à tous les deux à vrai dire. Clyde veut plus être coupé de tout ça. C'est comme ça qu'il est heureux. « Si tu voulais que je vois pas d'autres filles, t'aurais peut-être du me le dire! Je sais pas si t'as remarqué, y'a le gosse dans ton ventre mais pas d'alliance à nos doigts. » C'est vrai. Que ce soit Clyde ou Alma, ils ne s'étaient engagés en rien. Ils savaient juste tous les deux que ça ferait mal. Un peu comme un secret, quelque chose qu'ils n'avaient pas eu besoin de se dire finalement pour savoir.

La situation tourne au vinaigre, comme à chaque fois que tout pourrait aller parfaitement bien. Il est là, à ses côtés. Pourtant, elle n'a aucunement envie de le regarder. Un sentiment mitigé s'empare d'elle. Elle devait le savoir, pourtant. Clyde est comme ça, il a toujours été comme ça : entouré de filles et insouciant. Alors, pourquoi le prend-elle si mal ? C'est pas normal, encore moins logique. Elle devrait passer au-dessus de tout cela, pourtant elle n'y arrive pas. Il y a ces coups d'aiguilles dans son coeur qui lui font prendre conscience que non, elle ne s'en fiche pas. Pas le moins du monde même. Elle reste plantée là, sans bouger. « C'est vraiment pas la peine... Je t'assure. » lance-t-il. Sa décision est déjà prise. Elle ne restera pas. Au bout d'une semaine, il lui est déjà insupportable de le voir partageant ses draps avec une autre. Alors à quoi bon enfoncer le clou en continuant à supporter ce genre de scène ? Non, elle ne peut pas. « Mais je tiens à toi Alma! » s'exclame-t-il. Elle a l'impression de suffoquer. Elle ferme les yeux, quelques instants, histoire de ravaler ses larmes. Alma et son coeur de guimauve. Pathétique. Pathétique d'avoir pu se raccrocher à lui, comme ça. Avoir cherché à déceler le meilleur. Il n'y a pas de meilleur. Juste le pire qui est camouflé. Elle ouvre de nouveau les yeux. « tu tiens à moi vraiment ? tu crois vraiment que tu aurais fais ça, si tu tenais un minimum à moi ? tu crois que tu l'aurais baisé comme tu l'a fait avec moi, si tu tenais à moi ? tu n'a même pas eu la décence d'aller ailleurs que dans le lit où je dors pour faire ça !» dit-elle, haussant le ton à son tour. Non, c'est au dessus de ses moyens. Elle secoue les bras dans tout les sens, perdant le contrôle de soi-même. De la jalousie ? Elle ne le sait pas. Sûrement. « Tu l'as dit toi-même que t'attendais rien de moi!» rajoute-t-il. Alma plante son regard dans le sien, fronce les sourcils. Elle reste comme cela, un moment. Bien sûr, qu'elle l'a dit. Mais ce n'est pas pour autant qu'elle en pense un mot. C'était juste une manière de se protéger. Mais cela n'a pas vraiment marché. « Si tu voulais que je vois pas d'autres filles, t'aurais peut-être du me le dire! Je sais pas si t'as remarqué, y'a le gosse dans ton ventre mais pas d'alliance à nos doigts.» dit-il. Elle soupire, fait un tour sur elle-même, passe frénétiquement une main dans ses cheveux. Elle s'attendait exactement à ce genre de réplique venant de lui. « ah oui, et ça aurait changé quoi clyde ? tu m'aurais rigolé au nez, m'aurait tapoté sur la tête et tu serais parti dans le premier bar du coin pour t'soulager !» lâche-t-elle. Okay, c'est un peu exagéré mais ça ressemble à ce qui se serait passé à coup sûr. Elle secoue la tête, de nouveau. « t'as raison. après tout, j'suis rien. j'suis juste ta poule pondeuse.» rajoute-t-elle. On peut sentir une pointe de déception dans le son de sa voix.

Clyde a juste essayé. Il voulait voir, simplement être sûr. Ses conclusions lui font un peu peur d'ailleurs, un peu trop pour qu'il se l'avoue entièrement. Pourtant, au fond de lui, il sait bien qu'il n'avait rien à y gagner. C'était une erreur même. Ça le dérangeait pas avant que tout ça n'ait aucun sens. C'est différent aujourd'hui. Ses épaules s'élargissent à mesure qu'il devient père, un homme. Ou presque. Clyde fuit le regard assassin d'Alma, il se sent coupable. Il sait qu'il aurait pas du mais au lieu de lui dire, il préfère chercher à se justifier. C'est lâche. Alma se met à parler fort aussi, Clyde lâche un soupir exaspéré. Il aurait seulement fallu qu'il dise non, qu'il parle de son bonheur tout récent avec son gosse. Avec Alma aussi. Ça aurait suffit. Il aurait pu se contenter de ça. C'est comme s'il se sentait obligé de prendre le chemin le plus compliqué à chaque fois. Le plus douloureux aussi. « J'en sais rien Alma... Ouais! Je tiens à toi. Visiblement pas assez pour deviner que tu voulais pas que je m'envoie en l'air avec quelqu'un d'autre, désolé. Je suis pas un putain de voyant tu vois! Mais je tiens à toi. Assez pour le regretter. » Clyde marmonne ces derniers mots, il a peur de se retrouver seul mais pas assez pour se livrer entièrement. C'est encore plus effrayant que de finir seul. Il devait d'abord admettre. Avouer ensuite. Le plus dur étant encore de l'accepter. Il se tripote nerveusement les doigts puis les cheveux. Ils partent dans tous les sens, un peu comme la preuve de sa culpabilité. Le souvenir éphémère de cet instant sordide passé avec une blonde que Clyde aimerait déjà avoir oublié. « Ce que ça aurait changé? T'aurais juste eu tous les droits de me faire une scène pareille! Mais t'as raison, ce serait arrivé quand même, j'avais... » Il se stoppe net et balaye d'un geste de la main ce qu'il vient de dire. Il allait en dire trop. C'était pas le moment d'être faible. Une phrase de trop. C'est d'abord la colère qui traverse Clyde. La tristesse maintenant. Comment est-ce qu'elle pouvait seulement penser ça? Plus brutalement qu'il ne l'aurait vu, Clyde l'attrape par les bras. « Tu le pense pas... Si? » Son ton était redevenu normal, presque trop posé pour appartenir à Clyde. Il fronce les sourcils. Il finit par lâcher Alma, s'éloigne un peu. « N'importe quelle fille dans ce pays... Mes frères. Ma mère même. J'ai jamais traité quelqu'un aussi bien que toi. Ça laisse encore à désirer, ouais. Et pourtant. » Il se mord l'intérieur de la joue, ce qu'il est stupide aussi! Pourquoi ça finissait toujours comme ça? Pourquoi ce qu'il dit jamais à personne finit toujours par parvenir aux oreilles d'Alma?

