Clyde a de plus en plus de mal à se lever le matin. Il a toujours été un grand fêtard mais la cadence s'était accentué depuis peu. Depuis qu'il savait pour Alma et son bâtard en fait. Foutue histoire. Il se retournait le cerveau dans l'espoir d'oublier cette grossière bavure, d'oublier qu'il est plus minable encore que ce qu'il avait imaginé. Doucement mais sûrement, il guérissait de ses blessures, celles que Jay lui avait infligé. Les restes d'un coquard étaient encore visibles sous son oeil ainsi que quelques rougeurs sur l'ensemble de son visage. Il avait presque retrouvé une allure normale. Enfin, c'était sans compter son air cadavérique que lui donnaient ces lendemains de soirée trop arrosée. Les bouteilles, les seringues, tout y passait sans exception. Etonnant qu'on ne l'ait pas encore retrouvé dans le caniveau le Clyde. Aussi imbuvable Clyde puisse-t-il être, il y aura toujours un con qui sera prêt à se dévouer corps et âme pour le sortir de sa merde. Une conne le plus souvent, faut bien l'admettre. Quelqu'un qui va nettoyer sa gerbe, le ramener chez lui et jouer l'infirmière. Clyde dira même pas merci en plus, il est trop obstiné à se faire du mal pour ne pas sincèrement regretter qu'on le sauve d'une mauvaise passe. En ce moment plus que jamais, Clyde est torturé. Pas une seule seconde ne s'écoule sans qu'il ait l'impression de se rapprocher du moment où il sera ce père absent, cet éternel loser. C'est peut-être sa conscience qui le lui dicte mais Clyde décide de guetter la sortie du lycée d'Alma ce jour-là. Juste la voir, constater un changement physique. Il en avait envie, il voulait la savoir assez bien pour tenir le rôle de deux parents à elle seule. Il fait les cent pas devant le bâtiment, a le temps de fumer une dizaine de clopes avant qu'il n'aperçoive la jeune Alma. Un signe de la main, elle l'a vu. Il s'approche. « Voilà la petite Alma! Tu veux que j'porte ton cartable ou ça va aller? » Il rigole, toujours en train de tourner les choses à la dérision. C'est sa manière à lui de s'en détacher, de ne pas s'engouffrer dans la réalité.

Des paroles, encore et encore. Son regard fixe le tableau noir, elle plisse les yeux, tente de comprendre de quoi le cours régit. Ce qui était sensé être des phrases ne devenaient en fait que de simples mots accolés les uns aux autres, sans réel sens. Elle lâche un soupir. Les cernes formées sous ses yeux couleur océans montrent les stigmates de nuits agitées, à tourner encore et encore dans ses draps sans pouvoir trouver le sommeil. Mille et mille pensées torturent son esprit, son corps lui joue de mauvais tours. Elle respire, souffle, se retourne, mais rien n'y fait. La nuit est devenue son ennemie et cela se ressent sur son quotidien. Elle a de plus en plus de mal à suivre en cours, éveille la suspicion de ses professeurs et de sa mère. Elle est dos au mur, n'a plus d’échappatoires possibles. Il faut qu'elle déballe la vérité, une bonne fois pour toute. Et elle voit d'ici les répercussions de cette annonce qui n'était vraiment pas dans ses plans. La pression est trop forte, le mensonge énorme. Elle est obligé de se cacher derrière des vêtements amples. Fatiguée, éreintée. Il faut régler cela le plus vite possible. Le cours se termine, elle se précipite aux toilettes. Ceux-ci deviennent sa deuxième maison en ce moment, une vraie plaie. Des haut-le-coeur incessants, elle a l'impression de se vider de ses tripes. Elle se positionne face au miroir, se scrute, pose les mains sur ce ventre qui s'arrondit de jour en jour. « putain de gosse. aussi invivable que son père. » lâche-t-elle, un second soupir s'échappant de ses lèvres. Elle prend son sac et sort, afin de pouvoir revoir la lumière du jour. Ici, elle se sent trop confinée, elle étouffe. Voir le ciel, cela l'apaise. Elle passe le grillage, épie la foule du regard. Wes est là, au loin, elle lui lâche un sourire. Ce qui se trouve derrière lui l'enchante nettement moins. Clyde est là, calé contre sa moto, son petit air suffisant qu'elle déteste tant. Il lui fait signe de la main. Putain de merde, il l'a vu. Elle hésite, tourne la tête, puis finalement, se dirige vers lui, croisant les bras au-dessus de son ventre un peu grossi. « Voilà la petite Alma! Tu veux que j'porte ton cartable ou ça va aller? » s'exclame-t-il, un rire finissant la fin de sa phrase. Bordel, il l'énerve. Vraiment. Elle roule des yeux, regarde à droite puis à gauche. Elle n'a pas envie que les personnes ici présentes la voit en sa compagnie. C'était vraiment la honte. « tu veux quoi clyde ? t'as pas d'autre trucs à faire, genre faire des cheeseburger, ou prendre ton pied avec une nana dans des toilettes publics ? » dit-elle, son visage fermé. Elle marque une pause, plonge ses yeux dans les siens. « t'as été clair. j'ai compris tu sais, pas besoin de venir remuer le couteau dans la plaie devant mon bahu, tu perds ton temps. » continue-t-elle, posant son sac au sol.

Ça lui faisait un bien incroyable de voir Alma. Incroyable parce qu'il n'est pas du genre à se réjouir de la vue de quelqu'un, encore moins d'une femme, et pourtant. Elle avait l'air en bonne santé et ça le rassurait. Le rassurer de quoi vous me direz, c'est pas comme s'il voulait ce gamin. Certes. N'empêche qu'il ressentait ce besoin irrépressible de savoir que tout va bien, qu'elle va bien et que le bébé va bien. Il était certainement pas prêt à l'admettre en revanche et se voilera la face autant qu'il peut. Néanmoins, il ne peut pas s'empêcher de sourire en voyant Alma. Sa jolie petite bouille, son corps d'adolescente coincée dans celui d'une femme. Tous les sms qu'ils se sont envoyés ces derniers jours lui reviennent et Clyde en rougit presque de honte. C'était tellement inhabituel de sa part, il trouvait ça complètement débile de s'être engueulé avec elle, encore plus d'être venu s'excuser. Tout ça, c'est pas son genre. Qu'il le veuille ou non, Clyde était en train de se rapprocher d'elle. Ça avait un coté effrayant et terriblement excitant à la fois. Depuis quand est-ce que Clyde n'avait pas pris un tel risque? Il rigole, lui sourit. Il n'était pas venu pour la faire chier. Enfin, pas spécialement, mais il le ferait quand même parce que tout de lui l'irrite sans qu'il le cherche forcément. Clyde rigole une fois encore quand Alma lui répond, son répondant l'amuse. « Je suis pas de service ce soir et à moins que tu veuilles qu'on passe aux toilettes, je n'ai pas de projet pour ce qui est de me soulager. » Clin d'oeil, là, il était carrément provocant. Il finit par lui sourit, plus sincèrement cette fois. C'était presque amical. Presque. « C'est pas ce que je viens faire. » Clyde lui tend un casque. Son casque en fait. Il est pas du genre à prévoir que quand on est deux, on a besoin de deux casques. Heureusement, il le goût du risque et cède donc volontiers son casque à Alma. Mais non, c'est pas de la galanterie! Qu'est-ce que vous vous imaginez? « Tu grimpes? Je t'offre un truc à boire! Quelque chose sans alcool hein... Un jus de pommes, une connerie de ce genre. Si t'es sage, je t'offre même un gouter! » Et encore une fois, Clyde n'avait pas pu s'empêcher d'être insolemment drôle. N'acceptant pas de réponse négative, il prend le sac d'Alma, le charge à l'arrière de sa moto avant de s'y installer. Il la regarde, insistant, et démarre la moto.

