« non mais tu rigoles, t'as pas fais ça ? ta mère a dû piquer une crise de nerf.» s'exclame-elle, un air à la fois amusée et choquée, arpentant les couloirs du lycée. A ses côtés, Isaac, sourire aux lèvres, lui raconte les détails de ses péripéties de la veille, qui était pour le moins surprenant. Il avait profité de l'absence de ses parents afin d'organiser une petite sauterie chez lui. Bien sûr, elle avait été invitée, mais elle n'avait pas vraiment la tête à ça ces derniers temps. Bon, picoler pour oublier le fait qu'elle avait un polichinelle dans le tiroir peut être une bonne option. Mais non. Alma avait peut-être les traits d'une enfant, mais elle n'en était pas pour autant une jeune adulte. Cette histoire tournait réellement à l’obsession, à en perdre le sommeil. Elle ne pensait pas que peser le pour et le contre pour faire un choix pouvait être aussi difficile. Un combat perpétuelle entre la passion et la raison. Sa tête lui disait d'avorter sur le champs, son coeur de ne pas condamner le petit être qui grandissait entre elle. Le cul entre deux chaises, le bateau coule petit à petit, embarquant sa raison avec lui. Elle aurait voulu se cacher dans un trou de souris et oublier toute cette histoire. Et surtout arrêter de croire un mec qui te sors 't'inquiète, je gère' quand tu lui parles de mettre une capote. « j'ai dû tout ranger à trois heures du matin, en écoutant le serment de ma mère sur l'alcool. autant te dire que j'ai pas suivis une seul minute du cours de littérature. » ironisait-il, ce qui déclenchait un rire à la jeune femme. Son portable vibre. Elle baisse les yeux vers sac, enfouit sa main dedans afin de chercher l'objet désiré. Elle en sort son portable, ses prunelles se posent dessus. Un message. De son frère. 'soirée au squat près de la mer. par contre si on voit ne serait-ce qu'un centimètre de peau en trop j'te ramène illico-presto chez maman.', pouvait-elle lire. Elle roule des yeux. Il ne peut pas s'en empêcher, c'est plus fort que lui. Parfois elle a l'impression qu'il prend son rôle de grand frère trop à coeur, tel un paternel. C'est sans doute sa réaction qu'elle craint le plus. Et le fait qu'il lui tourne le dos. Alma se tourne vers Isaac et montre son portable. « une urgence. il faut j'y aille. on s'appelle, histoire que tu m'racontes l'histoire plus en détail.» lançait-elle, après une rapide étreinte, avant de le laisser dans le hall. Ses pieds ne la pousse que vers un seul et unique endroit : chez Swen, sa meilleure amie. Elle, qui est la seule au courant de toute cette histoire. Elle ne savait pas, elle ne savait pas si elle devait y aller ou non. Avoir tout ces regards braqués sur elle peut facilement lui faire perdre pieds et lui faire péter un câble. Si Swen est là, elle se sentira tout de suite mieux. Le vent fouette son visage, elle réajuste le col de son manteau. Au coin de la rue, une femme avec une poussette, elle détourne le regard. Bientôt, ce sera peut-être elle qui sera à sa place. A peine majeur, déjà propulsée dans le monde des adultes. Alors elle tourne au prochain coin de rue pour effacer cette image. Quelques mètres plus loin, elle se retrouve devant la porte qu'elle ne connaît que trop bien. Elle inspire profondément puis frappe à la porte. Elle s'ouvre, Swen est là. Alma lâche un léger sourire. « je viens d'me faire inviter à une soirée et... j'pense que j'suis prête. A surmonter toute cette histoire. Enfin, j'serais prête si tu es là, avec moi.» dit-elle, haussant les épaules. (...) Vingt heure trente. Alma traîne péniblement des pieds derrière sa meilleure amie. Montant les escaliers, elle a l'impression que les gens la déshabille du regard. Elle baisse les yeux, puis s'engouffre dans le squat. Dans un coin, elle discute avec Swen, un verre à la main. Deux personnes la dévisagent, elle pose son regard sur son ventre. « j'me suis plantée, j'me sens pas prête. pas prête du tout même.» lançait-elle, soufflant bruyamment, se tortillant dans tout les sens. Crise de panique typique de la petite fille qui a peur que l'on découvre ses conneries.

La musique résonne dans mon appartement de la Jolla. J'ai fini les cours quelques heures plus tôt et je ne travaille pas au cinéma aujourd'hui. Il fait bon, j'ai de l'avance dans mon boulot, mon appartement est propre et rangé. La vie est belle. Je vois mon chat se terrer sous le canapé au son de la musique trop forte.  Je baisse légèrement le volume et m'accroupit pour l'attraper « Viens là mon chat, tout va bien. » Il m'échappe des bras et court se réfugier dans ma chambre. Je soupire, dépitée. Ce chat me rend chèvre. Mon portable sonne. « Swen, tu fais pas de bêtises hein ? » Allons donc, le grand frère. « Qu'est-ce qui te fait dire que je suis en train de faire une bêtise ? » Il grogne, je le chambre, on discute, on raccroche. Je soupire en riant à moitié, quand j'entends sonner à ma porte. Toujours sur le rythme de la musique je vais ouvrir. Alma. Douce et belle Alma. « Evidemment que je viens. Deux chatons ne sont pas de trop pour entrer dans la fosse aux lions. » Les heures passent. On boit une limonade fraîche. On se prépare, déterrant les fringues de ma penderie. On marche dans les ruelles fraîches, on entre, on trouve à boire. J'entends des murmures, des regards brûlants me transpercent pour s'arrêter sur Alma. Elle baisse les yeux. Nos pieds ont quelque chose d’intéressant ? « T'occupe pas d'eux Al'. Ou alors enorgueillis toi d'être le sujet de discussion le plus passionnant qu'ils puissent trouver ce soir. » Je souris malicieusement à ma meilleure amie. Je passe un bras autour de sa taille et l'emmène d'un bout à l'autre de la pièce. « Montre toi. Plus tu te cacheras, plus ils te chercheront. » Je nous exhibe en lui murmurant des mots rassurants, sachant pertinemment que Jay n'est jamais bien loin si vraiment certains mots deviennent déplaisant.