Elle a l'impression de faire deux pas en arrière. Même des milliers. De revenir au moment de leur discussion dans ce café. De ce moment au bord de la plage. Des disputes, encore et toujours. A s'en tuer à petit feu. Après tout, c'est leur mode de fonctionnement, non ? Elle devrait le savoir maintenant. Mais non, elle ne s'y fait toujours pas. Ca lui fait toujours autant mal, à Alma. Parce que dans le fond, elle l'aime bien Clyde, peut-être un peu trop. La chute n'en est que plus douloureuse. Fini le temps de la complicité, l'heure est aux reproches. Elle ne devrait rien dire pourtant, ils ne sont pas engagés aussi bien l'un que l'autre. Mais les mots sortent de sa bouche sans qu'elle ne puisse s'arrêter, machinalement. Elle aimerait se taire, mais impossible. « J'en sais rien Alma... Ouais! Je tiens à toi. Visiblement pas assez pour deviner que tu voulais pas que je m'envoie en l'air avec quelqu'un d'autre, désolé. Je suis pas un putain de voyant tu vois! Mais je tiens à toi. Assez pour le regretter. » dit-il. Deviner ? Mais il n'y a rien à deviner pourtant. C'est dans la suite logique des choses. Il lui a fait comprendre qu'elle est différente des autres. Il avait simplement à la respecter. Mais cela doit être au dessus de ses moyens. Pourtant, c'est tellement simple. Elle se contente de lâcher un soupir. « Ce que ça aurait changé? T'aurais juste eu tous les droits de me faire une scène pareille! Mais t'as raison, ce serait arrivé quand même, j'avais... » balbutie-t-il. Ses yeux s'écarquillent. Elle ne pense pas faire une scène, non. Elle pense même en être très loin. « oh, parce que j'aurais dû attendre bien sagement que tu finisses tes petites affaires sur le canapé ?» s'exclame-t-elle. Le reste de la conversation est un poignard en pleins dans le coeur, elle se contente de se taire. Après tout, l'ignorance est ce qui est le plus douloureux, non ?

Clyde perd peu à peu pied. Il s'énerve. Alma répond à peine, c'est comme s'il parlait à un mur. Elle aussi, elle avait fait face à un mur auparavant. Un Clyde qui ne veut surtout pas être père, qui se contente de sa situation pourrie de vingtenaire désaxé. Il avait tellement évolué depuis... Mais fallait pas rêver. S'il avait tout mis en oeuvre pour être -presque- irréprochable, Clyde a toujours fuit. Surtout quand il s'agit de sentiments. S'abandonner à une autre, c'était une manière de se tester. On peut dire qu'il a échoué. Et qu'en plus il est pas vraiment passé inaperçu. Si seulement Alma était dans sa tête, c'est vachement plus mignon là-haut. Presque moins chaotique pour une fois. « Mais bien sûr que non! » lâche-t-il à bout d'arguments. Encore une fois, Clyde avait une de ces discussions sérieuses qui changent un ménage en caleçon. Ça allait devenir une sacrée habitude si ça continuait. Glamour en toutes circonstances. « J'essaye, tu vois, j'essaye... » Clyde s'écarte un peu, juste histoire de ne pas faire quelque chose qui regrette en cas de coup de chaud. Ça aurait pu être simple de garder Alma auprès de lui, n'importe qui aurait pu y arriver. Sauf que pour Clyde, tout est nouveau. Il a toujours été étranger à ce qu'il peut ressentir, il a toujours pris ses jambes à son cou dès que ça devenait trop intense. Ouais, il avait eu peur. Il a encore plus peur aujourd'hui en sachant à quel point il s'était senti vide quand il avait sauté cette fille. « Je sais juste pas comment m'improviser gendre idéal! J'ai pas de notice et... » Il s'arrête, se retourne pour faire face à Alma. Il s'approche à nouveau un peu. Pas trop. S'il tend le bras, il la touche. Mais cette fois, il garde ses bras pour lui. Cette fois, Clyde n'allait pas pouvoir s'en sortir en s'emparant des lèvres d'Alma. Ça ne ferait qu'aggraver les choses. « Et quoi maintenant? Tu vas me faire la gueule? Me maudire jusqu'à la fin des temps parce que j'ai couché avec une autre alors qu'on est même pas ensemble? » Clyde sert les poings, juste une manière de reprendre son calme. « Ça te fait chier, ouais, je veux bien le croire. Mais la vérité Alma, c'est que t'aurais sûrement été la première à fuir s'il y avait eu quoi que ce soit de sérieux entre nous. Tu te souviens? Je suis Clyde Wright. » dit-il presque en grognant. Il hausse les épaules, perd son regard sur Alma. Ses yeux, ses cheveux, ses bras, ses mains... Son ventre maintenant. Comme si c'était la dernière fois.