Sa mâchoire est tendue, ses sourcils froncés, telle une petite fille qui fait la tête après qu'on ait pu lui faire un quelconque reproche. Ouais, elle l'avoue, elle aurait franchement préféré qu'il reste chez lui à fumer ses joints et se taper ses doses. Elle, garce ? Non. Clyde est un connard et restera un connard, même si leur échanges de sms quelques jours auparavant peuvent éventuellement prouver le contraire. Non, non, non. Elle préférait se persuader de cela plutôt que de lui laisser le bénéfice du doute. Elle ne veut pas tomber de haut en l'érigeant sur un piédestal. Penser qu'il est toujours le copain casse-pieds de son frère est la meilleure solution, même si la relation entre eux n'est plus la même. Alors elle est là, plantée devant lui, scrutant le sourire sur le visage du jeune homme. Est-ce un sourire narquois ou est-il content de la voir ? La deuxième option l'étonnerait. Elle ne ferait pas d'esclandre. Elle allait devenir une adulte, lui aussi. Enfin, peut-être. Alors autant se comporter en tant que tel. Ses prunelles s'attardent de nouveaux sur son sourire, qui paraissait quelque peu différent du premier qu'il lui a adressé. Il semble chaleureux, pleins de bons sentiments. Non, ce n'est pas possible, son esprit lui joue juste des tours. Clyde et chaleureux ne peuvent pas se trouver dans la même phrase, c'est juste impossible. « Je suis pas de service ce soir et à moins que tu veuilles qu'on passe aux toilettes, je n'ai pas de projet pour ce qui est de me soulager. » lui répond-t-il, accompagné d'un clin d'oeil. Alma baisse légèrement la tête, sourit, lâche même un léger rire. Il est vraiment débile. Enfin, pas le genre débile à vouloir lui en coller une, mais plutôt le genre débile qui fait rire à gorge déployée. « je pense que tu as assez fait de dégâts comme ça. » rétorque-t-elle, pointant de ses deux index son ventre. Une manière de lui rappeler qu'il ne s'adresse pas qu'à une seule personne, qu'il y avait son bébé aussi. Bien qu'elle se doute que c'est quelque chose qu'il aimerait oublier. Un léger blanc, et il lui tend son casque. Elle fronce les sourcils. Il veut quoi, au juste ? Cet homme la laisse perplexe, dit tout et son contraire. Il lui dit que c'est une sacré conne puis lui envoie un message dès le lendemain pour faire amis-amis. Il lui dit qu'il ne veut rien avoir à faire avec cette histoire puis la rejoint devant le lycée. Déroutant, c'est ça le mot. Clyde est déroutant. « Tu grimpes? Je t'offre un truc à boire! Quelque chose sans alcool hein... Un jus de pommes, une connerie de ce genre. Si t'es sage, je t'offre même un gouter! » propose-t-il. Elle secoue la tête par la négative. « je ne crois pas que ce soit une bonne idée honnêtement. » avoue-t-elle. Il la regarde, la fixe avec insistance. Il attrape même son sac pour le charger. Apparemment, Clyde ne connaît pas la négative. Elle roule des yeux lorsqu'il démarre son bolide, puis se résout à accepter. Elle monte derrière lui, jette un dernier coup d'oeil vers le lycée, avant de mettre le casque. Elle passe ses frêles bras autour de son buste. « roule pas comme un dingue. ça serait dommage d'avoir deux morts sur la conscience. » conclut-elle. Elle n'est pas fan des motos, mais bon, elle va faire un effort hein.

Clyde est un Peter Pan moderne, un gamin qui ne veut pas grandir, bloqué dans sa jolie petite ile imaginaire colorée par le LSD dans laquelle le sable est blanc et fait planer. Vieillir, il s'y refuse catégoriquement. Ce serait trop s'impliquer dans la vie, faire preuve de trop responsabilité. Trop effrayant pour lui, il préfère fuir la réalité et se cacher derrière ses blagues à la con. Il a toujours un mot à dire, il trouve à chaque fois la manière de tourner les choses à la dérision. Quand on le voit, on a tendance à penser qu'être Clyde doit être fabuleusement facile. Pas de problème sans responsabilité. Et pourtant. Il pourrit de l'intérieur, est rongé par le doute. Qui peut s'en douter? Lui-même aurait du mal à l'admettre. Quand il se sent misérable, Clyde prend quelque chose et ça va mieux. Il monte au septième, là où plus rien n'a d'importance tant que t'as de quoi faire le prochain shoot. Aussi simple que ça. Mais là, il était loin d'être défoncé. Il était presque plutôt clair pour changer. Bah ouais, les joints, ça compte même pas d'abord! Petite victoire quand il parvient à faire rire Alma. Comme quoi, il était peut-être pas complètement irrattrapable à ses yeux. Enfin, si, probablement que si. A la référence sur sa grossesse, Clyde grimace. Son regard s'attarde pourtant un moment sur le ventre de la jeune fille. Merde. Son gosse était en train de grandir là-dedans. SON gosse. Il réprime un frisson, détourne les yeux. « Tu marques un point. » Ça ne l'empêche pas de lui proposer son casque, de chercher à la faire grimper à ses côtés sur sa bécane adorée. Un grand honneur d'ailleurs qu'il lui fait mais ça, elle doit probablement l'ignorer. Non, les "autres" filles ne montent pas sur sa moto. Si vous lui demandez, Clyde répondra en rigolant que c'est parce qu'il ne veut pas rendre sa femme jalouse. Y'a un peu de ça. En vérité, Clyde vénère son engin. C'est la seule chose qu'il chérie vraiment dans la vie. Il ne veut tout simplement pas que n'importe quelle grognasse monte là-dessus. Or, Alma n'est pas n'importe quelle grognasse. C'est vrai, elle mérite bien ça et avec un peu de chance le bébé sera accro à la sensation que procure une moto avant même qu'il voit le jour. Clyde sera peut-être pas là pour partager avec lui mais l'idée lui plait. Après avoir décliné, Alma se résout à prendre place sur la moto de Clyde. Il hoche la tête quand elle lui demande de ne pas rouler n'importe comment. C'était faisable, surtout qu'ils allaient pas si loin que ça. Il fait alors rugir son petit bijou, la conduit avec soin. Les vrombissements réguliers de sa moto lui réchauffent les entrailles, lui donnent un étrange sentiment de sécurité. Une dizaine de minutes plus tard, ils sont arrivés à bon port. Un petit café, pas de bar extravagant. Il était beaucoup trop tôt pour cela de toute façon. Il prend le sac d'Alma, la débarrasse de son casque et la suit à l'intérieur. Une petite table dans le fond, pour une fois, Clyde ne cherchait pas à attirer l'attention. « Tu te demandes à quoi je joue hein? Bah arrête... J'en sais rien. Je suis là et c'est comme ça. Te pose pas de questions. Parle-moi de toi plutôt! Enfin, tu sais, de tout ça... » Clyde faisait évidemment allusion à cette grossesse non désirée, au déroulement de celle-ci.

Elle sent les yeux en amandes du jeune homme glisser jusqu'à son ventre. Une seconde. Deux secondes. Trois, quatre, cinq. Beaucoup trop de temps à son goût. Alma baisse le regard elle aussi, lorgne ses courbes qui sont encore toute nouvelle chez elle. Ce ventre gonflé lui fait enfin prendre conscience de la réalité. Elle est enceinte. Oui, enceinte. Un petit être est là, grandit jour après jour, essaye de se faire une place dans ce monde de fou. Y arrivera-t-il ? Elle fera tout pour. Maintenant, elle ne peut plus se permettre de jouer la petite fille capricieuse et égoïste. Deux corps enfermés dans un seul, sa vie dépend d'elle. Alors elle fera tout son possible pour son avenir, même si le sien est incertain. Sa tête se relève, les prunelles de Clyde sont fuyantes. Elle le scrute, ne relève pas. Avait-il vraiment honte que son enfant soit porté par celle-ci ? Apparemment. Cet éternel adolescent, ce gamin de vingt-deux ans avec un cerveau étriqué n'accepte pas d'avoir une descendance. Cette descendance-là. Mais aucuns moyens de revenir en arrière, alors soit il accepte la situation complète, soit il s'éloigne. Elle ne pourra pas supporter d'avoir la moitié d'un homme à ses côtés. Enfin, un quart, puisqu'il est lui-même la moitié d'un homme, avec son insouciance de jeune premier tranchant sa virilité de mâle dominant. Alors elle est là, assise sur cette moto qui roule, accrochée à lui. Elle se demande encore pourquoi elle l'a suivit. Peut-être parce que le voir la rassurait. Ou peut-être pas. Le trajet s'arrête, un peu trop vite à son goût. Finalement, sa moto n'était pas si mal. L'homme qui était dessus aussi. Ouais, ça lui brûle la gorge de dire cela, mais peut-être qu'elle commence à l'apprécier. Ils descendent, il lui prend son sac et son casque. Elle entre, scrute la salle. Un petit café, plutôt sympa, bien loin de l'univers de Clyde, ce qui l'étonne d'ailleurs. Elle sent sa présence dans son dos, le voit passer devant, le suit. Cette situation est bien loin de celle de la plage, où elle pensait bien mourir sur ce foutu sable. Cela la fait rire intérieurement. Comme on dit, il n'y a que les cons qui ne changent pas d'avis. « Tu te demandes à quoi je joue hein? Bah arrête... J'en sais rien. Je suis là et c'est comme ça. Te pose pas de questions. Parle-moi de toi plutôt! Enfin, tu sais, de tout ça... » dit-il. Elle sent qu'il bute sur ce dernier mot, n'arrivant pas à assimiler cette nouvelle et évitant de prononcer le mot. Elle lâche un rire nerveux. Oh non Clyde, ça ne se passera pas comme ça. « tu veux tout savoir sans rien payer toi... désolée, ça ne prend pas avec moi. annonce-t-elle clairement. m'attendre devant mon lycée, me payer un verre, porter mon sac, m'emmener ici, c'est pas ton genre. alors, t'attends quoi, au juste, Clyde ? et je veux des réponses, sinon c'est la dernière fois que je te tiens au courant de "ça". » menace-t-elle. Clyde et son putain d'égoïsme. Il fallait qu'il apprenne une bonne fois pour toute que tout ne va pas dans un sens et unique sens. Qu'il fasse des concessions, elle en fera peut-être. Elle soupire, laisse passer les secondes, avant de finalement reprendre la parole. « j'ai besoin de repos. j'ai un mode de vie beaucoup trop stressant et cela se répercute sur le bébé. c'est donc fini pour moi les soirées endiablées et les quelconques contrariétés. » annonce-t-elle, tapotant sur la table, les sourcils arqués et une légère moue tordant ses lèvres. Puis elle attrape son sac, enfouit sa main dedans en sort un papier. « je sais que tu veux pas être trop impliqué, mais... voici la première photo officielle du petit Valhallens junior. » lance-t-elle, faisant glisser l'échographie sur la table pour la porter à ses yeux. j'ai même une vidéo où on entend son coeur battre. c'est plutôt impressionnant. » rajoute-t-elle, posant ses mains sur son genoux.