C'est pas sa faute. C'est jamais de sa faute. Il est perdu notre petit Clyde, il papillonne. Il sait pas trop ce qu'il doit foutre de sa vie. Il allait pas finir ses jours dans ce McDo à la con après tout, il vaut quand même mieux. N'empêche que la vie est facile comme ça, pas très compliqué de retourner deux steaks sur un grill. Ce qui serait compliqué, ce serait de trouver un vrai job. Oh, il fait des études pour ça vous allez me dire... mais non. Clyde fait des études uniquement parce qu'il aime apprendre, se diversifier. Il compte pas en faire grand chose, il a pas d'idée. A vrai dire, il a même pas la motivation. Faut dire qu'il se laisse bouffer par le reste. La fête, la drogue, l'alcool, les clopes, les filles... Dur de trouver la motivation de faire autre chose. Alors il fait rien. Il chevauche sa bécane et cherche sans arrêt de nouveaux endroits de débauche, des endroits où il se sentirait à sa place. Comme à cette soirée près de la mer, il enchaine les bières et les clopes. Oui, il est plutôt sage pour une fois. Sûrement parce que la soirée fait que commencer, il s'échauffe. Parmi la foule, il se faufile, sonde du regard la salle à la recherche d'une fille. Pas LA fille. Une fille, ça suffit. Ça va, ça vient et c'est très bien ainsi. Son regard finit bien par s'attarder sur une fille... En fait, non, ce n'est pas qu'une simple fille. C'était sa plus grosse connerie. Une des plus belles aussi mais ça c'était inavouable. Jay et sa manie de ramener sa soeur en soirée, qu'il pensa simplement, ça avait bien fini par lui causer du tort. S'il savait... Clyde secoue la tête, il saura pas, y'a pas de raison. Il tire sur sa clope, la jette quelque part avec désinvolture avant de s'approcher du duo. L'air de rien. Il entend des bribes de conversation, c'est plus fort que lui, un tas de choses menacent de franchir la barrière de ses lèvres. Il s'approche encore et ça arrive sans qu'il ne puisse s'en empêcher. « le sujet de discussion le plus passionnant de ce soir? waw, je peux pas passer à côté de ça! » et il rit parce que, ouais, il est un peu con. Attendrissant dans le fond... Mais insupportable quand il s'y met. Clyde est clairement amusé de la situation, il sent bien qu'il y a quelque chose de croustillant derrière l'expression déconfite d'Alma. La pauvre, elle lui faisait presque de la peine. Un peu comme ce fameux soir. Clyde met ça sur le compte de la défonce. « bah ouais quoi mini-jay, te cache pas! qu'est-ce que t'as fait de si grave de toute façon? si tu t'es percé les tétons, c'pas très grave, je suis sûr que c'est pas si mal... » Il fanfaronne, s'enivre de ses propres bêtises. Tant que Jay est pas dans les parages... Clyde pose son regard sur la gonzesse qui accompagne Alma, plutôt pas mal. M'enfin, il reporte vite son attention sur la jeune Alma. Il veut savoir, sa curiosité était piquée à vif. Ou peut-être bien que c'était juste sa manière de s'intéresser à elle, de se racheter une conduite. Ou pas. Clyde répare pas ce qu'il fait. Il préfère regarder les pots cassés, c'est toujours plus marrant. D'ailleurs, il a l'air de plutôt bien se marrer là. Quelque peu sadique, il ne sait pas à quel point il risque de déchanter en apprenant ce qui turlupines les deux jeunes filles.

Elle se passe une main dans les cheveux. La musique coule d'une quelconque enceinte apportée par une quelconque personne. Elle jette un oeil au verre d'Alma. Boire pour oublier, certes, mais avec un polichinelle dans le tiroir c'est moyen. Mais elle ne dit rien. Elle est assez grande pour savoir et Swen est sa meilleure amie, pas sa mère. Elle continue de parler à la brune en riant. Elle sait qu'ils se retournent. Qui est cette fille qui rit à gorge déployée ? Qui est la brune qui l'accompagne ? Ah mais tiens, ce sont Alma et Swendylina. Tu sais ce qu'il se dit toi ? Moi j'pense que c'est vrai. Regarde son air coupable. Ça ne peut qu'être vrai. Mais elle n'entend rien. Ou du moins, elle couvre les murmures désapprobateurs du son de sa voix et de son rire. Parce qu'Alma c'est sa perle à elle. Personne n’abîme la porcelaine de sa peau ou le carmin de son sourire. Soudain un clown apparaît devant elles. Sa face trop belle essaie de les faire rire. Inutile. Il parle fort et il rit. Alma se crispe contre Swen. Swen sort les griffes. Il ne veut pas passer à côté de ça ? « Pourtant c'est ce que tu es en train de faire. Regarde, hop, tu es passé à coté de nous. » Elle pousse légèrement Alma pour la faire avancer plus loin que le pierrot. Elle toise le clown en comptant combien de temps il mettra a comprendre la subtilité de sa répartie. Est-il idiot ou vivace d'esprit ? Pourtant il insiste. Elle soupire, excédée. Personne ne fait de mal à sa poupée, et pourtant il l'a souillé. En plus de ça, il est con. Il revient à la charge, il provoque. Elle sort les griffes, caustique et sarcastique. Cynique et ironique. « Bah écoute Wright, j'sais pas tu vas nous éclairer tiens. A ton avis, être enceinte de l'abruti que tu es, c'est grave ou pas ? » Elle fulmine. Elle pose les yeux sur Alma. Putain. Tu es trop impulsive Swendylina. Nan, sans dec' ? Elle murmure à l'oreille de sa meilleure amie, dépitée. « Merde, excuse moi Al... » Elle se mord l'intérieur de la joue. Elle pue comme meilleure amie.