Ses pieds implantés dans le sol, face à lui, Alma lutte avec ses émotions. Ne rien laisser paraître pour ne pas se montrer vulnérable. Elle n'est pas vulnérable. Pas du tout. En fait si. Elle est vulnérable, et c'est problématique. Problématique parce qu'elle l'est toujours en sa présence. Elle le fixe, il s'anime en sous-vêtements, stigmate de son étreinte récente. Et même cela, ça l'énerve. Il aurait pu avoir la décence de se rhabiller entièrement. « Mais bien sûr que non!» s'exclame-t-il. De toute façon, ce n'est pas envisageable. Elle aurait fini par entrer dans la chambre et incendier Clyde, leur jeter leur affaires dessus et faire un scandale. Mais le résultat est le même : son petit coeur se serait brisé comme de la porcelaine. « J'essaye, tu vois, j'essaye...» dit-il. Elle le regarde s'éloigner, se demande s'il va encore fuir la conversation. Non. Avant, il l'aurait fait. Aujourd'hui, elle sait qu'il va faire face à ses responsabilités. Elle reste muette, attends juste qu'il finisse son explication, afin de savoir le pourquoi du comment. Pourquoi a-t-il emmené cette femme ici, pourquoi l'a-t-il touché, pourquoi l'a-t-il serré. « Je sais juste pas comment m'improviser gendre idéal! J'ai pas de notice et...» commence-t-il par dire, alors qu'il se rapproche un peu plus d'elle. Elle, au contraire, à envie de reculer. Pour ne pas succomber une nouvelle fois. Pour lui montrer qu'elle est des plus sérieuses. « ce n'est pas ce que je te demande...» murmure-t-elle, haussant légèrement les sourcils. C'est vrai quoi, elle ne lui demande pas d'être parfait. Ce sont toute ces petites imperfections qui font qu'il est Clyde, et qu'elle l'apprécie en tant que tel. Elle ne veut pas qu'il sombre, tout simplement. Qu'il redevienne le petit connard qu'elle connait si bien. « Et quoi maintenant? Tu vas me faire la gueule? Me maudire jusqu'à la fin des temps parce que j'ai couché avec une autre alors qu'on est même pas ensemble?» lance-t-il. Elle croise les bras, un rire mesquin s'échappe de ses lèvres. « te faire la gueule ? oh mon dieu clyde, j'ai peut-être dix-huit ans mais je ne me cantonne plus à ce genre de gamineries. » déclare-t-elle. Donc pour lui la situation va se résumer à cela ? Tu fautes, tu fais la gueule ? Peut-être bien oui. Enfin, l'enjeu est quand même plus important. « Ça te fait chier, ouais, je veux bien le croire. Mais la vérité Alma, c'est que t'aurais sûrement été la première à fuir s'il y avait eu quoi que ce soit de sérieux entre nous. Tu te souviens? Je suis Clyde Wright.» finit-il par dire. Est-il seulement dans sa tête ? Croit-il qu'elle se contente de juger ? Elle lève les yeux au ciel, sent ses canaux lacrymaux se remplir. Alma repose de nouveau ses prunelles sur lui, secoue la tête par la négative. « non. non j'aurais pas fuis. parce que justement, tu es clyde wright, et que c'est toute ces petites imperfections qui font que je... » lance-t-elle. Elle se stoppe soudain. Qui font que quoi ? Qu'elle commence petit à petit à se perdre dans ses sentiments ? Oui. Voilà, elle le dit. Oui. « j't'en veux tellement d'avoir pu la regarder comme tu as pu me regarder la dernière fois, que tu as pu la toucher comme tu m'as touché, de l'avoir serré dans tes bras comme tu le fais avec moi... » lance-t-elle, tentant de ravaler ses larmes, sa voix se brisant légèrement. Oui, elle lui en veut. Vraiment.