Sans ménagement, Alma remet Clyde en place. Il l'avait imaginé plus conciliante voire même plus docile. Comme cette fois-là aux balançoires. Mais pas du tout. Une vraie tigresse. Il se sent pâlir, Clyde ne s'était vraiment pas attendu à une telle réaction. Il tourne la tête, elle a peut-être raison mais il est incapable de voir la réalité en face. Dans la vie, Clyde a toujours pris que ce qu'il l'arrangeait. Qu'Alma ait son enfant et qu'elle l'élève seule était loin de l'arranger. De toutes les conneries qu'ils s'étaient vu faire, c'était bien la seule qui lui posait un problème majeur, un problème au niveau de sa conscience. Eh oui, il est bien là le soucis : Clyde n'arrive pas à accepter qu'il soit ce père absent, ce père qu'il a détesté et tant aimé en même temps toute son enfance. Ça fait beaucoup trop mal. C'est pour ça qu'il est trop gentil, trop différent de d'habitude avec Alma. Il essaye de calmer cette voix intérieure qui lui dit qu'il fait les choses de la mauvaise façon. De manière générale, il s'en foutait. Là, c'était pas la même chose. C'était à mille lieux des choses répréhensibles qu'il avait l'habitude de faire. C'était une vie humaine, un être qui était lui-même un bout de Clyde. Et d'Alma aussi. Rien que ça! Au delà de ses problèmes de conscience, Clyde doit bien admettre qu'il a envie de savoir. Ça lui arracherait la gueule de le dire mais ça l'intéresse. S'il peut aider, il le fera. Il s'était déjà dévoué d'ailleurs. Tout ça, ça le faisait se sentir comme un con. Il cherche un endroit où poser les yeux, s'attarde sur le serveur qui juge le moment opportun pour venir prendre leurs commandes. Dieu merci. Clyde demande un café. Oui, oui, un café. Il a pas parlé de whisky derrière, il veut juste un café. Il sent déjà le regard moqueur d'Alma courir sur lui si bien qu'il en vient à se demander pourquoi il avait fait ça. Il n'aurait pas pu simplement prendre une bière? Prouver à Alma qu'il est et qu'il sera toujours le petit con qui l'exaspère? Il soupire. Pour le moment, il allait ignorer la question. Il sait même pas quoi y répondre de toute façon. C'est Alma qui attaque à nouveau et, cette fois, Clyde trouve le courage de soutenir son regard. « Plus de soirée, hein? Donc plus de garçons? Ça tu vois, je trouve ça cool. Ça t'évitera de nous pondre des jumeaux! Ou pire, des triplés. » Clyde n'est pas si débile, il sait très bien que c'est impossible. Il joue simplement au bouffon, au crétin fini. La voie de la facilité, toujours. Il sourit faiblement alors qu'Alma cherche quelque chose dans son sac. Elle parle, Clyde a un mouvement de recul. Elle glisse l'échographie jusqu'à lui, il a l'impression dans un premier temps que ses yeux brulent. Après de longues hésitations, il prend le papier en main, inspecte dans ses moindres détails le cliché. Alma parle à nouveau mais Clyde perçoit à peine ce qu'elle raconte. Il a envie de cogner quelqu'un. Ou de pleurer. Ouais, de préférence, il cogne quelqu'un. Qu'est-ce qu'il avait fait encore? Il repose l'échographie, ferme les yeux quelques secondes. C'est normal qu'il se sente si bizarre? Clyde a jamais connu ça avant. On dirait... On dirait de la joie! Il rouvre les yeux. Merde. Il fixe Alma et, naturellement, les mots commencent à sortir. « J'essaye juste de faire les choses correctement pour une fois. Je veux que tu sois bien, je veux que ce bébé soit bien. Je voulais pas être père mais c'est bien parti pour que je le sois quand même. Je peux faire semblant de pas l'être, c'est sûr... Mais qu'est-ce qu'il me reste à faire si j'arrête pas d'y penser? » Il marque une pause, il avait l'impression que ses couilles s'étaient barrées. Pire, qu'elles étaient en train de bien se foutre de sa gueule et de sa virilité disparue. « Merde, y'a pas un joint que je roule sans être motivé par cette histoire! » Vu la tête de Clyde, ça voulait en dire beaucoup. Il baisse les yeux, regarde l'échographie au milieu de la table avant de la pointer du doigt. « Soit dit en passant, c'est un Wright. » Il a envie de se marrer mais ne le fait pas. Et si c'était pas une blague, comment est-ce qu'Alma réagirait?

Elle est assise là, dans ce café qu'elle ne connaît ni d'Eve ni d'Adam avec un homme dont finalement elle ne sait rien. Si une bonne fée lui aurait prédit cela il y a quelques semaines, elle lui aurait sûrement rigolé au nez. Ou alors elle serait parti en courant. Ouais, elle serait parti en courant. Pourtant, elle est bien présente face à l'homme qui la suppliait d'avorter de son bâtard et la traitait de raté. Oh oui, elle aurait pu refuser catégoriquement, lui dire d'aller se faire voir, qu'il est le pire des connards que la terre ait jamais porté, mais pourtant, non. Elle est à ses côtés, ne regrette rien, aime presque ça. Alma aime se faire du mal, me direz-vous ? Possible. Mais c'est un mal nécessaire. Qu'elle le veuille ou non, elle est liée à Clyde. A vie. Alors autant éclaircir les points essentiels maintenant plutôt que de laisser traîner les chose. Et puis, sa compagnie n'est pas si désagréable qu'elle ne l'aurait imaginé. Il dévie du regard, épie tout et n'importe quoi mis à part elle. Alors il interpelle le serveur, contourne le problème. Alma soupire. Ils font littéralement du sur-place. A quoi bon l'inviter ici pour finalement pour se fermer comme une huître ? Elle n'est pas un parfait petit toutou qui dit amen à tout ce qui peut sortir de la bouche de Clyde. Il est soudain muet comme une tombe avec son café devant lui. Elle rigole intérieurement. D'aussi loin qu'elle le connaissant, elle ne l'avait jamais vu aussi solennel, presque sérieux. « Plus de soirée, hein? Donc plus de garçons? Ça tu vois, je trouve ça cool. Ça t'évitera de nous pondre des jumeaux! Ou pire, des triplés. » s'exclame-t-il. Elle roule des yeux, comme à chaque fois qu'une connerie sort de sa bouche. « et qu'est-ce qui est le plus cool ? le fait d'avoir qu'un seul enfant ou le fait de ne plus voir de garçons ? » lance-t-elle, arquant un sourcil, lâchant un léger rire. De toute façon, qu'est-ce ça peut bien lui faire à Clyde, qu'elle puisse côtoyer d'autre hommes, dans le fond ? Lui rentre bien tout les soirs avec une nana différente. Alors, même s'il dit quelque chose à ce sujet, elle ne privera pas, loin de là. Il scrute l'échographie, la détaille, la dévore des yeux. Elle sent que le masque qu'il avait revêtu depuis des semaines avec elle se fissure petit à petit pour finalement tomber. Il plonge ses yeux au fond des siens. « J'essaye juste de faire les choses correctement pour une fois. Je veux que tu sois bien, je veux que ce bébé soit bien. Je voulais pas être père mais c'est bien parti pour que je le sois quand même. Je peux faire semblant de pas l'être, c'est sûr... Mais qu'est-ce qu'il me reste à faire si j'arrête pas d'y penser? » avoue-t-il. Elle le tient du regard, reste un moment silencieuse. Elle ne s'attendait pas à ça, pas autant. Elle sourit avec une certaine tendresse, a envie de lui prendre la main et lui dire que tout ira bien. Ses paroles lui transpercent littéralement le coeur, la réchauffe, le temps d'un instant. « laisse-toi porter par le vent. je sais, ça peut paraître con, mais... je suis persuadée que tu feras un bon père, vraiment. que derrière cette carapace de bad-boy qui se détruit la vie, t'es quelqu'un de bien. l'image de ton père te hante tellement qu'elle te tue à petit feu. tu n'es pas lui, sinon tu ne seras pas là, devant la mère de ton bébé. » répond-t-elle, faisant glisser sa main jusqu'à la sienne, pour se montrer rassurante. Elle la retire immédiatement, se sentant complètement idiote. « Soit dit en passant, c'est un Wright. » affirme-t-il. Son coeur bat à rompre, et elle ne sait même pas pourquoi. C'est totalement stupide ouais, mais elle n'arrive pas à le contrôler. « je veux que ce soit un Wright. » avoue-t-elle, presque en murmurant. Elle a du mal à l'avouer, mais ouais, elle voulait qu'il soit un Wright. Idée complètement suicidaire. « bien qu'il reste un Valhallens pur souche. c'est moi qui va le porter encore sept mois et se lever toute les nuits dans les années à venir. j'ai bien le droit à ça. » finit-elle par dire.