Elle sens les regards lui brûler l'épiderme. Fille complètement parano ou son psychique lui joue des tours ? Elle ne le sait pas elle-même. Non, elle le sait. Elle est parano. Elle l'a toujours été, c'est ce qui fait parti du charme du personnage. Alors son regard danse, scruptant un à un les visages de ses congénères. Non loin d'elle, ses pupilles se déposent sur le groupe constitué de trois garçons qui rient comme des enfants ? Se jouaient-ils d'elle ? Nullement. Juste des regards fixés sur le portable de l'un d'entre eux. Elle laisse échapper un soupir entre ses lèvres. Après tout, comment pourraient-ils être au  courant ? Personne ne connaît ce secret honteux, pas même sa pauvre mère dont elle entend déjà les éclats de voix à l'annonce de la nouvelle. L'unique complice reste la personne face à elle. Swen. Sa meilleure amie, son pilier. La pierre précieuse qu'elle garde jalousement. Si elle n'était pas là, elle se serait sans doute déjà effondrée comme le vulgaire château de cartes d'un magicien de bas-étage.  « T'occupe pas d'eux Al'. Ou alors enorgueillis toi d'être le sujet de discussion le plus passionnant qu'ils puissent trouver ce soir. » lança la douce Swendylina, de son habituel aplomb. Alma décocha une grimace. Il était beaucoup plus facile de prodiguer des conseils plutôt que d'être dans la situation où elle se trouvait actuellement. Elle aimerait pouvoir suivre son conseil, mais elle n'y arrive pas. Les paires d'yeux posées sur elle ne la rendait que plus honteuse de ce qui se développe au creux de son ventre.  « la bave du crapaud n’atteint pas la blanche colombe. commence-t-elle par dire, roulant des yeux. écoute swen, si jamais que je suis... enfin, tu vois ce que je veux dire, j'en prend pour neuf mois. neuf mois de regards insistants, d'éclats de rire et de messes basses. je sais bien que j'me prend souvent pour terminator, mais là je vais devoir mon ambition à la baisse, puisque je vais éclater incessamment sous peu. » chuchote-elle, appuyant sur chaque syllabes, signe de panique. Oui, elle aime être le centre de l'attention parfois, mais pas dans ce genre de condition. Le parfait combo ventre distendu/nausées matinales/médisances aurait raison d'elle. Son esprit divague, sa conscience part à vau l'eau. La main de Swen entoure délicatement sa frêle taille et l'extirpe de ses songes. « Montre toi. Plus tu te cacheras, plus ils te chercheront. » conseille-t-elle. Elles paradent telles les mannequins sur les podiums. D'habitude, elle y aurait pris goût, revendiquant l'assurance qu'elle dégage; mais là, c'était clairement un supplice. Elles s'arrêtent, elle sent une présence non loin d'elles. « le sujet de discussion le plus passionnant de ce soir? waw, je peux pas passer à côté de ça! » entend-t-elle. Une intonation de voix, puis une silhouette se montre. Elle détourne les yeux, porte son verre à la bouche et se dandine légèrement au son de la musique. Éviter pour mieux contrôler. L'extérieur est docile, mais à l'intérieur, elle fulmine. Elle veut lui jeter son verre en pleine tête et lui faire ravaler le sourire narquois. Pas besoin de le regarder pour le savoir. « Pourtant c'est ce que tu es en train de faire. Regarde, hop, tu es passé à coté de nous. » le tacle Swen. Un rire s'échappa de ses lèvres. Elle sait qu'il ne va pas comprendre, ce garçon est tellement stupide. Elle s'en veut d'avoir été assez idiote pour ne serait-ce avoir poser les yeux sur lui cette soirée-là. L'esprit d'un enfant de six ans dans le corps d'un jeune homme de vingt-deux ans. Affligeant. « bah ouais quoi mini-jay, te cache pas! qu'est-ce que t'as fait de si grave de toute façon? si tu t'es percé les tétons, c'pas très grave, je suis sûr que c'est pas si mal... » ironise-t-il. Elle roule des yeux. Il fait le malin, et c'est sans doute la seule chose qu'il sait bien faire. Elle finit par tourner les yeux vers lui et ouvre la bouche. Cependant, aucuns sons ne peut en sortir. « Bah écoute Wright, j'sais pas tu vas nous éclairer tiens. A ton avis, être enceinte de l'abruti que tu es, c'est grave ou pas ? » demande-t-elle. Les yeux d'Alma s'écarquillent, elle sent le sol se dérober sous ses pieds. Sa meilleure amie se confond en excuses. « SWEN! s'exclame-t-elle, complètement décontenancée. pourquoi t'as fais ça ?! on ne peut vraiment faire confiance à personne. » finit-elle par dire, fronçant les sourcils, posant son verre avec une force qu'elle ne se connait pas. Elle regarde longuement Swen, puis secoue la tête par la négative. Elle préfère prendre la fuite. Un dernier regard à l'homme qui lui cause tout ces tords, et elle prend la poudre d'escampette. Le vent souffle, comme pour la porter loin de tout ça.

Clyde rigole de bon coeur à la remarque de Swen. Bah quoi? Il se dégonfle pas aussi facilement et dans le genre lourd, on fait pas mieux que lui! Alors, oui, il rit, signe manifeste qu'il s'en fout et qu'il fera ce qu'il veut de toute façon. A savoir rester. Savoir. Il comptait bien comprendre ce qui se passait, ce qui rendait Alma si intéressante ce soir. Il était bien loin de se douter de ce qui allait arriver. Clyde s'imaginait qu'il s'agissait d'une histoire de cul, un truc dont il rigolera avant de retourner vaquer à ses occupations. Pourquoi pas? Alma a couché avec lui, elle peut bien coucher avec d'autres. Non? Alma l'ignore, il semble pas plus affecté que cela. D'ailleurs c'est quoi cette histoire? C'est pas comme s'il avait été méchant avec Alma ou son chien de garde. Certes, il s'est fait Alma mais il avait pas eu l'impression de lui forcer la main. Aaaah, les femmes. Il s'y ferait jamais. Vraiment trop folles. C'est Swendylina qui ouvre la bouche et Clyde manque de s'étouffer. Il se décompose, son visage ne trahit plus aucune expression. Il assiste impuissant à la scène, aux réprimandes d'Alma envers Swen. Clyde reste un moment comme ça, à pas savoir quoi faire. Ça se bouscule dans sa tête, il avait vraiment merdé. Il finit par réagir seulement quand Alma s'éloigne. Elle croit aller où au juste?! Il la suit. « Non mais attends! » Il finit par la rattraper, tient son bras fermement pour plus qu'elle bouge. Plus sérieux qu'il ne l'a jamais été, Clyde transperce du regard Alma. « Dis-moi que c'est faux. » C'est hors de question, jamais. Clyde ne veut pas enfanter, c'est lui-même un gosse bon sang! Il veut pas non plus qu'un gosse grandisse sans père par sa faute, il sait que trop bien ce que ça donne. Des paumés, des mecs comme lui. Il reprend alors : « En fait non, dis-moi seulement que tu comptes avorter. » Clyde la défiait du regard, prêt à taper un scandale si jamais elle répondait par la négative. Il tremble. La colère, le choc, l'inquiétude... Qui sait! Sûrement pas lui. Il est incapable de réfléchir correctement, il a carrément envie de vomir maintenant, c'est malin. Il serre toujours son bras, se rend compte de la pression qu'il y exerce et le lâche. Oops. Il comptait pas lui faire mal. Enfin, seulement si elle lui annonçait qu'elle gardait son batard. Là, ça risquait d'être explosif.  