C'est vrai, c'est pas ce qu'elle lui demande. Elle lui a même rien demandé. Clyde aurait du le faire. Naturellement. Envoyer paitre cette fille, lui parler de son petit garçon, peut-être même d'Alma. Elle serait partie en courant et Clyde serait retourné à l'appart' où il aurait sagement attendu Alma. Elle lui aurait raconté ce qu'elle a fait, il aurait écouté et apprécié. Une famille, un joli petit tableau qu'ils n'ont pas cessé d'être depuis une semaine. Encore une fois, Clyde venait compromettre son bonheur. Il avait jamais eu besoin de personne pour se mettre des bâtons dans les roues. « Alors qu'est-ce que tu veux? » Il ouvre les bras, excédé. Il en a déjà marre de se disputer avec Alma. Si c'était sa manière de lui montrer qu'il tient à elle avant, c'était aujourd'hui un rappel amère de leur passé. Ils avaient évolué depuis. C'est ce que Clyde avait cru. Faut croire qu'il venait de faire un bond en arrière par sa faute. Il sait même plus quoi répondre, ses oreilles sifflent. Assez. Il en avait définitivement assez. Il baisse la tête, prêt à abandonner. Clyde allait laisser courir les choses, ça finirait bien par s'arranger. Ou pas. C'est là qu'Alma se manifeste à nouveau, plus touchante qu'elle ne l'a jamais été envers lui. Il lève la tête dans sa direction, on dirait un petit chien qu'on vient de punir. Il secoue ensuite la tête. Doucement. Clyde sent la colère retomber. « J'ai pas fait tout ça... Je... Je m'en fous d'elle. Je m'en fous des autres aussi. Je voulais pas y croire, c'est pour ça que... » Le Clyde qu'il était il y a quelques mois lui aurait rit à la gueule. C'est affreusement pathétique. Presque une déclaration. Des explications? Pourquoi lui en donner? Ce n'est qu'une fille. Clyde peut se le répéter dans toutes les langues, ça ne marche pas. C'est Alma. La mère de son enfant et pas que. « Mais c'est vrai. Y'a que toi en fait. » C'est sorti tout seul. Clyde regrette déjà. C'était pas le moment. Elle allait sûrement lui rire au nez et il l'aura mérité. Ça change rien ou presque. Il a fauté. Encore une fois. Le fait qu'il l'ait fait pour s'assurer que ses sentiments naissants étaient bien réels ne change rien. Pas aux yeux d'Alma en tout cas. Ça fait tout autant mal. Peut-être même plus. C'est du gâchis. « Oublie. » Il hausse les épaules. « Si t'as besoin de réfléchir un peu, je m'en vais. Je rentrerais cette nuit et je prendrais le canapé. Juré. Mais pars pas. J'ai besoin de vous ici. » Un dernier essai. Clyde se pince les lèvres, espère sincèrement qu'elle accepte de rester. Il est pas sûr de s'en sortir autrement.

Elle s'en veut. Elle s'en veut d'avoir eu l'idée de rentrer à cette heure-ci, elle s'en veut d'avoir accepter la proposition de Clyde d'habiter chez lui, elle s'en veut d'être ici pour ses beaux yeux. Car oui, elle avait envie de rentrer, de passer le pas de la porte pour voir le visage enfantin de Clyde. De s'asseoir à ses côtés sur le canapé, poser sa tête sur son épaule, lui raconter sa journée et regarder la télé. Programme basique, ouais, mais qui lui rappelait ses soirées avec sa mère. Lui rappelait qu'elle avait un semblant de famille. Du moins elle le pensait. Finalement, ce n'est que de la poudre aux yeux. Une illusion bien trop grande pour elle, et qui fait bien trop mal. Mal. Mal au coeur. Elle n'a que ce mot-là aux lèvres. « Alors qu'est-ce que tu veux? » lâche-t-il, ses bras s'écartant, signe de lassitude. C'est simple. Ce qu'elle veut, c'est que cette fameuse nuit sur la plage n'ait jamais existé. Si elle savait ô combien elle serait malheureuse, elle ne se serait jamais confiée à lui. Déception, amertume, colère. Voilà ce qui coule dans ses veines à cet instant précis. « ce que j'aurais voulu ?! j'aurais voulu que tu me prouves que tu tenais à moi, que tu avais du respect pour la fille qui porte ton enfant ! j'voulais juste que tout se passe bien... s'exclame-t-elle, le pointant du doigts. mais apparemment, c'était au dessus de tes forces. » finit-elle par murmurer, restant dans cette position un petit moment. Comment peut-elle se laisser guider par ses émotions de la sorte ? Comment peut-elle s'être attachée à lui ainsi en quelques semaines ? Laisse tomber les mauvais garçons Alma, tu vas retrouver ton coeur par terre dans un coin de rue disait sa mère. Et elle a raison. Pourtant, elle ne peut pas s'en empêcher. C'est comme ça, ça ne se contrôle pas. Elle le voudrait, oh oui. Mais c'est impossible. Elle désire Clyde de tout son être. Mais ça fait beaucoup trop mal pour tenir le choc. Alors ses larmes coulent, sans s'arrêter, abîme son joli minois. Ses airs de petites filles tristes ont de nouveau pris le dessus. « J'ai pas fait tout ça... Je... Je m'en fous d'elle. Je m'en fous des autres aussi. Je voulais pas y croire, c'est pour ça que... » déclare-t-il. Alma relève les yeux. Il a dit quoi là ? Non non, c'est impossible, elle doit le rêver. C'est pas Clyde tout ça. Elle aimerait le croire, mais elle n'y arrive pas. « Mais c'est vrai. Y'a que toi en fait. » avoue-t-il. Son coeur rate un battement, elle se sent défaillir. Cela devrait être une bonne nouvelle, non ? Mais ce n'est que plus douloureux. Douloureux dans la suite des événements, mais peut-être mieux, pour elle. Et plus juste. Ses yeux embrumés et rougis montrent à quel point le malaise est présent. « c'est trop tard. » répond-elle, sa voix tirant dans les aiguë, signe de faiblesse. Oui, il est trop tard. Trop tard pour les regrets. Trop tard pour essayer de recoller les morceaux. Trop tard pour essayer de reconstruire quoique ce soit. « Oublie. Si t'as besoin de réfléchir un peu, je m'en vais. Je rentrerais cette nuit et je prendrais le canapé. Juré. Mais pars pas. J'ai besoin de vous ici. » demande-t-il. Elle ferme les yeux, un instant, essaye de reprendre ses esprits. En vain. « j'pensais qu'on aurait pu construire quelque chose de bien, clyde. j'le pense même encore aujourd'hui, alors que j'suis là devant à chialer comme une idiote. » commence-t-elle par dire, essuyant ses larmes d'un revers de la main. « je... non, j'vais m'en aller. j'irais sûrement chez swen. promets-moi d'oublier cette semaine, hein? c'était stupide de tenter de jouer à la petite famille parfaite. dans le fond, on en est pas une. sois heureux, tu pourras faire ce que tu voudras, je ne serais pas derrière toi à te sermonner. » conclut-elle, tentant de garder un ton neutre pour ne pas exploser. Après tout, il devrait être heureux, non ?