Clyde touche même pas à son café. Il le laisse refroidir, le regarde bêtement. Il aime même pas ça. C'est vrai, de toutes les choses susceptibles de créer une addiction, c'était bien la seule à laquelle Clyde ne touchait pas. Pas de caféine dans son organisme. C'est déjà ça. Ou pas. Il commence à se triturer nerveusement les doigts, il regrettait tout à coup de s'être livré autant. Ça lui ressemble pas, il est même pas sûr de vouloir qu'Alma le voit autrement que le petit con qui l'avait engrossé. Et pourtant. S'il l'avait bien compris, Alma et lui, ce serait pour la vie. Enfin, c'est surtout le gosse qui sera à vie. Il lève timidement les yeux et couve Alma du regard. Jeune lycéenne, déjà plus mature que lui. Son ventre qui grossit, ses cernes qui s'accentuent... C'est parce qu'il était passé par là, il peut se donner toutes les excuses qu'il veut, c'était sa faute. Ça avait été à lui de ne pas les foutre dans une merde pareille. Ça lui ressemblait bien ce genre de conneries. Toucher à la petite soeur d'un pote, la mettre en cloque et s'en laver les mains. Ou presque. Parce que Clyde n'arrive pas à se détacher de cette histoire, à se détacher d'Alma. Cette fois, il n'avait pas réussi à se défiler. Elle lève les yeux au ciel, Clyde esquisse un sourire à peine décelable. « Les deux. Un enfant, ça suffit et je veux pas que Jay fasse d'autres victimes. » Ça, c'était pas vraiment sincère. En fait, Clyde aurait probablement beaucoup de mal à voir Alma avec un autre. Ce serait pas forcément de la jalousie... Si, quand même un peu. Mais c'est surtout qu'il a pas envie qu'un autre lui vole son rôle inespéré de jeune père. Si elle le voulait, Alma pourrait en trouver des tas des mecs plus aptes que lui pour occuper cette place. Sûrement qu'il l'aimait bien aussi la petite Alma, sûrement trop. Clyde voit bien qu'il déclenche quelque chose en elle quand il se confie enfin à elle et, sur le coup, ça lui fait peur. Il a envie de partir en courant. Ce ne serait pas la solution. Si Clyde avait toujours fui, il n'avait jamais rien arrangé pour autant. Sa mère ne devait pas être plus heureuse sans lui, pareil pour ses frères. Leur tourner le dos n'avait été qu'une erreur de plus. Clyde aurait du à l'époque saisir cette chance de s'améliorer. Il a craché dessus, s'en est allé avec rien en poche. Il ne recommencera pas. Alma et son petit habitant lui donnaient une seconde chance. Elle vient lui prendre la main. Clyde n'a pas le temps de la serrer dans la sienne qu'elle s'est déjà volatilisé. Ouais, c'était plutôt bizarre. Il regarde sa main esseulée sur la table un instant avant de la ramener sur sa cuisse. « Moi tu vois, j'en suis pas si sûr... » Il soupire. "Tu n'es pas ton père". Les mots magiques, Clyde n'avait jamais réussi à s'en persuader avant et maintenant qu'Alma le lui disait, il avait presque envie d'y croire. « Et je connais pas mon père, j'ai pas d'image de lui. C'est peut-être Iggy Pop hein. Ça, ce serait cool. M'enfin. Connaissant ma mère, c'est sûrement qu'un blaireau. » Comment est-ce qu'il pouvait expliquer ça autrement? Il n'avait jamais pu arracher une information à sa mère à propos de son géniteur. Il avait rien, pas une piste. Clyde se fige totalement quand Alma annonce mot pour mot qu'elle veut que ce bébé soit un Wright. Merde, il a l'impression qu'on vient de lui donner un énorme coup de poing dans le ventre. Il arrête de respirer un moment, souffle bruyamment quand il arrive à se ressaisir. Il avait bien entendu, pas de doute. Finalement, Clyde rigole doucement. Rien à voir avec ses rires moqueurs de d'habitude. C'était naturel, bienveillant. « Ça pas de sens ça! A moins que tu sois en train de chercher à m'émasculer, là, je comprendrais. » Encore un sourire et Clyde reprend son sérieux. Il se penche légèrement sur la table, un peu comme s'il s'apprêtait à dire à Alma un secret. « Le jour où tes parents comprendront que c'est pas parce que t'abuses sur les sucreries que tu grossis à vue d'oeil, tu compteras sur moi? Promis? »

« Les deux. Un enfant, ça suffit et je veux pas que Jay fasse d'autres victimes. » dit-il. Alma réprime un rire. Il est vrai que Jay est pire qu'une mère poule auprès d'elle. Il la couve comme un riche couve ses diamants. Il surveille ses fréquentations, les hommes qu'elle côtoie, veille à ce qu'elle ne prenne pas le même chemin que lui. Il se plierait en quatre pour qu'elle puisse ne manquer de rien, et juste pour cela, il mérite tout son respect. Pourtant, c'est bien parti pour qu'elle devienne comme lui. Oh oui, elle est bien loin de toute ces drogues et débauches, mais son avenir est incertains, tout comme lui. Qui peut dire où elle en sera dans dix ans ? Peut-être que cette histoire la rendra beaucoup plus forte et mature, qu'elle s'en sortira et coulera des jours heureux avec ses enfants et son petit-ami dans une modeste demeure. Ou alors elle perdra pied, n'assumera pas son bébé, se laissera couler dans l'alcool et finira pilier de bar dans un truc miteux. C'est quitte ou double, mais pour rendre fier son grand-frère, elle fera tout ce qui est en son pouvoir pour s'en sortir. Mais est-ce vraiment pour cela qu'il se fait une joie de ce repos forcé ? Il ne veut pas qu'une autre figure paternel auprès de son enfant ou alors d'un homme auprès d'elle. Ma pauvre Alma, tu tires des plans sur la comète alors que tu es bien sur la terre ferme. « j'ai dit su repos, cela ne signifie pas vivre en ermite. je compte bien sortir de temps en temps, comme pour la soirée de la saint-valentin par exemple. » répondit-elle, un léger sourire sur le visage. Rester planquée chez elle pendant les sept mois à venir, très peu pour elle. Ses nerfs ne tiendront certainement pas. Elle touche la corde sensible, sent Clyde légèrement vulnérable. Alma connaît le délaissement d'un père qui n'en a que faire de ses enfants, puisqu'elle en est elle-même la victime. Elle sait donc à quel point cela peut être douloureux. N'avoir qu'un seul parent qui t'accompagne à l'école, qui te lit une histoires, qui te donne des conseils. Cette présence masculine qui est essentielle dans la vie d'une petite fille. Le manque est fort, mais il faut apprendre à vivre avec. « moi non plus j'ai pas de père. enfin si, mais je ne connais ni son nom, ni son apparence, ni pourquoi il est parti. alors je préfère me dire qu'il est mort. commence-t-elle à dire, frottant ses deux mains. je ne veux pas que cet enfant vive la même chose. alors okay, il arrive de manière inattendu mais il mérite d'avoir ses deux parents, auprès de lui. t'as pris la bonne décision clyde, même si ta fierté en prend un coup. » dit-elle, plantant ses prunelles dans les siennes. Elle veut le rassurer, lui faire comprendre que malgré leur jeune âge, cela vaut le coup. C'est incroyablement fou, complètement démentiel, mais pourtant terriblement excitant. Oui, elle aime peut-être se faire du mal. Il sourit, rigole même. Elle a l'impression d'être devant un nouveau Clyde, plus avenant, bien loin du petit connard qu'elle connait. Elle se sent privilégié de le voir sous ce jour-là. Peut-être l'est-elle, après tout. « Le jour où tes parents comprendront que c'est pas parce que t'abuses sur les sucreries que tu grossis à vue d'oeil, tu compteras sur moi? Promis? » demande-t-il. Elle acquiesce se penche à son tour et recouvre de nouveau sa main de la sienne, sans l'enlever cette fois-ci. « je te le promet. répondit-t-elle, je repousse le moment fatidique et... j'ai peur que le regard de ma mère change. qu'elle me renie, qu'elle me déteste, qu'elle me vire de chez moi. » lança-t-elle en un soupir.