Elle enlève ses chaussures, marche à pas décidés. Elle sens le sable sous ses pieds, et cela l'apaise. Du moins, un petit peu. Son être tout entier bouillonne, littéralement. Le bon Dieu était un tyran, choisissant de choyer les abrutis pour délaisser les autres, ceux qui ont un minimum de conscience. Elle lâche un soupir. Pourquoi ? Pourquoi elle ? Elle a toujours eu des résultats corrects, a été respectueuse des personnes l'entourant. Alors c'est comme ça, une soirée en s'écartant du droit chemin et elle paye pour les dix-huit années à venir ? La vie est vraiment mal foutu. Elle entend sa voix au loin, qui la somme de l'attendre. Elle accélère la cadence, ne veut pas le voir. Plus le voir. Qu'il reste loin d'elle. Il avait fait assez de dégâts comme ça, alors qu'il reste dans sa petite vie minable de tourneur de steak. Qu'il aille boire une bière, fumer son joint et choper une fille dégueulasse. Elle sens ses pas se rapprocher, sa main qui encercle son bras, et exerce une pression qui lui fait mal. Elle se retourne, grimace. « Dis-moi que c'est faux. » ordonne-t-elle, ses prunelles assassines dans les siennes. Elle dévie du regard, gagne du temps. Mais cela n'améliore pas la situation, bien au contraire. « j'aime pas mentir. » dit-elle simplement, se décidant à croiser son regard. Son regard est brûlant, et pourtant il lui glace le sang. Elle le connaît, Clyde. Après tout c'est le pote de son frère. Depuis le temps, elle sait comment il fonctionne. Il peut partir en vrille facilement, et elle ne veut pas être un punching-ball humain. Mais ouais, elle ne veut pas mentir. A quoi bon ? De toute façon, son corps va se transformer dans les mois à venir. Autant qu'il le sache maintenant. Et puis, elle ne veut pas de son aide, ou même être reliée à quoique ce soit à lui. « En fait non, dis-moi seulement que tu comptes avorter. » pestait-il. Si il continue à la tenir ainsi, son sang ne va bientôt plus circuler correctement. Elle secoue son bras, il le lâche finalement. En fin de compte, elle n'a pas réfléchit à ce qu'elle allait faire de ce bébé.  Avorter serait une bonne option, étant donné son jeune âge et sa situation. Mais est-elle capable de faire cela ? Tuer un enfant, abréger sa vie sans une once d'émotion. Elle ne pense pas. Non, c'est un bout d'elle, elle ne peut pas faire ça. « non. lance-t-elle, simple mais efficace. oh mais ne t'en fait pas, j'te demande rien moi. j'ai pas besoin de toi, si ça peut t'enlever un poids. tu pourras continuer de faire des frites tranquille, abruti. » finit-elle par dire, tournant les talons, pestant seule. Etre le géniteur de cet enfant ne fait pas de lui son père. Fort heureusement.

Clyde sent finalement la colère monter en lui. Il fulmine. Pourquoi lui? D'accord, il l'avait peut-être cherché. C'est vrai qu'il saute sur tout ce qui bouge et qui ressemble de près ou de loin à une fille... Mais, franchement, il mérite pas ça! Pour la première fois de sa vie, sa conscience semble s'être réveillée. Non, il ne peut pas avoir de gosse. Alma non plus, elle ne peut pas élever un gamin seule et Clyde ne veut pas être comme son père, un éternel absent. Y'a qu'une seule solution, c'est évident : elle doit avorter. Clyde fera tout pour qu'elle le fasse, il est pas question que ce machin voit le jour. Elle aime pas mentir. Clyde se retient de lui en coller une. Elle aurait pu mentir! Il aurait préféré qu'elle mente, il aurait tourné les talons et s'en serait plus jamais soucié. La vérité, c'est pas toujours bon à entendre. Il grogne, peste quand elle lui annonce qu'elle ne comptera pas avorter. C'est pas possible. Ça doit être une mauvaise blague qu'on lui fait, une punition pour s'être tapé la petite soeur chérie de son pote. Elle se casse à nouveau, Clyde reprend son bras et c'est plus brutal comme ça. « Merde Alma! Tu vas nulle part. » Il s'était presque mis à crier, incroyable qu'il arrive encore si bien à se contenir. Clyde était rouge de colère, il se sentait complément baisé. Piégé. Elle lui fait maintenant face, Clyde tient avec force les deux bras d'Alma. Qu'elle pense encore une fois à le fuir! « Avorte. Si tu veux un marmot, c'est bien, mais ce sera pas le mien. T'as qu'à recommencer avec un autre, tu trouveras bien un connard qui voudra t'engrosser. » Imbuvable. C'est la colère qui parle, Clyde aboie. « T'as l'air d'avoir compris comment ça marche, t'as qu'à écarter les cuisses! »