Clyde a du mal à répondre. Les mots semblent lui manquer. Le courage aussi. C'était beaucoup trop dur. Clyde était certes en tort, il en avait déjà plus qu'assez de s'expliquer. Il voyait bien que ça menait à rien. C'était peut-être même pire. Pour lui et pour elle, ses explications étaient douloureuses. Quand Alma se met à pleurer, Clyde a envie de la prendre dans ses bras. Et puis non. Mauvaise idée. Pas sûre que quand une fille pleure à cause de vous, elle ait envie de finir dans vos bras. Il reste là, devant elle, totalement impuissant. Qu'est-ce qu'il pouvait bien faire de plus? Le mal était déjà fait. Même lui avouer ce qu'il pouvait ressentir avait été une mauvaise idée. Il se sent un peu con Clyde, d'avoir lâché ça dans un pareil moment. Néanmoins il avait eu l'impression que s'il ne le faisait pas maintenant, il ne le ferait jamais. C'est trop tard, qu'il entend. Clyde a l'impression de manquer d'air, il grimace. Non, ce n'est pas trop tard. Ça l'aurait sûrement été si Clyde junior était déjà venu au monde, là, ça aurait vraiment été infect' de la part de Clyde. Mais le bébé était encore à sa place dans le ventre d'Alma. Alma qui continue de pleurer, brisant le petit coeur de glace de Clyde en deux. De glace d'ailleurs? Plus vraiment. Il l'écoute, le ventre noué. Sa réponse met du temps à sortir, Clyde avait du retenir une envie de s'écraser le crâne contre un mur de l'appart. « Alors ne pars pas » essaye-t-il, quasiment sûr que ça ne marcherait pas quand même. Il secoue la tête, signe de négation. « J'ai jamais été heureux avant que tu sois derrière moi. Je vais pas te promettre ça, je vais pas oublier Alma. J'ai pas envie de retomber au fond du trou. » Il soupire. « Va-t-en si c'est trop dur pour toi d'être ici... Mais reviens s'il te plait. On est tous les trois une famille. Pas parfaite, ouais, mais une famille quand même. »

Alma a la furieuse impression que tout ce qu'elle touche du bout des doigts se détruit et se transforme en poussière. D'abord sa relation avec sa mère, qui d'après, n'est même plus sa mère tant elle lui en veut de mettre au monde son enfant. Et puis celle avec Clyde. Une relation incertaine, mais qui aurait pu être tellement belle, tellement différente. Oh oui, elle aurait pu faire abstraction de ce qui s'était passé, avec cette fille. Se dire que c'était sans intérêt, maintenant qu'elle sait ce qu'il ressent vraiment à son égard. Se blotter contre lui, l'embrasser, encore et encore, et lui dire que tout va bien se passer. Mais non, c'est au-dessus de ses forces. Elle ne peut pas. Et c'est bien cela qui lui fait le plus de peine. Alors son visage s'inonde comme un lac. C'est terriblement pathétique de se montrer aussi vulnérable. Mais plus rien n'a d'importance maintenant. Il est là, elle est là. Elle montre son vrai visage, bien loin de la vrai chieuse qu'elle montre à la face du monde. Devant lui se tient la vraie Alma, la sensible, la fille brisée comme du crystal. « Alors ne pars pas » insiste-t-il, ce qui ne lui rend pas la tâche facile. Elle aurait aimé lui dire oui, mais non. Impossible. « J'ai jamais été heureux avant que tu sois derrière moi. Je vais pas te promettre ça, je vais pas oublier Alma. J'ai pas envie de retomber au fond du trou. » avoue-t-il. Elle sent son coeur se briser en deux, en quatre même. Elle ne veut pas qu'il retombe au fond du trou. Le Clyde qui est devant elle est tellement merveilleux, pleins de bonnes intentions, et doux. Malgré ce qu'il a pu faire, on ne peut pas lui retirer cela. « Va-t-en si c'est trop dur pour toi d'être ici... Mais reviens s'il te plait. On est tous les trois une famille. Pas parfaite, ouais, mais une famille quand même. » finit-il par dire. Sont-il une famille ? Peut-être. Mais elle ne voit pas s'expliquer dans trois ans à son fils que sa mère pleure parce que son père est parti batifoler avec une autre femme qu'elle. Finalement, elle s'approche de lui, peut-être un peu trop. Beaucoup trop même. Mais tant pis, c'est peut-être la dernière fois. Elle passe sa main dans sa nuque, pose son front contre le sien. « t'as réussi à me rendre complètement folle de toi clyde, félicitations. commence-t-elle à dire. mais si être folle de toi signifie de pleurer toute les larmes de mon corps, alors je préfère prendre une décision radicale. » répond-t-elle, alors qu'elle s'éloigne un peu. « j't'empêcherais pas de prendre des nouvelles de ton fils, ne t'en fais pas. mais concernant nous deux, je... » dit-elle, avant de secouer la tête par la négative. je vais aller faire ma valise. » conclut-elle, avant de se rendre dans la chambre. En ouvrant celle-ci, elle s'arrête un instant, ses yeux rivés sur le lit. Les draps étaient encore défaits. Elle lâche un soupir, puis attrape ses affaires.