La saint-Valentin. Clyde grimace. Il aime pas beaucoup de genre de fêtes. Oh, il est jamais seul, il trouve toujours une âme en peine pour le rejoindre. C'est juste qu'il y croit pas. La saint-Valentin, c'est juste un prétexte pour mettre une fille plus facilement dans son lit. Clyde sait d'avance qu'il n'y rencontrera pas son âme soeur. Il a même carrément abandonné le concept de l'amour. Pourquoi faire de toute façon? Souffrir? Nan, ça, il le fait très bien tout seul. Il est même pas capable d'accepter l'amour des autres de toute façon. Il n'y a pas plus répulsif pour Clyde qu'une gonzesse qui est amoureuse. Ça fait carrément peur en même temps! Elles veulent s'engager, se voient déjà au mariage... Non, Clyde était très bien seul. Il n'envie pas Angelina et Brad, eh oui. Il n'empêche que l'idée qu'Alma ait un valentin lui donnait carrément envie de gerber. Elle porte son bébé! S'il pouvait, il lui installerait une ceinture de chasteté. Heureusement, il n'y avait pas de raison pour qu'il ait des détails sur cette fameuse soirée. Moins il en saura, mieux ce sera. Il met les mains sur ses oreilles, lève les yeux au ciel. « Pitié, pas un mot de plus! Je veux rien savoir. » Il attend quelques instants en maintenant cette position avant de se rendre compte qu'il était complètement ridicule. Ça lui arrivait souvent de l'être pourtant et il ne s'en formalisait pas. Là, c'était différent. Pourquoi? Parce qu'il n'était pas complètement fait. Entre le Clyde drogué et le Clyde clean, y'a déjà un monde. Malheureusement, il n'allait rien promettre à ce sujet-là. Il sait très bien qu'il y avait de fortes chances pour qu'il ne tienne pas parole. Certes, il n'a jamais essayé. Mais il ne voit tout simplement pas comment il pourrait faire pour tenir sans. « Ouais, c'est sûrement la bonne décision... » déclare finalement Clyde, pas vraiment convaincu. Alma a l'air d'y croire en tout cas, c'est plutôt encourageant. Clyde ne voit pourtant pas comment il pourrait s'arranger pour être un "bon" père. Ne pouvait-il déjà pas être un père tout court? C'est déjà pas mal, c'est déjà beaucoup. Surtout pour lui, un gosse de vingt deux ans qui vient d'être expulsé à coups de pieds du pays imaginaire. Il passe une main sur son front, se mordille la lèvre supérieure. Il savait pas trop ce que c'était... Du stress? Un manque? C'est là qu'Alma vient prendre sa main, le calmant le temps de l'opération. Ses yeux sont plantés dans les siens, Clyde n'arriverait pas à regarder ailleurs même s'il le voulait. Il est pendu aux lèvres d'Alma, attend patiemment la suite. Elle promet. Il sourit. Un grand nettoyage de printemps s'imposait mais ça allait le faire. A condition qu'il trouve un aspirateur quelque part... Ou au moins un balais. « Elle va être furax. M'enfin, c'était ton choix, tu le savais en le gardant que t'allais te mettre dans la merde. Bah t'y es... » En prononçant ces mots, Clyde se rend compte de la gravité de la situation. Il relâche vivement la main d'Alma comme s'il venait de se bruler. Il perd les pédales. « Eh mais tu fais quoi là?! Arrête. Pas de ça entre nous hein. » Clyde n'est pas hostile, enfin, pas tout à fait. On dirait plus qu'il a peur. Ça doit être ça, il a carrément les chocottes.

Elle le regarde faire le singe, avec ses deux mains sur ses oreilles et son regard enfantin. Son rire raisonne dans tout le café, interloquant certains consommateurs, bien qu'elle n'en a que faire. On peut bien reprocher ce qu'on veut à Clyde, ce dernier à quand même un sacré sens de l'humour en toutes circonstances. C'est une qualité comme un défaut, il faut juste apprendre à faire avec. A l'écouter, la Saint-Valentin est une pure torture. Réaction typique du mec qui préfère les coups d'un soir. Elle peut paraître mielleuse à souhait, mais Alma, elle elle y croit à l'amour. Elle est persuadée que quelque part dans le monde, son âme-soeur l'attend, et que c'est juste une question de temps. Elle et son éternel optimisme compte bien le trouver un jour, bien que pour le moment ce n'est pas à l'ordre du jour. Mais en attendant, elle ne compte pas rester seule indéfiniment. Il y a bien un garçon dans cette ville n'ayant pas peur de s'engager avec une jeune fille qui sert de résidence secondaire à un foetus. Okay, dit comme ça, ça donne pas franchement envie de faire quoique ce soit. Mais qui sait, un homme qui a la tête sur les épaules et qui est assez mature pourrait s'intéresser à elle. « Ouais, c'est sûrement la bonne décision... » souffle-t-il. Clyde est entre deux eaux. Il veut s'investir, mais elle sent qu'il n'en a pas envie. Juste de la pitié, une contrainte pour lui. Mais est-ce vraiment le plus à plaindre ? Non. Lui, à la rigueur, il a juste à se tenir au courant de temps en temps, supporter ses humeurs. Ce n'est pas lui qui va sentir un enfant grandir en lui, voir son corps se transformer, souffrir le martyr à l'accouchement. A côté, c'est une promenade de santé.  Mais comme à son habitude, il ne voit pas pas plus loin que le bout de son nez. Pourtant, son regard supporte le sien, sans s'occuper du monde extérieur. Une sorte de connexion entre eux, un moment étrange. Il sourit, elle ne peut pas s'empêcher d'en faire autant. « Elle va être furax. M'enfin, c'était ton choix, tu le savais en le gardant que t'allais te mettre dans la merde. Bah t'y es... » dit-il. Son visage se décompose, il lâche brutalement sa main comme on lâche une vulgaire patate chaude. Elle le voit se refermer, fronce les sourcils, ne voit pas pour il change aussi vite de comportement. « Eh mais tu fais quoi là?! Arrête. Pas de ça entre nous hein. » s'exclame-t-il. Alma toise sa main laissée à l'abandon puis son regard glisse jusqu'à lui. C'est quoi son putain de problème ? Pourquoi réagit-il comme ça ? Elle reste silencieuse un moment, ricane par la suite, secoue la tête. « j'suis vraiment trop conne. » murmure-t-elle, comme pour se réprimander intérieurement. Elle se lève, plus de traces d'un quelconque sourire sur son visage. « tu veux savoir ce que je fais ? bah j'me casse. » dit-elle, portant son sac à son épaule. A ce moment précis, elle se sentait complètement conne ouais. C'était vraiment une mauvaise idée de venir ici, avec lui, et c'était une mauvaise idée d'oser croire qu'il aurait pu changer par rapport à cette histoire. Clyde restera toujours Clyde, et ce n'est pas son gamin qui le fera changer. « t'as raison, c'est bien un Wright, Clyde. Lui aussi pourra dire que son père est un blaireau. » finit-elle par dire, se dirigeant vers la porte de sortie, l'ouvre et sort. Dans le fond, elle se sent blessée et utilisée. Mais la personne après qui elle est en colère, c'est elle-même.

