DREAM OF CALIFORNICATIONC'est au milieu d'un éclat de rire devenu hystérique par le verre de champagne supernova, qu'elle se rend compte que ça fait cinq jours qu'elle n'a pas dormi chez elle. Elle a 17 ans et ses parents se disent que c'est normal, que c'est l'âge auquel elle sort. Et puis, Anna-Lynn doit surement les préoccuper beaucoup trop pour qu'ils pensent à autre chose.
Et pendant tout ce temps, elle continue à rire, sans réussir vraiment à s'arrêter, sans savoir pourquoi elle rit. Elle s'en fiche, elle est bien, ça lui suffit. Elle sent des lèvres se poser dans son cou, et elle ferme les yeux. Le nirvana, elle l'effleure du bout des doigts. Elle ne sait plus ce qu'elle fait là, comment elle y est arrivée, où sont ses amis, et le pire, le mieux, c'est qu'elle s'en fiche. Elle est là, elle est bien, ça serait dommage de chercher à ruiner ce moment avec un peu de raison. Elle regrettera, demain, peut-être.
Les matins, c'est des corps à peine enlacés, des étrangers qui se sont connus le temps d'une nuit. Des souvenirs fugaces de plaisirs inouïs, un moment de flottement, pas forcément gênant, des sourires de nouveau faux, des clignements de paupière, et puis chacun reprend son chemin.
Faye se dit parfois que ça aurait du être comme ça toute sa vie, mais non, mais merde, il a fallu qu'il y ait cet abruti, comme dit sa meilleure amie. Faye se dit que l'abrutie, c'est plutôt elle-même, elle incapable de dire non, elle qui s'amourache d'un corps sans âme et sans paroles, sans promesses, elle qui se croit une princesse, qui se voit déjà reine alors qu'elle n'est qu'une courtisane de plus.
Faye, les études, ça a jamais été son fort. Son truc, c'était le cheerlading. Les jupes courtes, ça la connaît, mais pas que. Elle a jamais été forte pour diriger, mais s'envoler, c'était pas un problème. Être haute, être loin. Se faire jeter en l'air, se faire jeter après une nuit. La chute, aussi. La chute, ça la connaît. Tu fais comment, Faye, pour décoller avec un gamin dans le ventre ?
Elle fixe le vide depuis cinq minutes. cinq minutes trente. trente et une, trente deux. Sa mère lui disait tout le temps de compter pour se calmer, en plus, ça rendait intelligent. Faye, elle sait compter, le minimum et ça lui suffit. Et pour se retrouver là, elle a pas du être bien intelligente.
Le truc, c'est qu'elle sait qui est le père. Elle a ce réflexe idiot et salvateur, Faye, de demander une capote, même quand elle est défoncée, complètement bourrée, les deux en même temps. Elle a pas envie de se choper de maladie. Encore moins un bébé. Ah, trop tard, dommage.
Elle ose pas regarder son amie dans les yeux, de peur de se mettre à pleurer. Elle pleure trop souvent, pour tout et pour rien. Petite, elle pleurait parce qu'elle arrivait pas à attraper le vent, parce que ses parents ne la croyaient jamais quand elle leur disait que sa soeur lui tirait les cheveux quand ils avaient le dos tourné. Parce qu'elle était pas la préférée, ni d'eux ni du monde, ni de Dieu. Et puis, elle s'est un peu détourné de ses parents, elle s'est construit un monde plus petit, a perdu la foi.
Elle se rend compte aujourd'hui que son monde n'était pas encore assez petit. Elle s'était crue tentatrice fatale, mais, il n'est pas tombé pour elle. Il a tout pris, son coeur, son ventre, et il a marché dessus par inadvertance, parce qu'il ne s'est même pas rendu compte qu'il les avait.
Hier, il est allée la voir, un sourire aux lèvres. Elle appréhendait, elle, de lui annoncer. "je suis enceinte de toi, qu'est-ce qu'on fait ?"