Clyde détourne le regard. Il en a marre de voir Alma pleurer sans pouvoir l'approcher, sans pouvoir la consoler comme il l'a toujours fait depuis ce fameux soir. Il n'y a pas que ça. Dans ses yeux, il peut lire sa détermination. Elle va partir et ça, ça le tue. Alma s'approche, Clyde tourne la tête. Qu'est-ce qu'elle fait? Il comprend pas trop, Clyde a comme l'espoir que ça va s'arranger. L'espace d'un instant, il y croit. Elle pose son front contre le sien, un mince sourire apparait sur le visage de Clyde quand Alma lui annonce qu'elle est folle de lui. Il se crispe en entendant la suite. De faux espoirs. Evidemment. Elle ne fait que lui dire au revoir. Adieu même. Son coeur s'arrête de battre, c'est comme s'il se laissait définitivement mourir. Alma s'éloigne, Clyde ne fait rien pour l'en empêcher. Elle a peut-être raison. N'empêche que ça fait mal. Il ne la suit pas dans sa chambre, Clyde préfère rester là. Il veut pas voir, il veut pas l'observer prendre ses affaires une par une. Il ballade son regard dans le salon, constate qu'il sera bientôt vide. Avant, ça l'avait jamais dérangé d'être seul. C'est ce qu'il avait toujours cherché et il était seul depuis ses seize ans. Alma avait quasiment opéré une révolution dans sa vie. En si peu de temps en plus... Maintenant, elle s'en allait et Clyde avait l'impression qu'il ne lui restait rien. Il s'était accroché à elle pour tenir bon, pour chercher à se défaire de ses mauvais démons. Sans elle et sans ses vilains démons, Clyde voit pas comment il va s'en sortir cette fois. Faire face? Faut pas se leurrer, il en a jamais été capable. Pas seul en tout cas. Il va recommencer. Inévitablement. Il va se noyer, se perdre à nouveau. Déjà là, il sombre. Clyde sent plus vraiment ses jambes alors il s'assoit, hébété. Il avait encore tout fait foirer, c'est incroyable. Il s'en voulait. Enormément. Cette fois, il ne pouvait pas retenir Alma. Il aurait fait pareil. Non, il aurait fait pire. S'il apprenait qu'Alma avait couché avec un autre mec... Ce serait un véritable carnage. Il userait de la voix et des poings. Surtout des poings. Clyde a toujours été violent. Parait que la violence règle rien. Peut-être. En tout cas, ça a toujours soulagé Clyde jusque-là. Mais ça n'arrivera pas. Après tout, Alma est enceinte. Clyde la voit mal courir les garçons, encore moins coucher avec. A-t-il tort? Clyde secoue la tête, guette l'arrivée d'Alma dans le salon, la dernière pièce à franchir avant de partir définitivement de l'appartement dans lequel ils vivaient ensemble. Quand Alma revient dans la pièce, Clyde se lève sans trop savoir pourquoi. Il allait pas la suivre, il était même pas capable de la rattraper. Pas cette fois, il laissait tomber. « C'est maintenant qu'on se dit au revoir, hm? » Hésitant, il finit quand même par venir planter son regard dans celui d'Alma. Au revoir. Ça a jamais été aussi dur.

Lorsqu'elle se rend dans cette chambre, elle a clairement l'impression de se rendre à sa propre exécution. Elle y va un peu fort, direz-vous. Mais ouais. Elle en a la cruelle impression. Car elle sait qu'elle ne peut plus faire machine arrière. Elle a pris une décision et doit s'y cantonner. Oh mon dieu, c'est tellement dur... Dur de le laisser seul ici, dans cet appartement. Dur de chasser le peu de petites habitudes qu'elle avait pris en habitant ici. Dur de ne plus s'endormir en sachant que le lendemain elle verrait son visage. Son regard s'attarde sur ce lit, ce lit où elle a partagé ces draps avec lui. Ce lit où il a partagé ces draps avec elle. Ce lit qui les a rapproché. Ce lit qui les a séparé. Alma se dirige vers cette valise, celle-ci même qui l'a emmené jusqu'ici. Elle l'attrape, l'ouvre et commence à rassembler ses affaires. Au bout d'un moment, elle s'immobilise, puis pleure de plus belle. L'Alma et son caractère de cochon ont envie de lui en mettre une, pour lui sommer de se ressaisir. C'est plus fort qu'elle. La pression de ces derniers mots devaient redescendre. Finalement, Alma essuie ses dernières larmes, puis range ses armoires. Une fois passée le pas de la porte, elle voit Clyde se relever. Elle se tient droite comme la justice, son bagage en main. Pourtant, à l'intérieur, tout est en train de s'écrouler, y compris l'espoir de se construire un avenir avec lui. « C'est maintenant qu'on se dit au revoir, hm? » dit-il. Elle épie une dernière fois l'appartement afin de voir si elle n'a rien oublié. Puis leur prunelle se croisent. A ce moment très précis, elle a envie de craquer, de tout laisser tomber et de rester avec lui. Alors elle détourne rapidement les yeux afin de ne pas succomber. Elle secoue la tête par la positive. « ouais. répond-elle. je t'enverrais les échographies par message, okay ? comme avant. » lance-t-elle. Ouais, comme avant. Tout va redevenir comme avant, malheureusement. « arrête de faire la gueule, vois le bon côté des choses. tu pourras de nouveau fumer, et voir des filles et... » finit-elle par dire. Et reprendre sa vie d'avant, redevenir le bouffon qu'il était. Elle hausse les épaules, sourit légèrement. Un sourire faux. Un sourire pour sauver la face.