Tout se passait bien pourtant. C'est arrivé sans crier gare, comme ça. Faut dire qu'il est allergique à tout ça, Clyde. Pire que ça, ça lui fout carrément les boules. Clyde a peur. C'est pas normal après tout qu'il soit attendri par la jolie petite bouille d'Alma, encore moins qu'il trouve ça agréable qu'elle lui prenne la main. C'est dangereux. A chaque fois que Clyde ressentait quelque chose de trop intense, il s'écartait. Tous les moyens étaient bons pour ça et Clyde choisissait souvent de susciter la haine plutôt qu'autre chose. Alma ricane. C'était mauvais ça. Très mauvais. Clyde se mordille la lèvre inférieure, prêt à regarder la bombe qu'il venait de poser exploser. Clyde l'entend à peine murmurer, il devine simplement qu'elle devait être tombée de très haut. Il l'avait rejeté. C'était le premier à lui faire des propositions indécentes et même à les réaliser mais il venait de la jeter comme une vieille chaussette. C'était que sa main emboitée dans la sienne... Ça avait suffit pour faire peur à la bête non domestiquée qu'est Clyde. Alma se lève, veut partir. Clyde ne pense pas à la rattraper, c'était exactement ce qu'il voulait. Bien sûr il aurait un petit pincement au coeur en la regardant s'éloigner mais c'était sûrement le mieux à faire. Pour tout le monde, le foetus compris. Une dernière méchanceté qu'il avait bien cherché et Alma lui tourne le dos. Clyde déteste finalement la voir s'en aller mais adore la regarder partir. Il la suit du regard, soupire quand elle ouvre la porte et qu'il ne la voit plus. Il regarde son café, promène son regard dans la salle. Pourquoi avait-il été aussi con? Avait-il seulement envie que son gosse pense une telle chose de son père? Et merde. Il se lève d'un bond, se dirige à grandes enjambées vers la sortie. Il regarde à gauche et à droite avant d'apercevoir Alma vers qui il s'élance. « Attends!» crie-t-il à son attention comme si elle allait vraiment le faire. Il finit par la rattraper, prend sa main assez fermement pour qu'elle ne puisse pas se dérober. Il y a des gens autour d'eux, une dizaine de regards sur eux. Clyde les ignore. S'il ne le faisait pas, il ferait demi-tour bien vite. C'était pas le moment. « Tu me détestes? » Un vrai gosse, ses yeux bleus brillaient étrangement. Déstabilisant. Adorable un coup, détestable l'autre. Peut-être bien qu'il est un peu bipolaire sur les bords le Clyde.

Elle claque la porte et lâche progressivement la poignée, hésitante quand au fait de revenir ses pas. Alma regarde droit devant elle, ne sait pas vraiment quoi faire. Prendre sur elle, oublier les sautes d'humeur du jeune Wright et rentrer à l'intérieur ou alors fuir, ce qui serait le mieux pour lui et pour elle. Bon sang qu'elle se déteste. Elle se déteste d'avoir perdu pieds, elle se déteste d'avoir posé ses yeux sur lui ce soir-là, elle se déteste de lui avoir sourit, elle se déteste de l'avoir laisser capturer ses lèvres, elle se déteste de l'avoir laisser capturer son corps tout entier. Elle se retrouve prisonnière d'une situation qui lui échappe totalement. Alma, c'est le genre de nana qui aime contrôler le moindre petit détail de sa vie; elle a l'impression de nager à contre-courant, de boire littéralement la tasse. Elle plisse les yeux, regarde à droite puis à gauche, portant sa main contre son ventre. Elle est à des pâtés de maisons de chez elle et a promit à sa mère de rentrer après le lycée. Que va-t-elle trouver comme excuse cette fois-ci ? Un profession l'ayant retenue ? Une bagarre devant le  bahut ? Elle fouille de nouveau dans son sac, y sort son portable, composant instantanément le numéro de Jay, son aîné, avant de se raviser. Elle ne veut pas une nouvelle esclandre. Elle soupire puis commence à marcher, espérant rendre chez elle le plus vite possible. Un pas, deux pas, trois, quatre, cinq. Elle entend quelqu'un courir derrière elle. Sûrement une personne pressée. Une voix, des doigts se glissent entre les siens pour maintenir sa main toute entière. Son coeur rate un battement. C'était lui. A-t-il finalement une conscience ? Elle se retourne, ses prunelles survolent l'image de ses phalanges collés aux siennes, se promènent pour s'arrêter sur le visage de Clyde. « Tu me détestes? » demande-t-il. Elle reste silencieuse un moment, arrache sa main de celle du jeune homme, comme lui l'avait fait plus tôt. La situation est pathétique. On se croit dans un de ses films à l'eau de rose où deux "âmes soeurs" se retrouvent et s'embrassent. Là, on est loin du compte. Très loin. « Non, je ne te déteste pas, et c'est bien ça le problème. » lance-t-elle, baissant les yeux un instant. Elle fait un tour sur elle-même, passe ses mains sur son visage. Cette situation devient ingérable. « putain clyde, il va falloir sérieusement que tu réagisses, je vais pas supporter tes sautes d'humeur longtemps. » dit-elle, caressant son ventre comme une mère normalement constituée. « je ne suis pas une de tes petites pétasses, tu le comprends ça ? tu ne peux pas m'envoyer bouler pour te soulager. sinon tu peux m'oublier. et lui aussi. » balance-t-elle, lorgnant son ventre. C'est quitte ou double. Ou il se mange la claque escomptée et il réagit, ou il prend la mouche au risque qu'il la laisse ici, sur le bord de la route.

Clyde n'avait jusqu'alors jamais eu de compte à rendre à personne. Il était libre. Ça impliquait évidemment qu'il se permettait de faire les conneries qu'il voulait, quand il voulait, sans penser aux conséquences qui ne regardent que lui en général. Sauf que là, il avait l'impression qu'on s'était bien foutu de sa gueule. S'il avait couché avec Alma ce soir-là, c'est pas parce que c'est la petite soeur de son pote -enfin si on peut l'appeler comme ça- et qu'il est spécialement tordu... Il l'avait trouvé belle et par un miracle qu'elle seule connait, il avait été gentil avec elle. Pas si gentil que ça finalement puisque ça a quand même dérapé mais c'était parti d'une bonne intention. La petite Alma. Plutôt en colère la brunette, Clyde a mis du temps à réaliser qu'il ne pouvait pas la laisser disparaitre dans la nature. C'était une erreur, juste une autre parmi la liste interminable de celles qu'il a déjà commises. Alors il court, rattrape sa jeune ingénue. Comme un enfant, il cherche à savoir s'il est toujours désiré, s'il peut encore se faire pardonner. Il ne sourit pas à la réponse d'Alma, l'idée qu'elle puisse avoir autant envie de le détester lui est plutôt désagréable. Elle avait quitté sa main, Clyde ne s'en était pas formalisé. Il y a cinq minutes, c'est lui qui le faisais et pas d'une manière beaucoup plus élégante que ça. « C'est pas vraiment un problème ça... » Il soupire. S'il devait être honnête avec lui-même, il devait bien avouer que c'était bel et bien un problème. Elle parle, caresse son ventre. Clyde a l'impression qu'on lui donne des électrochocs. Pas terrible. Il fixe cette main qui se ballade sur ce ventre avec une envie presque irrépressible de faire pareil. Il se retient, détourne les yeux. « Ouais, c'est à se demander qui de nous deux est enceinte... » Faible sourire. L'air de rien, il passe son bras autour des épaules d'Alma, la fait pivoter dans le sens du café où est garée sa moto. « T'as raison. Et je veux pas vous oublier. » Clyde marche, entraine Alma avec lui. Des erreurs, il allait encore en faire... Mais il allait essayer de limiter les dégâts. Clyde garde le silence pendant un moment, il semble réfléchir. « Moi, je t'aime bien. »

Elle soupire, détourne le regard. Elle sait pertinemment que si elle soutient son regard, elle va craquer dans la minute qui suit. Clyde et son regard enfantin, son allure de bad-boy et son beau sourire. Elle ignore pourquoi, mais il y a quelque chose en lui qui lui fait penser qu'il est quelqu'un de bien. Elle se bat avec sa conscience. Les conneries qu'ils enchaînent, sa mauvaise fois, les mots blessants sortant de sa bouche. Elle le sait, il est tout sauf un homme bien. Il n'est même pas un homme. C'est un enfant. Un enfant qui n'est pas prêt à affronter le monde adulte. Et pourtant, c'est bien cela le plus attendrissant. Cela lui donne envie de le prendre dans ses bras pour le protéger du monde extérieur. Alors que faire ? Elle a assez confiance pour lui laisser une seconde chance mais pas assez pour le laisser assumer la situation. Le cul entre deux chaises, elle ne sait pas vraiment comment s'y prendre. « C'est pas vraiment un problème ça... » lance-t-il. Si, c'est un problème. Un sérieux problème. Ca ne devait pas se passer comme ça. Il l'avait jeté, lui a dit qu'il ne voulait pas de ce gosse, de son gosse. Et puis il est revenue la bouche en coeur, et elle a tout balayé d'un trait. Non, non, c'est pas normal. Elle était sensée lui dire qu'il était le pire des connards, mais non. Alors maintenant, ça va être comme ça ? Faire table rase à chaque erreur sous prétexte qu'elle porte son enfant ? Hors de questions.  « si, ça en est un. et tu le sais. » répond-t-elle. Elle plante ses prunelles azures droit dans les siennes. C'est déstabilisant. Elle ne veut pas perdre pieds face à la situation, ni se laisser emporter par le flot d'émotions qui peut la submerger. Bordel. Cette situation la rend dingue. « Ouais, c'est à se demander qui de nous deux est enceinte... » ironise-t-il. Elle rigole intérieurement, veut lui montrer que rien n'est gagné. Cependant, un sourire se dessine sur ses lèvres. Sans de réelles raisons, elle attrape la main de Clyde et la pose sur son ventre. « tu as ta réponse. » finit-elle par lui dire. Serait-ce une façon de lui faire comprendre qu'elle accepte de lui laisser une petite place dans leur vie à tout les deux ? Peut-être. Il passe son bras autour de ses épaules, la remet sur le chemin du café. Elle le suit, sans sourciller. « T'as raison. Et je veux pas vous oublier. » lâche-t-il. Elle arque les sourcils, ne s'attendait pas vraiment à cette déclaration. « Moi, je t'aime bien. » ajoute-t-il. Celle-là non plus, elle ne l'avait pas vu venir. Elle se sent mal à l'aise, se mord la lèvre. Elle s'arrête, se poste face à lui. « moi aussi. même si ça m'arrache la bouche de le dire. » répondit-elle, replaçant une mèche derrière ses oreilles.