ça sonnait trop simple pour une aussi dure décision. Au final, ce fut la question qui fut trop dure à poser et la solution, simple. Il lui a dit, un sourire aux lèvres.
"Salut, j'sais pas si t'es au courant, mais je sors avec Heather, maintenant, alors... Voilà. Enfin, on a jamais été ensemble tous les deux, mais si on se voit pas pendant un petit bout de temps, c'est normal, tu vois ?"Et elle, sans savoir pourquoi, elle a sourit, et lui a dit qu'elle était contente pour lui.
"Il te rappellera quand il aura envie de te sauter, c'est tout."Les mots, crus, s'étaient plantés dans son coeur. Son sourire avait faiblit, elle avait dit tenir bon. Elle s'est écroulée dans sa chambre, chez elle. Cette fois-ci, ça faisait 3 jours qu'elle n'était pas rentrée. C'était celle qui lui faisait actuellement face qui l'avait sortie d'ici. Et conduite jusqu'à l’hôpital.
"vous êtes sûre que vous y avez bien réfléchit ?", a demandé l'infirmière.
Question stupide. Faye aurait fait la pire mère possible. "Excuse moi, bébé, j'étais trop défoncée pour te donner quelque chose de sain à manger". Elle adore, les gosses, pourtant. Elle se sent juste incapable d'avoir le sien. Elle arrive déjà pas à s'occuper d'elle, alors un tout petit, c'est trop risqué. C'est pas pour elle qu'elle est là aujourd'hui. Enfin, un peu, bien sûr. Mais c'est pour le futur gamin. Si elle doit avoir un enfant, un jour, elle veut lui offrir mieux que ça.
"Mademoiselle Olson ?" Elle relève les yeux enfin sur Louve. Elle aimerait pleurnicher encore un peu dans ses bras, mais elle l'a déjà tirée là, c'est beaucoup. Elle lui en est reconnaissante à vie. Elle a beau dire, Faye, elle a jamais été entièrement sûre de l'amitié que les autres lui portaient. Surtout les filles. Elle a l'impression qu'elles lui sourient, et puis qu'elles la descendent quand elles peuvent.
Alors, elle a appris a se cacher derrière un masque indifférent. Nonchalant. Sensuel. Ils sont pas à nombreux, à connaître le coeur d’artichaut de la blonde. Encore moins à savoir à quel point elle manque de confiance en elle. Faye, elle a confiance en son corps. C'est une enchanteresse, une sirène. Pas une intellectuelle.
Elle sent la main de Louve sur son épaule et elle respire.
Elle n'est pas seule.
Avec sa famille, ça avait toujours été bizarre. Faye avait grandi dans l'ombre de sa soeur, qui remplissait toutes les attentes de leurs parents. Elle, a côté, elle paraissait gourde et pas bien fine. Anna-Lynn était belle, première de sa classe, avec un petit ami parfait depuis la première année du lycée, elle réussissait ses études avec succès et tout le monde l'aimait.
Faye, à côté, avait l'impression de connaître son côté sombre. Petit, Anna-Lynn lui avait des crasses pour obtenir les faveurs de ses parents. Elle l'avait détestée, à l'époque, mais Anna avait cette capacité à se faire excuser en un sourire, en un rire. Elle est belle, sa soeur. Quand elle sourit, tout son visage sourit. Faye, elle, quand elle sourit, c'est un sourire qui semble forcé, qui l'est la plupart du temps. Elle montre trop ses dents, ses yeux ne suivent pas le mouvement. Elle a l'air idiote, quand elle sourit. Anna, elle, attire tout le monde. Elle est habituée à ce que les regards convergent vers elle. Elle est habituée à se cacher.
Faye, dans sa première année de lycée, elle s'est rendue compte que sa soeur était pas si blanche. Déjà, elle avait beau être populaire, les gentils, les normaux, les intellos, les geeks, les timides ne l'aimaient pas. Pas comme elle, pas à cause de sa réputation. Non, Anna elle avait le don de les rabaisser sans en avoir l'air, d'être méchante derrière le dos de ceux à qui elle ne veut pas déplaire, sans que ça ne se sache. Mais Faye l'a su.