Des SMS. Voilà ce qui allait subsister entre eux. Clyde retient une grimace. La situation était déjà assez pesante comme ça, il allait pas aggraver la situation. Presque mature comme comportement. On peut pas dire que Clyde a pas évolué. Il avait même fait tomber le masque pour Alma. Quasiment disparu le bad boy aux allures de gamin, un éternel Peter Pan qui refusait de vieillir. Ça avait changé. Presque. Il aurait mieux fait de se faire dix rails à la suite plutôt que de finir dans un lit avec une autre qu'Alma. Ça l'aurait sûrement moins blessé. Voilà ce que Clyde n'aurait jamais du faire : heurter Alma. C'était déjà assez dur pour elle. La grossesse et tout ça, une relation avec ce tordu de Clyde c'était sûrement trop. Alors Clyde la retient pas. Il se voyait bien l'attacher au lit dans l'espoir qu'elle ne le quitte pas... Mais non. Elle méritait mieux. Faut le dire, Clyde est toujours à côté de la plaque. Alma ouvre la bouche, dégueule des conneries qui font soupirer Clyde. C'est suivi d'un sourire. Il a envie de s'énerver, de l'attraper et de la secouer comme un prunier. Il sert les poings, se dirige vers la porte d'entrée à la place. Il l'ouvre, se tourne vers Alma. « Je saute de joie » dit-il dans un premier temps sur un ton glacial. Il était meurtri lui aussi. Malgré le chemin qu'il avait fait, Alma n'avait pas vraiment changé d'avis sur lui. Alors à quoi bon? Qu'elle parte. « Tu ferai mieux de partir. Y'a mon dealer et dix putes qui sont déjà en route. » crache-t-il à son tour, mauvais. Il regarde au loin, s'assure de ne pas croiser le regard d'Alma. Il a encore mal réagit. Et alors? Il a l'impression de crever. Il sait pas trop ce qu'il fera quand il aura refermé la porte sur Alma. Enfin, il sait surtout pas avec quoi il allait anesthésier sa peine.

Le compte à rebours à commencé. D'ici quelques minutes, elle aura passé le pas de la porte, et leur lien qu'elle chérit tant se sera brisé. Oh bon sang Alma, fait un effort, ce n'est pas n'importe qui qui est devant toi. C'est le père de ton fils, quelqu'un qui est sensé compter pour toi. Mais non, c'est trop dur. Cela lui rappelait ô combien elle est tombée de haut lorsqu'elle a appris qu'Ulysse la trompait à tout va avec Iggy. Elle se rappelle de cette sensation, la sensation qu'on venait de lui arracher le coeur et qu'on l'avait piétiné sans une once de compassion. A l'heure actuelle, elle ressent la même chose. Et c'est même peut-être plus fort. Sûrement parce qu'ils sont trois, et non deux. De plus, leurs sentiments sont réciproques, contrairement à la relation qu'elle a eu avec Ulysse. Alma le regarde, sens la pression qui monte petit à petit en lui, commence à avoir peur qu'il ne parte en vrille. Elle l'a toujours vu réagir comme cela, Clyde. Taper du pied, taper du poings, taper dans les murs. Une façon pour lui de s'exprimer. Finalement, il se contente de presser le pas jusqu'à la porte. La situation semble s'inverser. Alma commence à vouloir rester et Clyde veut qu'elle prenne la porte. « Je saute de joie » lance-t-il. Son ton est sec, il s'agace. Que répondre à ça ? Bon okay, c'est dégueulasse de lui sortir ce genre de chose alors qu'il vient de lui dire qu'elle est la seule qui compte à ses yeux. Elle ne fait qu'enfoncer le clou un peu plus dans son épiderme. Elle se contente de lâcher un soupir, ne sachant que répondre. « Tu ferai mieux de partir. Y'a mon dealer et dix putes qui sont déjà en route. » balance-t-il. Alma baisse les yeux face à cette réplique assassine. Ce n'est pas ce qu'elle veut dire, elle s'est mal exprimée. C'est juste qu'elle veut lui rendre sa liberté. Clyde semble être un lion en cage qui perd patience. Elle sait pertinemment que s'il n'aurait pas craquer aujourd'hui, il l'aurait fait un autre jour. Son manteau sur les épaules, elle relève les yeux. « ne rend pas les choses plus difficiles... » répond-elle avant de s'avancer vers lui. Elle caresse le dos de sa main. « au revoir. » lance-t-elle, avant de passer la porte. Elle se referme. Elle fait un pas, deux, trois. Elle a l'impression d'avoir des boulets aux pieds. Elle s'arrête, secoue la tête, retourne sur ses pas. Elle ouvre la porte, fonce vers lui. Okay, c'est peut-être quelque chose d'irréfléchi mais elle partira sans regrets. Elle saute limite sur lui, attrape ses lèvres. Encore une dernière fois, ferme les yeux. Puis elle le lâche. « ne m'oublie pas, promets-le moi. j't'en supplie ne m'oublie pas, ne nous oublie pas, tout les deux, tout les trois. » lâche-t-elle, avant de fondre en sanglot, encore une fois. Minable. Elle est minable.