Bien sûr qu'il savait que c'était un problème. Il grimace. Puéril comme il est, il était presque tenté de bouder. Mais non. C'est sûrement parce qu'il sait pertinemment qu'elle a raison de penser comme ça. Une brève apparition dans sa vie et voilà qu'il foutait tout en l'air! Clyde se sentait hautement responsable de la situation dans laquelle il avait mis Alma. Ce n'est pas pour ça néanmoins qu'il lui avait proposé l'asile chez lui, non. Il en avait envie. Il pourrait avoir un oeil sur Alma et sur sa grossesse. Ça, c'est ce qui lui faisait le plus plaisir au-delà de la culpabilité qu'il pouvait éprouver à son égard. N'empêche qu'elle ferait mieux de le détester et Clyde le sait. Il ne répond pas, regarde ailleurs. C'est tellement évident qu'il préfère changer de sujet, il est pas vraiment à l'aise avec les remises en question. Même si dans sa tête Clyde était capable de se poser un tas de questions, il était incapable de les formuler tout haut. Et s'il n'avait pas couché avec Alma? Et s'il n'avait pas trahi Jay? Et si... Encore et encore. Ça ira mieux quand il aura trouvé quelque chose à se mettre dans le nez. Ça va toujours mieux. Il le voit pas venir mais Alma prend sa main à ce moment-là, la pose sur son ventre. Il écarquille les yeux, sent la protubérance qu'est en train de former ce bébé avec émerveillement. Son bébé. Il sourit comme un gosse devant un magasin de bonbons, il avait envie de serrer Alma dans ses bras, de la couvrir de baisers tant il se sentait privilégié. Au lieu de ça, il met fin à ce moment. Il n'avait encore rien dit. Pourquoi faire? La tête qu'il avait tiré avait déjà parlé pour lui. Ils se remettent alors en chemin, Clyde perd son sourire béat. Il doit ratérir sur Terre et vite de préférence! Quelques confidences, Alma s'arrête. Clyde sent qu'elle réclame toute son attention et il la lui donne en échangeant un long regard avec elle. Danger. Elle aussi, elle l'aimait bien. Le coin des lèvres de Clyde s'étirent automatiquement et il rigole de manière à peine audible en la voyant toucher ses cheveux. Trop mignonne. Allez savoir ce qu'il lui prend mais il la prend dans ses bras. Doucement. Presque tendrement. De là-haut, il voit le sommet de son crâne et ne peut s'empêcher d'y déposer un baiser. Juste comme ça, juste parce qu'il en avait envie. « Cool. Je vais faire en sorte que ça devienne moins contraignant alors! » Le son d'une promesse. Encore une autre. Il la garde dans ses bras. Il sait qu'elle finira bien par en sortir mais il fait durer le moment.

Elle se positionne devant lui, droite comme un i, comme pour l'empêcher d'avancer d'un centimètre de plus, comme si elle ne voulait pas le laisser filer. Elle se tortille, telle une enfant ne tenant pas en place. Alma regarde le sol, regarde à droite, regarde à gauche, évite les prunelles de Clyde. Pourquoi ? Elle ne sait pas. Peut-être qu'elle a honte de pouvoir apprécier le jeune homme. Ou peut-être qu'elle appréhendait sa réaction. Qui lui dit qu'il pense réellement ce qu'il dit ? C'est fort probable qu'il balance ce genre de paroles dans l'euphorie du moment. Dans le fond, elle n'arrive pas à le cerner, Clyde, et c'est bien ça le plus perturbant. Ses yeux se perdent dans les siens, le temps s'arrête l'espace d'un instant. Son coeur palpite bien plus vite qu'à la normale, elle a envie de l'arracher et de lui foutre un coup de poing. Bordel, c'est tout sauf normal ça. Ce mec devrait la dégoûter, pas déclencher des papillons au creux de son ventre. Foutues hormones à la con. Il sourit. Est-ce normal, ça aussi ? Elle ne sait pas. Elle ne sait plus. Alma, elle est habitué aux faux sourires, aux ricanements, aux "va te faire foutre", aux faux-plans. Elle a du mal à se familiariser aux mots gentils et aux gestes tendres. Mais ça fait du bien. Ouais, ça fait du bien. Le vent souffle, ses cheveux dansent un ballet qui la dérange. Il s'approche, dangereusement. De plus en plus. Elle reste tétanisée, telle un bambin ayant cassé un vase et qui a affreusement peur de se faire gronder. Il l'attrape, la recouvre de ses bras, la cale contre lui. Alma ferme les yeux, sentant qu'il dépose un baiser sur le sommet de son crâne. Un léger sourire se dessine sur ses lèvres. Cette scène est similaire à celle du fameux soir où cet enfant a été conçu. Étrange parallèle, direz-vous.  Elle passe ses mains autour de sa taille, et reste comme ça quelques instants. Et puis elle se recule un chouïa, se hisse sur la pointe des pieds et dépose un baiser sur sa joue, comme pour le remercier de changer, pour elle. Enfin, surtout pour l'enfant. Son regard croise de nouveau le sien, elle s'immobilise. Curieuse réaction, ses prunelles vacillent entre celui-ci et ses lèvres. De nouveau anormale, non ? Pourtant, sans qu'elle ne puisse contrôler aucuns de ses mouvements, son buste se penche, elle sent son souffle sur son visage. Ces lèvres, elles la provoquent, elles la titillent. Doucement, bien loin de la bestialité de la première, elle vient déposer les siennes sur celle de Clyde, accompagnant ce geste en posant sa main sur sa joue. Non, non, non, c'est stupide. Pourtant, elle le fait. Qu'est-ce qui cloche chez elle ? Elle se recule, brutalement, se sent pâlir, se sent mal. Vraiment mal. « merde. » lance-t-elle du tac-o-tac. Bravo Alma, là tu t'enfonces ma grande. « j'aurais pas dû. c'est complètement stupide, l'euphorie du moment, les hormones qui me travaille, et puis t'es si gentil d'un seul coup, alors je me laisse emporter et... » balbutie-t-elle. Les idées se mélangent dans sa tête, elle en devient complètement sotte. Elle lâche un soupir, pose sa main sur son front. Il allait bien rire Clyde, avec ses potes, en leur racontant cette connerie.