Elle tient son bras. Un mec minable, un abruti fini, un sombre con, voilà ce qu'il était. Elle l'a toujours su, de toute façon. A le voir au loin, durant les nombreuses soirées qu'ils ont partagé ensemble. Elle le revoit, complètement ivre, tentant de flirter avec des filles. Pathétique. Voilà, c'est ça le mot. Clyde est pathétique. De la racine de ses cheveux à la plante de ses pieds. Mais là, il est hors de question de fanfaronner, de balancer des blagues graveleuses ou de faire un concours de rots. La vie d'un être humain était en jeu. Et il a beau dire ce qu'il veut, ce n'est pas à lui de prendre cette décision. Elle voit le bras de Clyde passer devant elle et elle se retrouve catapultée devant lui. « Merde Alma! Tu vas nulle part. » s'exclame-t-il. Des éclats de voix. Elle regarde à droite, puis à gauche. Des regards braqués sur eux. Elle repose ses prunelles sur lui et scrute son visage. Ses mâchoires sont crispées, son regard sombre, ses sourcils froncés. Elle s'attend à prendre une gifle dans les minutes à venir. Alors ils sont plantés là, comme deux idiots. Comme à cette fameuse soirée près de la balançoire. Ses yeux descendent sur les deux mains qui renferment ses bras. Un aïe s'échappe de sa bouche. Avec la colère, il ne sent pas sa force. Violenter une femme enceinte, belle entrée en la matière. « lâches-moi tout de suite, ou je hurle. et je te signale que jay n'est à même pas cinq cent mètres. » l'avertit-elle, se voulant menaçante. Elle sait que si elle crie, son frère rapplique dans la foulée. C'est comme ça, c'est son frère, il veille sur elle. Bien sûr, elle ne le ferait pas au risque qu'il demande ce qu'il se passe et d'apprendre la vérité sur le tas. Mais ça, Clyde n'est pas sensé le savoir. Et puis elle doute qu'il ait le cran de se mesurer à lui. L'aîné Valhallens aura déjà du mal à encaisser le fait que sa soeur ait pu faire quoique ce soit en dessous de la ceinture avec lui, alors qu'il l'ait mise enceinte, il peut prendre un abonnement à l'hôpital pour les mois à venir. « Avorte. Si tu veux un marmot, c'est bien, mais ce sera pas le mien. T'as qu'à recommencer avec un autre, tu trouveras bien un connard qui voudra t'engrosser. » lui crache-t-il à la figure. Elle fronce les sourcils. Non mais parce qu'en plus il croit qu'elle va lui demander de faire le parfait papa à ses côtés ? Qu'il est drôle, vraiment. Elle ne veut certainement pas que son enfant soit associé à un tocard pareil, il peut dormir sur ses deux oreilles.  « T'as l'air d'avoir compris comment ça marche, t'as qu'à écarter les cuisses! » finit-il par dire. A cet instant précis, elle ne sait tout simplement pas ce qu'il s'est passé. Elle libère son bras de l'emprise de Clyde et lui assène une violente gifle qui raisonne sur tout la plage. « écoutes bien ce que je vais dire. Ce n'est pas de ma faute si t'arrive à rien dans la vie, même faire l'amour à une fille sans qu'il y ait des conséquences derrières. commence-t-elle à dire, haussant un sourcil de manière provoquante. mais ce bébé, c'est le mien, pas le tien, comme tu le dis si bien. alors ton opinion, tu peux te la mettre où je pense. je le garde, et tu ne peux rien contre ça. et puis, t'inquiètes pas, j'arriverais sûrement à trouver un homme qui a assez de plomb dans la tête pour comprendre la situation. pas un raté comme toi. » rétorque-t-elle. Voilà, la décision était prise. Elle allait le garder, quitte à en prendre pour neuf mois.

Des menaces. C'est là que Clyde se rend compte... Il y a du monde autour d'eux, des gens qui les fixent, qui se demandent ce qui peut bien leur arriver. Il y a peut-être même Jay quelque part. Fais chier. Clyde grogne mais finit quand même par libérer Alma de son emprise. Il tuerait pour un fixe, là, tout de suite. Il fouille ses poches, pas même de quoi faire un joint. Il grimace, s'allume une clope. Ça le calme un peu bien qu'il soit toujours secoué par ses humeurs. Il y a quelque chose en lui qui bat fort. Ah tiens, c'est son coeur, tambourinant contre sa poitrine, menaçant de lui briser les cotes. Il passe une main sur son front, merde, il avait l'impression qu'il allait claquer dans la seconde. Grossier, vulgaire, une parole de trop et Clyde se mange une méchante claque. Il l'avait sûrement pas volé. Ça l'empêche pas de pester. Il réprime une furieuse envie de la taper elle aussi, de la secouer dans tous les sens. Il détourne le regard, tire sur sa clope. Dans sa tête, un million d'insultes qui lui sont toutes destinées. Alma se met à être dégueulasse à son tour et bien que Clyde ait l'air totalement hermétique, il a du mal à encaisser. Quelle garce. « C'est toi le problème ma grande. Des filles, je m'en tape plein sans qu'elles tombent enceintes. T'es gentille, essaye pas de foutre ça sur mon dos. » Il l'affronte à nouveau du regard, cherche à la blesser. Y'a pas de raison pour qu'il soit le seul à morfler, pas vrai? C'est pas assez fort, pas assez culotté. Il continue sur sa lancée : « Je suis peut-être un raté mais tu crois que ça fait quoi de toi, tout ça? Une ratée aussi. T'es même pas majeure, merde, t'as pas plus d'avenir que moi. T'es pas genre au lycée? Alors va nager dans la merde de ce gosse si tu veux... Je t'aurais juste prévenu : tu ferai mieux d'avorter. C'est une erreur. » Le ton de Clyde est plus maitrisé, plus posé. C'est comme s'il mettait sa colère de côté, qu'il essayait sincèrement de raisonner Alma.