Alma s'en ira avec une part de Clyde. Pas le bébé, non, bien que ce soit tout autant douloureux qu'elle l'emporte avec elle. Il y a quelque chose que Clyde avait fini par donner à Alma et il était sur le point de l'abandonner. Qu'elle parte avec, il n'en voulait plus. Rejeté. C'était bien la première fois qu'il l'était. C'était lui qui jouait, qui torturait, d'ordinaire. Sans état d'âme. Pourtant, ce n'était pas un jeu entre ces deux-là. Il y a vraiment eu quelque chose, le début d'une histoire peut-être. Mais Clyde s'était montré farouche, sûrement trop difficile à dompter. Basta. Tout s'écroulait. Plus démuni que jamais, Clyde avait à nouveau revêtu ses habits de scène. L'éternel rôle du mauvais garçon, celui qui en a rien à faire. Ou, au moins, il essaye. Il était plus vraiment crédible le pauvre. Il avait beau lui lancer le plus froid des regards, il était évident que s'il le faisait c'était parce qu'il était blessé et pas parce qu'il s'en foutait. Ça l'énervait ça aussi, elle l'énervait. Alma pouvait partir, il tentait même plus de l'en empêcher, mais elle n'était pas obligée de remuer le couteau dans la plaie. Clyde avait compris. Il a merdé, rien d'inhabituel jusque-là. C'est comme ça que ça finit toujours pour lui. Alma s'approche, caresse sa main. Clyde plante son regard dans le sien, ne réagit pas. Il lui avait dit de partir, c'était vraiment comme ça qu'elle s'était imaginée qu'ils se diraient au revoir? Il détourne les yeux, secoue la tête et retire sa main. Elle s'en va. Comme ça. Ça fait mal mais Clyde bouge pas. Le pire, c'est qu'il avait eu envie de l'arrêter. C'était trop tard. C'est bien elle qui l'a dit. Clyde reste là. La porte est fermée, Alma est partie et il sait plus quoi faire. Y'a peut-être un manuel? En tout cas, lui, il a aucune idée de la manière dont il est sensé réagir. Il soupire. La porte s'ouvre à nouveau, Alma se propulse dans ses bras et Clyde la serre fort une fois passée la surprise. Un baiser. Oui, c'était comme ça qu'ils devaient se dire au revoir, pas autrement. Une dernière promesse, Clyde s'étonne en souriant. Elle pleure Alma. Ça l'empêche pas de sourire. Il prend son visage entre ses mains, balaye ses larmes des doigts. « Jamais. Je vous aime trop pour ça. » Il murmure presque. Il attendra. Quoi que ce soit, Clyde a l'impression qu'il est trop tard pour faire machine arrière dans ce qu'il ressent. Il attendra peut-être en vain, peut-être pas. Il se lèvera chaque matin avec l'intime conviction qu'Alma reviendra parce que c'est comme ça que ça doit se passer. C'est comme ça que Clyde envisage sa vie, jamais autrement.

Geste complètement impulsif de sa part. Pourquoi ? Pourquoi faire ça, là maintenant, alors qu'elle tenait bon ?? Elle s'en veux. Elle s'en veux d'être aussi faible face à lui, de passer pour le parfait petit agneau. A quoi bon montrer son côté sauvage pour par la suite se radoucir à son contact ? Elle n'a pas de réponses à toute ces questions. C'est comme ça. C'est Clyde, c'est Alma. C'est eux deux. Une mélodie sans fin. Alors elle accourt vers lui, se rue comme si le manque était déjà présent. Elle aimerait se contrôler, oh oui, mais c'est mission impossible. Clyde la serre contre lui, la rancoeur qu'il avait il y a encore quelques minutes semblent s'être évaporée. Elle ferme les yeux un instant. Ils lui brûlent, stigmate de sa tristesse. Et puis il sourit. Un sourire qui se veut rassurant, un sourire pour la réconforter. « Jamais. Je vous aime trop pour ça. » souffle-t-il, alors qu'il tient son visage entre ses paumes. Elle le fixe, caresse sa joue contre sa main. Elle profite de ces derniers instants. Il l'aime ? Cette révélation raisonne dans sa tête comme une chanson. Son coeur joue du tambour à l'unisson avec celle-ci. Si seulement cela pouvait être aussi simple. « je t'aime aussi, Clyde. mais j'ai pas envie d'en crever. » balance-t-elle. Elle s'empare de ses lèvres de nouveau, sa mâchoire, son cou, ses mains. Elle veut se rappeler de la texture de sa peau, et n'espère ne pas l'oublier. Elle le lâche, s'éloigne, sans lui tourner le dos. Et puis elle ferme la porte s'en va s'en se retourner, pour ne pas commettre l'irréparable. Vient-elle de dire adieu à l'homme de sa vie ? Peut-être. Ou alors juste un amour de passage. Non, ce n'est pas qu'un simple homme parmi tant d'autres. C'est Clyde. Et vue comment la relation entre eux se développent, il n'y a pas de doutes : elle vient de claquer la porte à son âme-soeur.