C'était bizarre, pour elle, de voir sa soeur sous un nouveau jour. Et puis son petit ami parfait. Outre le fait que Faye l'ai vu trop souvent lorgner sur son décolleté, elle avait vu l'attitude de sa soeur avec plusieurs garçons. Des fois elle disparaissait, revenait un peu essoufflée, puis elle remettait ses cheveux en place et personne ne se posait de question. Elle disait qu'elle avait couru, on la croyait.
Alors voilà, Faye connaissait le côté sombre de sa soeur. Faye la faille de la famille.
Et pourtant c'est Anna qui a tout fait sauter.
Ce jour-là, Faye avait décidé de rentrer tôt à la maison, pour ne pas être débraillée devant sa soeur. Elle l'aimait sa soeur, elle l'aime toujours.
Et puis Anna-Lynn est arrivée, au bras de son petit ami, lui tenant le bras, sa main en valeur.
"Je vais me marier !" ça avait bien commencé, pourtant.
Anna raconte le comment du pourquoi, et Faye décroche. Elle a pas beaucoup dormi la semaine dernière, celle d'avant non plus, d'ailleurs.
"... et j'espère vraiment que vous comprendrez et me soutiendrez." Bien sûr que oui, Anna, c'est toi, à quoi tu t'attends ? A ce qu'ils te disent de foutre le camp ?
Et puis elle voit les visages un peu crispés de leurs parents, qui se détendent petit à petit.
"Tu n'as pas écouté, n'est-ce pas ?" Elle note le ton dédaigneux de sa soeur, lorsqu'elle s'adresse à elle - mais elle lui a toujours un peu parlé comme ça, alors elle ne relève pas. Elle hausse les épaules et secoue la tête, accepte machinalement le papier qu'Anna lui donne avec une moue agacée. Un prospectus pour une association. Oh, elle s'est remise là-dedans. Elle a eu sa période "sauver les animaux", et puis elle est passée à autre chose.
"NON AUX INFANTICIDES."
ça commence plutôt bien, d'après ce qu'elle a compris, Anna va se marier parce qu'elle est enceinte. Elle ouvre le dépliant, plus par bonne mesure que par réel intérêt.
"l'avortement est un meurtre, nous devrons l'accepter ?" Elle se fige. Relève la tête vers sa soeur, qui a entamé une conversation pour convaincre ses parents.
"Je me suis jamais posé la question. Je vous ai eues, j'étais déjà mariée..." Bordel, maman, dis non.
Et puis la conversation tourne autour d'eux. Tourne, encore et encore. Elle s'est jamais sentie aussi mal, Faye. Elle a envie de vomir, de hurler, aussi ; de dégueuler sa haine contre ces anti-ivg qui n'ont rien compris à la vie.
"Le bulletin d'adhésion est juste là, Faye, remplis-le, attends, je te passe un stylo". Son ton est sans appel. Parce que Faye, elle fait ce qu'on lui dit de faire, elle est trop bête pour penser d'elle-même.
Elle a l'impression de revoir les yeux de Louvre posé sur elle, l'alarme dans les yeux de ses amis lorsqu'elle leur a annoncé ce qui poussait dans son ventre. Aucun d'entre eux n'a pensé à lui sortir ces conneries. Elle rit, un peu, hystériquement. Elle est pas défoncée, pourtant. Elle a surement jamais été aussi consciente de sa vie.
"Euh... Non, Anna, je vais pas signer ça, t'as perdu la tête ou quoi ?"Silence.
Qui dure.
Silence qui dure, à la maison, c'est jamais bon signe. En général, on cherche à jour ceux avec qui il n'y a jamais de blanc, ceux avec qui on ne s'ennuie pas, quitte à répéter trois fois la même chose.
"Euh... Faye, enfin, parle correctement à ta soeur."Et c'est seulement là que Faye se rend compte que sa soeur aura toujours l'avantage sur elle. Anna en profite pour renchérir sur son manque de respect, qu'elle ne la soutient jamais, elle pleurniche un peu, fait sa scène et finit par en faire un drame.