Des picotements se font sentir dans la totalité de sa main. Elle la secoue, regarde Clyde en reculant d'un pas. Il est tel un loup, un animal sauvage. Elle ne sait ce qu'il peut faire dans la minute qui vient. S'il montre les griffes ou va se cacher dans sa tanière. A sa grande surprise, ce n'est ni l'un ni l'autre. Elle le dévisage, le voit porter sa cigarette aux lèvres, la marque de ses doigts sur sa joue. Un manque total de réactions qui la déstabilise. Merde, qu'il dise au moins quelque chose, qu'il hausse un sourcil, qu'il lève les yeux, qu'il fasse quelque chose. Le temps s'écoule, péniblement. Elle a envie de s'en aller, son pied pivote.  « C'est toi le problème ma grande. Des filles, je m'en tape plein sans qu'elles tombent enceintes. T'es gentille, essaye pas de foutre ça sur mon dos. » lance-t-il. Elle roule des yeux. Phrases typiques d'un casanova de bas-étage. Et t'en tire quoi de tout ça, mon grand, à par une syphilis ou un chlamydia ? Il donne l'impression qu'ils sont en pleine partie d'un vulgaire loto.  Elle ne comprend pas comment l'on pouvait aussi irrespectueux envers la gente féminine. S'il avait une soeur, aimerait-il qu'on l'a traite ainsi ? Non. Mais bon, il est connu que Clyde ne voit que par son propre intérêt. « Je suis peut-être un raté mais tu crois que ça fait quoi de toi, tout ça? Une ratée aussi. T'es même pas majeure, merde, t'as pas plus d'avenir que moi. T'es pas genre au lycée? Alors va nager dans la merde de ce gosse si tu veux... Je t'aurais juste prévenu : tu ferai mieux d'avorter. C'est une erreur. » dit-il. Elle baisse les yeux, aucuns mots n'arrivent à sortir de sa bouche. Un mot. Deux mots. Trois mots. Elle encaisse, sans broncher. Enfin, elle essaye, mais elle n'y arrive pas. C'est beaucoup trop dur pour elle. Pourtant, il a raison, ouais. Elle entre dans le monde des adultes de la mauvaises manières. Ses mots tapent comme des poignards, mais pourtant, ils ont du sens. « dégage. répond-t-elle. Elle recule d'un pas, de deux, de trois. je tuerais pas mon bébé. mais tu peux dormir sur tes deux oreilles, tu feras jamais sa connaissance, tu resteras seul. c'est bien ce que tu veux non ? crever dans ta solitude ? » peste-t-elle. Quatre, cinq, six. Elle augmente la distance entre eux. Elle le dégoûte. Elle ne veut même plus croiser ne serait-ce que son ombre.

Clyde a l'impression qu'on venait de l'émasculer. C'est bien la première fois qu'il se sent si démuni. Qui sait. Il finira peut-être tellement déchiré ce soir-là qu'il en oubliera ce détail, cette histoire de paternité. C'est pas un père. Ça en sera jamais un, pas dans ce qu'il s'est imaginé de sa vie. Clyde s'est toujours vu seul. Pas de copine. Seulement des potes. Et une mort prématurée vers la trentaine voire la quarantaine quand il aura vraiment trop abusé de toutes les bonnes choses qu'il y a sur Terre. Une petite overdose, un accident de moto... Il est guère optimiste. Pourquoi l'être? Il a beau l'air d'être un total imbécile, Clyde est surtout un écorché vif, un mec qui se remet pas de la vie. Clyde frappe dans le mille, achève la belle Alma. Il pourrait sourire, être fier de ce qu'il avait accompli mais il en est rien. Il tire sur sa clope comme si c'était la dernière sans trahir une seule émotion. La sentence tombe : il ne rencontrera jamais cet enfant. SON enfant. Qu'elle le veuille ou pas. Il inspire une bouffée de cigarette, l'expire calmement alors qu'Alma s'écarte. « La manière dont je vois ma vie ne te regarde pas. C'est pas comme si ça t'intéressait de toute façon autrement tu ferais un peu plus d'efforts de coopération. Par contre tu devrais te soucier du machin que t'as dans le ventre. MON machin à la base. Tu le condamnes là. Ne pas savoir d'où on vient, ça craint. » Calme impérial, impressionnant. Clyde a ce regard du mec qui sait de quoi il parle... Et il sait de quoi il parle. On lui ôtera pas de la tête que la meilleure solution reste l'avortement. Elle s'éloigne encore, cette fois, Clyde ne la retiendra pas. « Franchement, est-ce que t'allais me le dire un jour? Bien sûr que non. Sacrée coïncidence que ta pote soit une telle balance hein? Vas-y pars. Je veux plus te voir. » Là, il s'était peut-être un peu trop emballé, avait parlé plus que de raison. Pas sa faute, c'était sorti tout seul. S'il le pensait? Sûrement.

