T'étais lamentable, un vrai déchet. La nouvelle de ta future paternité t'avait retourné et ça te donnait une excuse de plus pour te pourrir la santé à coups de seringues. Tu t'injectais un véritable poison dans les veines et y prenais un plaisir beaucoup trop malsain. Mais pourquoi tu te détestes tellement? T'as passé ta vie à avoir l'impression d'être à côté de la plaque, à côté de la vie tout court. T'as réussi à te faire jeter par ta propre mère alors que ton père ne voulait pas de toi avant même que tu naisses. T'as des petits frères, des garçonnets que tu avais aimé plus que de raison fut une époque mais tu leur avais tourné le dos. Tu écartes tout ce qu'il y a de bon de ta vie, rares sont les amis sur lesquels tu peux compter. Vraiment compter. Alma a sûrement raison, t'es peut-être qu'un raté. En tout cas, tu sembles pas décidé à prouver le contraire à qui que ce soit. Tu gis sur le trottoir, à moitié conscient. T'as pas la force de te lever, d'aller jusqu'à chez toi. D'ailleurs, tu saurais même pas retrouver ton propre immeuble. Ta tête tourne, t'as envie de redonner ton diner. Enfin, ton petit-dejeuner plutôt, t'as pas mangé depuis ce matin. Tu te punis. Encore. Jésus et les coups de fouets, c'est de la rigolade par rapport à ce que tu t'infliges depuis des années. Tu fais tout le temps le fier mais tu l'es jamais, pas de toi en tout cas. T'es un sacré connard mais celui qui souffre le plus de ton acharnement à être mauvais, c'est toi. Tu te fais mal, tu te blesses carrément. Si tu l'avais voulu, ça ferait longtemps que t'aurais sorti la tête de l'eau. Faut croire que tu le veux pas, que tu cherches à abréger ta courte vie. Tu rêves de mourir comme une rocktstar étouffée dans ton vomi après un énième shoot. Ça, c'est beau. A ton enterrement, ta mère viendra. Tes frères aussi. Peut-être même ton gosse! Qui sait si Alma l'aura pas pondu d'ici-là. Elle aussi, elle sera là. Juste histoire de te dire adieu, d'enterrer en même temps tout ce que tu lui as fait pour ne plus jamais en parler. Tu disparaîtras. Disparaitre... Ça parait si simple. Mais t'es juste là, à même le sol. T'attends d'aller mieux ou peut-être que les flics te verront avant et t'embarqueront, tu t'en fous. Tu veux juste calmer ces voix intérieures, ce mal-être constant. Oublier.

way too young to be this fucked up
☽Nous étions lundi. Ma boutique était fermée. J'avais donc un jour de congés et je pouvais en profiter pour traîner. Je m'aventurais dans la quartier étudiant et universitaire de la ville sans réel intention. Je ne faisais que passer et me remémorer en même temps cette époque où j'étais moi-même étudiant à l'université de Columbia. New-York me manquait à certains moments mais rapidement la chaleur et le soleil omniprésent de Californie me la faisaient oublier. J'étais même heureux d'avoir retrouvé mon état natal, celui où j'étais à bien des kilomètres de ma position actuelle. Je continuais donc de marcher, observant les quelques jeunes que je croisais avec un sourire sur le visage. Ils avaient la vie devant eux. Personnellement, je l'avais déjà entamé et je ne regrettais en rien mes choix de vie. Je remonterais le temps pour ma sœur, pour empêcher son suicide, pour la retenir de passer à l'acte. Je n'avais pas vu sa détresse, sans doute trop préoccupé par mes propres problèmes.

Je baissais la tête. Ma sœur cadette me manquait. Ma famille me manquait. Ma mère était décédée, mon père n'était qu'un déchet. Je ne souhaitais plus lui adresser la parole et lui non plus. Nous avions perdu tout contact. La famille ne représentait plus rien pour moi. Les liens du sang n'existaient plus. Seul les liens du cœur comptaient à présent. Et alors que je pensais à la vie que j'aurais pu avoir si tout avait été différent, je tombais pratiquement nez à nez avec Clyde. Le jeune Clyde qui semblait bien mal en point. Je connaissais son mal-être. Je l'avais vécu quelques semaines plus tôt. Je me ruais donc vers lui, téléphone en main pour composer le 911. « Clyde ! Tu vas bien ? Qu'est-ce que t'as fait, putain ? » Je lui donnais une gifle tandis que je m'étais accroupis à sa hauteur. « Merde... » Je ne devais pas paniquer. Je ne devais pas rester crispé. « Oui, les secours. J'ai un gamin qui fait une overdose dans le quartier résidentiel de la Jolla. Dépêchez-vous ! » Je raccrochais et donnais une nouvelle gifle au jeune Wright. Il ne devait pas tomber dans les pommes. Il fallait qu'il reste éveillé et je le garderais éveillé quoi qu'il arrive. « Reste avec moi ! Qu'est-ce qui t'as pris ? T'es con ou quoi ? »

T'es pas bien. Vraiment pas bien du tout. Tu vas peut-être clamser à même le sol finalement, peut-être que tu relèveras pas cette fois. Dommage. C'est con comme mort mais tu t'attendais pas vraiment à mieux. C'est là que t'entends une voix. Dieu? Jésus? Ça y est, t'es finalement au paradis? Ah non, tu connais cette voix. En plus, il te semble pas qu'on t'accueille au paradis avec une baffe dans la gueule. Enfin, t'y es jamais allé mais parait que c'est sympa comme endroit. A moins que t'aies été assez mauvais pour finir en enfer. T'imaginais ça un peu plus chaud genre chaleur tropicale. Qu'est-ce que tu racontes? T'es encore sur le macadam, t'es juste en train de rêver. Tu faisais des efforts pas possibles pour reconnaitre cette voix, cet homme. Incapable d'ouvrir les yeux, t'attends qu'il ouvre à nouveau la bouche et, finalement, tu le reconnais. Cameron. Il appelle les secours, t'es encore assez conscient pour grogner. Pas ça. Il allait te mettre des tubes de partout. Pire, t'allais peut-être encore avoir le droit à un lavage d'estomac. Tu détestes ça, tu ferai peut-être mieux de te mettre à vomir. T'y penses fort mais ça sort pas. Fais chier. En plus, tu te manges encore une claque dans la gueule. Il va arrêter ça? T'as juste envie de t'endormir là, ça se voit pas?! T'es con ou quoi? Tu souris. Intérieurement. Y'avait un peu de ça. Qu'est-ce que t'as pris? Un tas de trucs, t'es pas sûr de tout te souvenir. Finalement, t'arrives à ouvrir les yeux. Rien qu'un peu. Tu les fermes tout de suite après, c'est trop difficile. Tu remues un peu, on voit bien que tu fais des efforts pour donner des signes de vie. « Salut... » que tu parviens à dire, à bout de force. Ça te fait marrer. Enfin, marrer, c'est pas vraiment le mot. T'es comme secoué par des spasmes et y'a des bruits plutôt étranges qui sortent de ta bouche. On dirait qu'on est en train de t'exorciser, tu fais peur. Tu te calmes un peu, croises les bras sur ta poitrine. T'as froid d'un coup tiens.