Son père exige que Faye s'excuse. Une fois, puis deux. Papa a toujours détesté devoir répéter les choses. Mais cette fois, ça ne change rien.
ça finit en hurlement, en portes qui claquent et en sanglots étouffés. Anna qui finit par persuader sa mère que Faye ne fait ça que pour gâcher ses bonnes nouvelles, qu'elle l'a jamais aimée, qu'elle a jamais aimé personne dans cette famille. Elle a l'impression que c'est des années de non dits et de faux semblants qui volent en éclats, et toute la haine, la frustration qui fuse en dehors. Faye a envie d'hurler qu'elle s'est faite avorter et qu'elle ne regrette pas, que c'est pas égoïste comme acte, parce que dans les insultes de sa soeur y'a une part de vérité, elle a jamais su faire grand chose de bien, Faye, à part rouler des pelles et se mettre à genoux.
Et avant que Faye ne réalise vraiment ce qu'il se passe, l'ultimatum.
"Tu t'excuses ou tu quittes la maison." Faye regarde son père, le silence a de nouveau envahit la pièce. Elle cherche le regard de sa mère, qui est restée bouche-bée. C'est sa maison à elle aussi, après tout. Mais elle finit pas baisser les yeux, et consentir. Alors les larmes sortent, toutes seules. Faye sait ce que ça veut dire, s'excuser chez les Olson. C'est se mettre par terre et laisser tout le monde la piétiner. Et ça, avec Anna, sans avoir à se faire pardonner de quoi que ce soit, elle le connaît déjà trop.
"Allez vous faire foutre ! " Elle a éclaté le silence en un hurlement, a couru vers sa chambre, ouvert ses placards trop grands, balancé le tout dans des sacs et est passée devant ses parents. Son père et sa soeur parlaient à voix basse, plus loin, seule sa mère était figée, hébétée, comme si elle ne réalisait pas. Elle a relevé les yeux sur elle, et Faye a lu dans ses yeux sa prière muette. "T'en vas pas, je te jure, c'est pas que pour ce que diront les voisins que je veux que tu restes. T'es ma fille, t'es mon sang, reste, je t'en supplie". Alors, Faye a attendu. Une minute entière, les yeux perdus dans ceux de sa mère. Elle a cru voir ses prières, mais aucun son n'est sorti de sa bouche. Alors, Faye est partie.
Le son fait vibrer tout son corps, se répercute dans son coeur. Elle adore ça. Elle rejette la tête en arrière, en un effet de cheveux calculé. D'elle-même, elle sourit. Elle se sent libre, enfin, elle se sent unique parmi toute cette foule. Elle se sent à sa place. Elle sait ses amis quelque part, dans le coin, accoudés au bar, sur la piste de danse, assis à une table, peut-être aux toilettes.
Elle est bien.
Aujourd'hui, ça fait trois ans qu'elle est partie de chez elle, et même si elle a toujours un petit pincement au coeur quand elle y repense, elle s'en sort plutôt bien. Au début, c'était pas facile, elle voulait pas dépendre totalement des autres, alors elle s'est trouvé un boulot à côté, elle s'est pris un petit appartement miteux en attendant de trouver plus grand et de pouvoir payer plus cher, et finalement, elle s'est trouvé une colocation avec des gens sympas. Elle se sent libre, forte. Elle continue le cheerlading à l'université. Elle couche toujours autant. Bois un peu moins. Arrête lentement les drogues dures. Elle en a moins besoin. Elle a d'autres responsabilités qui la force a garder la tête froide, a penser à autre chose qu'à elle.
Elle est jeune, et elle est libre, putain.
HORS JEUPseudo mischievous wink
Âge 18 ans.
Prénom Maude.
Où as-tu connu le forum? Par Lempi :arrow:Non, bazzart.
Ton personnage est un personnage inventé.
C'est qui ton pokémon préféré? AUCUN.
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Le mot de la fin? .