Elle a un pied à terre, complètement sonnée par le discours de Clyde. Elle ne comprend pas comment autant de méchanceté pouvait être emprisonné dans un même corps. Pourtant, il montre les traits d'un jeune homme croquant la vie à pleine dent, souriant, toujours prêt à faire la fête. En fait, ce n'est pas le cas. C'est même de l'être. Il brûle la vie par les deux bouts pour se débarrasser de sa vie. Il n'est qu'un équilibriste qui attends seulement de faire un faux-pas pour faire un saut de l'ange. Il est l'exact opposé d'Alma. Le ying et le yang. Alors comment avaient-ils pu ne faire qu'un, ne serait-ce qu'une soirée ? Cela lui donne envie de vomir, clairement. Et cela la met en colère, également, d'avoir été aussi docile. A voir le vrai visage du jeune homme, elle a l'impression en face d'une autre personne, beaucoup plus sombre que le personnage qu'il veut bien montrer. Elle soupir et croise les bras contre sa poitrine. La vérité, c'est qu'elle n'est pas prête. Elle est encore une enfant, alors comment en enfanter un ? Elle a encore toute sa candeur, son innocence, son petit monde rose bonbon. Elle a l'impression qu'on la jette droit à la boucherie.« La manière dont je vois ma vie ne te regarde pas. C'est pas comme si ça t'intéressait de toute façon autrement tu ferais un peu plus d'efforts de coopération. Par contre tu devrais te soucier du machin que t'as dans le ventre. MON machin à la base. Tu le condamnes là. Ne pas savoir d'où on vient, ça craint. » dit-il, d'un ton neutre qu'elle ne lui connaît pas.« TON machin ? répète-t-elle, avant d'échapper un rire nerveux. non mais tu t'entends parler clyde ? tu n'arrives même pas à avoir du respect pour un bout de toi. » lance-t-elle, fronçant les sourcils. Elle secoue la tête, ne comprenant pas. « TON machin ?putain, mais il s'est passé quoi dans ta vie pour que tu sois si aigri ? ta mère a fait piquer ton chien quand tu étais petit, ton père t'as mis une giffle qui était trop violente, t'as fait cramé tes frites au mcdo et ton patron t'as engueulé ? Nan mais franchement, faut que tu m'expliques là. » demande-t-elle, posant une main sur sa hanche. Il va sûrement l'envoyer paître, comme il l'a fait depuis le début de la conversation. Cependant, elle bloque un instant. Ca y est, elle sait. Parfois, elle entendait des bribes de conversation de Jay au téléphone. Une famille monoparentale, voilà le pourquoi du comment. « Franchement, est-ce que t'allais me le dire un jour? Bien sûr que non. Sacrée coïncidence que ta pote soit une telle balance hein? Vas-y pars. Je veux plus te voir. » lache-t-il finalement. Ah, et en plus il est voyant. Vraiment multi-fonction ce garçon. « ouais, j'allais te le dire. j'suis pas comme les petites traînées que tu lèves dans un bar, contrairement à ce que tu penses. j'estime que tu as autant le droit de savoir la vérité que moi. t'es son géniteur après tout et... » balbutie-t-elle, posant la main sur son ventre, grimaçant. Elle secoue la tête, massant légèrement celui-ci. « mais apparemment, ça doit être une tradition de père en fils d'abandonner son gosse... » finit-elle par dire, lâchant un aïe, son visage se tortillant, se pliant légèrement. Le creux de son ventre la fait affreusement souffrir. Etrange pour une grossesse qui n'a que deux mois passé. Alors elle s'appuie sur des rochers non loin d'ici, souffle comme elle peut, fait abstraction du reste.

Un rire mauvais s'échappe de la bouche de Clyde, presque inquiétant. Un bout de lui. Ça le fait à nouveau rire, plus nerveusement cette fois. Clyde, irrespectueux? Très certainement. Il fait pas vraiment exprès. A vrai dire, la personne qui souffre le plus de son manque de respect, c'est lui-même. Pas même foutu de respecter sa propre existence. Pauvre Clyde. Elle continue à parler et c'en est trop pour Clyde. Il lâche un soupire agacé et finit par dire entre ses dents : « Ta gueule. » Sorti tout droit du coeur. C'est monnaie courante les vilaines expressions dans la bouche de Clyde. « T'es personne pour me juger, tu sais rien. Faut pas que je t'explique, j'ai aucune raison de le faire. » qu'il gronde, hors de lui. Expression grave, un mot de plus de travers et Clyde explose. Il y a des choses qu'il ne vaut mieux pas aborder avec le jeune homme. Clyde tire encore sur sa clope, l'achève. Il s'en rallume automatiquement une autre, ça avait au moins le don de calmer ses nerfs. Alma commence une de ses tirades qui donne envie à Clyde de se plomber avant de s'interrompre en grimaçant. Sur le coup, Clyde tilte pas. Il est pas du genre à faire dans la dentelle. « Et quoi?! Qu'est-ce que ça peut me foutre de savoir la vérité? Je veux avoir mon mot à dire. » En l'occurrence, Clyde l'avait déjà dit, son mot. AVORTEMENT. La seule issue possible à ce cauchemar. Clyde se stoppe net quand il entend la suite. Qu'est-ce qu'elle a osé dire là? Il s'approche d'elle vivement, semble à deux doigts de lui en colle une. Mais non. Sans même qu'il la touche, Alma a mal. Clyde comprend vite l'origine de cette douleur : le mioche. Bah tiens! Y'a peut-être une connexion entre les deux... Bébé qui défend son papa. Ou pas. Il baisse la main, la regarde avec impuissance. Il soupire, jette sa clope. Clyde a du mal à croire qu'il va faire ça... Et pourtant. Etranger à lui-même, il prit avec douceur Alma dans ses bras. C'était pas la première fois à vrai dire, il l'avait déjà fait ce fameux soir où il l'avait mise en cloque. « Ça va, ça va passer. » Pathétique, il se sentait pathétique. Il se mit à chercher la meilleure amie d'Alma du regard. Où est-ce qu'elle était celle-là?! On avait besoin d'elle ici, Clyde ne pouvait décemment pas faire le baby-sitter. Cette gentillesse, c'était pas lui. Ça ne pouvait pas être lui. Mais voilà, Clyde a ce bon fond. On peut dire ce qu'on veut, c'est pas un grand méchant. Voir Alma dans cet état, ça l'avait directement pris aux tripes. Comme si... Comme s'il s'inquiétait pour elle. Tout compte fait, c'était bien ce qu'on pouvait lire sur le visage de Clyde : de l'inquiétude. Le piège était plus gros encore qu'il l'avait pensé.

Elle a paniqué. Elle a merdé. Complètement. Elle n'a rien compris. C'est sorti tout seul. Elle n'a pas cherché à faire de mal à Alma. A sa poupée de porcelaine. Seulement parfois, les mots vont plus vite que la pensée. Et ils sortent aussi vite que des papillons avant qu'on ne puisse refermer les doigts dessus. Et Alma dit qu'elle ne peut pas lui faire confiance. Alors elle s'en veut. C'était pas censé sortir comme ça, pas ici, pas maintenant, pas ce soir. Pas devant lui. Le temps de se rendre compte de tout ça, il n'y a plus personne autour d'elle. Pas les principaux concernés en tout cas. Panique à bord. Où sont-ils ? Elle jette son regard aux alentours. Elle cherche une silhouette bien précise. La seule personne qui peut aider maintenant et tout de suite. « Jay, il faut que tu viennes. » Elle le déloge à contre coeur des bras de Sully. Elle s'en veut, elle culpabilise. C'est de sa faute tout ça. Si elle apprenait à la boucler un peu. Juste de temps en temps. Elle tire Jay par la manche. Plus vite. Bouge toi. Ils déboulent sur la plage. L'air est doux et charrie l'air salé jusqu'à eux. Ses talons s’enfoncent dans le sable. Elle les enlève et entraîne Jay après elle. Soudain deux silhouettes vacillantes s'esquissent sous la pâleur de la lune. L'une penchée vers l'autre. C'est Jay qui accélère le pas. Arrivé près du duo, elle pousse le clown sans ménagement. Bas les pattes d'Alma. Rassurée par la présence de Jay, elle ne dit rien mais enroule de nouveau un bras autour de la taille d'Alma. Elle ne veut plus faire de gaffe. Une fois suffit largement. Puis faut pas déconner non plus, devant Jay c'est trop risqué. Ses lèvres restent muettes mais ses yeux questionnent la brune. Tu vas bien ? Qu'est-ce qu'il y a ? Tu as mal ? Dis moi où. Elle essaie de lancer un sourire rassurant à sa meilleure amie. Un sourire remplie d'excuses et de remords.