Une impression de déjà vu. Clyde avait déjà fait ça. Un soir, une fois où il aurait juste du s'occuper de ses affaires et laisser Alma tranquille. Mais non, à sa façon, il avait été là pour la réconforter. Comme s'il y avait vraiment quelque chose de bien en lui, il recommençait aujourd'hui. Cette fois cependant, ça avait plus des allures de retrouvailles. Des retrouvailles plutôt étranges mais des retrouvailles quand même. Il était soulagé. Etrangement, elle ne s'échappa pas de son emprise. Clyde était bien trop content pour chercher à comprendre pourquoi. C'est vrai qu'il l'avait imaginé le repousser et lui cracher quelques saloperies à la gueule mais elle n'en avait rien fait pour le moment. Alors il attend sagement. Ça va venir. A moins que... Clyde écarquille les yeux quand Alma vient déposer un baiser sur sa joue. Finalement, un léger sourire se dessine sur ses lèvres alors qu'il la tient toujours dans ses bras. Ça aurait pu s'arrêter là. Alma se rapproche encore. Clyde sent bien qu'Alma cherche ses lèvres et fait tout son possible pour ne pas être celui qui rompt les quelques centimètres qui les séparent en premier. Elle finit par craquer, par offrir ses lèvres à Clyde. Il sent sa main sur sa joue et l'attire un peu plus à lui avec ses bras. Bizarrement, il n'est pas surpris et bien que sa tête soit en total désaccord avec ce qu'il fait, Clyde laisse pour une fois de côté sa raison et se laisse un peu aller. La fin du baiser est brutalement marqué par Alma. Ça y est, c'était sa raison qui avait pris le dessus. Clyde se mord la lèvre inférieure, écoute ses excuses. Il hoche la tête, il est plutôt d'accord avec elle. Clyde laisse quelques secondes s'écouler avant d'enlever la main d'Alma de son front pour l'attirer à nouveau à lui. Suicidaire. Il l'embrasse, plus brièvement qu'avant mais plus passionnément aussi. Il s'écarte finalement, souris doucement. « Voilà, tu vois... On est quitte! » Il rigole, passe une main dans ses cheveux. « J'ai prévu d'être plutôt gentil, va falloir dompter la tigresse qui est en toi! » Encore faut-il qu'il arrive à se maitriser aussi. « Enfin, si tu veux » dit-il tout bas en regardant à nouveau ailleurs. Un aveu? Un souhait? Allez savoir. Clyde se rassurera sûrement en disant qu'il ne dirait non à aucune fille. Sauf qu'avec Alma, c'est différent. Pas seulement parce que c'est la mère de son enfant. C'est la seule personne qui arrive à le faire agir autrement, à le rendre meilleur.

Ses lèvres capturent les siennes, son coeur bat à rompre. Elle essaye tant bien que mal de le faire taire, de le convaincre que c'est mal, mais rien n'y fais. Dans le fond, elle aime bien se faire du mal, Alma. D'abord avec Ulysse. Une passion folle, un amour sans limites qu'elle lui portait. Des mois et des mois sur un petit nuage, et puis, il tire un coup et c'est la fin. Son coeur se prend une balle et périt au combat. Et puis elle tombe sur Clyde. Rien à voir avec Ulysse, oh non. Tout est clair. Hors de question d'envisager quoique ce soit. Imaginer cela la fait même marrer. Alors pourquoi elle est là, son visage contre le sien ? Elle ne le sait même pas, elle se laisse seulement porter par la courant. Complètement idiote. Pourtant, lui ne la repousse pas non plus, au contraire. Il resserre son étreinte, comme pour ne pas laisser s'envoler sa jolie colombe. Elle essaye de s'écarter, de s'éloigner de Clyde. Pourtant, il la presse de nouveau contre lui. A ce moment très précis, ils sont tels deux aimants attirés l'un par l'autre. Suis-moi je te fuis, fuis-moi je te suis. Les lèvres de Clyde se fondent sur les siennes, à nouveau. Cette fois, c'est bien lui qui a pris l'initiative. Un baiser enflammé, comme la première fois. Il s'écarte, sourit. Elle ne peut pas s'empêcher de faire de même. Situation pathétique, fille pathétique. « Voilà, tu vois... On est quitte! » s'exclame-t-il, accompagné d'un léger rire. Elle baisse les yeux, se sent honteuse. Elle ne devrait pas pourtant, mais elle restait fixé sur l'idée du Clyde complètement abruti. « J'ai prévu d'être plutôt gentil, va falloir dompter la tigresse qui est en toi! dit-il, Enfin, si tu veux » finit-il par dire. Un rire s'échappe des lèvres d'Alma, doucement. Il lui a déjà prouvé qu'il peuvent être attentionné envers elle, alors ce n'est pas franchement un problème. Sauf s'il change du tout au tout et elle sait qu'il en est capable. « je ne suis pas une tigresse, juste quelqu'un qui se protège. » dit-elle, haussant les épaules. Le jour où elle s'est retrouvé le coeur en miette, elle s'est jurée de ne plus se laisser amadouer. Alors ce qui peut passer pour de l'agressivité est juste de la peur, ni plus ni moins. Elle reste silencieuse un moment, puis le cherche du regard avant de se plonger dedans. « je ne demande pas de changer radicalement, Clyde. je veux juste que tu me promettes que tu ne me feras pas de mal. promets-le moi, pour lui. » demande-t-elle, posant une nouvelle fois ses mains sur son bedon. Elle n'est pas sûre de s'en remettre, cette fois-ci.

Clyde essaye de se persuader que la situation n'est pas bizarre. Pourtant elle l'est et pas qu'un peu! C'est qu'il est doué pour se voiler la face, Clyde. Il l'a toujours été. Un maitre dans l'art de camoufler la réalité, de la remanier à sa façon. Alors, non, il n'a pas sincèrement voulu embrasser Alma. Jamais voyons, c'est un homme, un vrai! Il perd pas son temps avec les sentiments, ce serait ridicule. Il avait juste voulu détendre l'atmosphère, la mettre à l'aise. C'était un peu son rôle maintenant d'arrondir les angles. C'est vrai qu'elle a quand même l'air vachement gêné Alma mais Clyde percute pas. Enfin, il a plutôt pas envie de percuter. Finalement, elle rit. Pas de quoi se faire du soucis donc, la situation est sous contrôle. Clyde repasse doucement les mots d'Alma dans sa tête "juste quelqu'un qui se protège"... Ça lui rappelle quelqu'un. Tendrement, il sourit. Ça dure pas bien longtemps. Juste le temps qu'il se rende compte à quel point il devait avoir l'air niais avec ce sourire à la con sur les lèvres. Décidément, cette séance avec Alma était éprouvante. Elle cherchait encore son regard et avant de lui céder ses yeux, Clyde prend soin de remettre un sourire sur son visage. Son sourire habituel, quelque chose de normal. Ou presque. Une promesse. Encore. Clyde hausse d'abord les épaules alors qu'Alma se touchait encore le ventre. Fallait vraiment qu'elle arrête de faire ça, Clyde pouvait la regarder faire pendant des heures! Aussi étrange que cela puisse paraitre, il trouvait ça captivant. Il secoue vivement la tête pour se sortir de ses songes. « Je... Bien sûr, oui. Je te le promets. J'ai aucun intérêt à te faire du mal de toute façon. » Petite moue, c'en était assez pour lui aujourd'hui. Et puis il avait assez retenu Alma comme ça. La vérité? Il avait besoin d'être seul un peu. Surtout que ça allait sûrement pas durer longtemps. Il allait être père et ça, c'est pour toujours. « Je te ramène chez toi » C'est pas un ordre mais pas une question non plus.

D'un point de vue extérieur, la scène peut paraître tellement touchante. Un passant vous dira qu'il s'agit d'un couple d'amoureux roucoulant. Mais c'était loin d'être le cas. Très loin même. Il y a encore quelques mois, ils se croisaient seulement en soirée, il était le pote de son frère, l'appelait mini-Jay, elle était la petite soeur de et l'appelait le connard, ne supportant pas sa façon d'être. Il la charriait, elle l'envoyait bouler. C'est aussi simple que cela. Aujourd'hui, ils sont Clyde et Alma, futurs parents d'un têtard non désiré. Un changement de relation radical qui la dérange quelque peu. Même beaucoup. Dans le fond, Clyde, il reste le petit con arrogant qu'elle a rencontré. Alors pourquoi se faire  de fausses illusions ? Il a beau dire qu'il changera, il continuera de taper des lignes de poudre blanche à s'en défoncer, d'aligner les bouteilles de whisky et les nanas avec des fesses rebondies dans les bars miteux et les soirées entre potes, même après la naissance de son enfant. Ce n'est pas un bébé de trois kilos qui va l'empêcher de vivre sa vie, encore moins Alma. « Je... Bien sûr, oui. Je te le promets. J'ai aucun intérêt à te faire du mal de toute façon. » dit-il. Elle se contente d'acquiescer, croyant moyennement à ce qu'il raconte. Si elle lui demande cela, ce n'est pas pour qu'il se tienne à carreau, mais bien pour voir jusqu'où est-t-il capable d'aller pour entrer dans ses bonnes grâces et qu'elle le laisse voir cet enfant. Elle ne se voile pas la face, la petite Alma. Un léger silence, elle détourne les yeux, pas franchement à l'aise. « Je te ramène chez toi » lance-t-il. Le vent souffle, elle réajuste le col de son manteau. Elle secoue la tête par la négative. « mauvaise idée. je ne pense pas que ma mère apprécie de me voir avec toi et je n'ai pas envie qu'elle pose des questions. j'vais marcher un peu. » répond-t-elle, reculant de quelques pas. « et ne t'en fais pas, je te donnerais des nouvelles de bébé wright. » continue-t-elle, avant de tourner les talons et d'avancer de plusieurs mètres. Elle s'arrête, tourne la tête. « si jamais tu veux le voir, enfin, venir à une échographie, tu sais où me trouver. » achève-t-elle, ses pieds se remettant en marche.