Clyde lève la tête, cherche désespérément un visage familier qui pourrait venir prendre sa relève. Faut dire qu'il se sent pas doué pour ça. La scène est touchante, trop pour lui. Il se sent presque pousser des seins et des cheveux. Beurk. Il continue à tenir Alma dans ses bras, cherche tant bien que mal à prendre sa douleur, à l'en débarrasser. Comment on fait ça au juste, hein? Il sait pas. Mais il essaye, putain, ce qu'il essaye! Et finalement, il le voit arriver. Jay. Le mec qu'il aurait aimé ne pas croiser ce soir. Regard de tueur, la couleur est annoncée. Il est suivi de cette folle de Swen. Super. Elle vient pousser Clyde, c'est qu'elle est pas gonflée! Tant pis. Il s'écarta vivement comme s'il venait tout juste de se brûler. C'était un peu le cas d'ailleurs. Ça sentait vraiment le roussis ici. Il peut pas s'empêcher de ricaner, la scène est tordante. « Je crois qu'elle a mal au ventre, c'est le bébé qui doit être en train d'essayer de se pendre avec le cordon ombilical! » Toujours une blague de mauvais goût en réserve le Clyde, il se marre encore. Il pose les yeux sur Jay, nettement moins amusé pour le coup. C'était du suicide mais il comptait bien le faire, tout lui déballer. Y'a pas de raison pour que tout le monde soit pas au courant! En fait, il voulait surtout enfoncer la petite Alma, c'était trop tentant. Et puis, il y avait ce côté casse-cou qui resurgissait. Il avait vraiment merdé et il était pas contre deux-trois coups de poing histoire de remettre son coeur en route, de se sentir vivant. Une réanimation, une bonne bastion... C'est la même chose tout compte fait! « Je suppose qu'elle t'a pas dit en fait... Félicitations, tu vas être tonton! Moi, je vais être papa, si c'est pas chouette tout ça! » Clyde s'avance d'un pas, prêt à se jeter dans le vide, à se livrer aux mains carnassières de Jay. « On est plus qu'une seule et même famille tous les trois, ça te fait quel effet? » Pas besoin d'en rajouter plus, avec ça, Clyde allait avoir sa dose. Il écarte légèrement les bras, définitivement prêt à en recevoir plein la gueule.

Le poing appuyé contre ce fichu rocher, elle ferme les yeux, respire, souffle, cherche tout les moyens possibles et imaginables afin de pouvoir se soulager. Elle a l'impression d'être littéralement mangée de l'intérieur, brûlée vive, poignardée mainte et mainte fois, passée à tabac par un détraqué. Elle se mord l'intérieur des joues, prend son mal en patience. Elle se tortille, tel un verre de terre. Sparkle, elle crève littéralement sur place. Son éternel sourire avait disparut. Devant elle, Clyde ne bronche pas, il reste stoïque, fidèle à lui-même. Sans une once d'émotion, un bloc de glace sur pattes. Pourtant, elle sent des mains se poser de part et d'autre de ses épaules. « Ça va, ça va passer. » dit-il alors, resserrant son étreinte. Elle s'immobilise. Attendez, il fait quoi là ? Ah ben on dirait bien qu'il essaye de la rassurer. Décidément ça devenait une habitude qui n'était pas bonne à prendre. Elle ne le touche pas, reste droite comme un i, tendant d'encaisser la douleur, ce qui est mission impossible. Des bruits de pas dans le sable se rapprochent. Ils sont rapides et s'arrêtent derrière eux. Elle entend son nom. Oh non. Putain. Bordel de merde. Pas lui, pas maintenant. Pas Jay putain. Clyde s'éloigne, elle sent une main, deux bras.  « Tu vas bien ? » demande alors son aîné. Elle sent son coeur battre à rompre. Elle secoue la tête de haut en bas, elle ne veut pas l'alarmer, le décevoir, lui, la moitié de son coeur, la moitié de son être. Elle jette un regard à Swen, douce Swen. Il est clair qu'elle ne lui en voulait pas,car au moins, elle avait eu le mérite de crever l’abcès. « Je crois qu'elle a mal au ventre, c'est le bébé qui doit être en train d'essayer de se pendre avec le cordon ombilical! » balance Clyde, apparemment avec une envie de suicide. Les yeux de la brune forment alors deux billes à faire pâlir bambi. Non mais il est con ou quoi ? A-t-il consciente qu'il va finir en steak tartare. « Je suppose qu'elle t'a pas dit en fait... Félicitations, tu vas être tonton! Moi, je vais être papa, si c'est pas chouette tout ça! » s'exclame-t-il, clairement content d'annoncer la nouvelle. Elle pose les mains sur son visage avant de les laisser glisser lentement. Là, elle pouvait dire adieu à sa liberté, et même à la lumière du jour. Elle a une furieuse envie d'en coller une autre à Clyde, là, maintenant. Putain de merde. Connard. « C'est vrai, tout ça, Alma ? » l'interroge-t-il. Ses yeux se plante enfin dans les siens, elle perd pied. « je suis désolée jay, j'voulais que tu l'apprennes comme ça... » dit-elle, secouant la tête. Le reste n'est qu'un épais brouillard. Elle voit son frère s'agite, cogne Clyde. Une fois, deux fois, trois fois. Les coups se font du plus en plus violent. Il fallait faire quelque chose, sinon Jay allait le tuer, c'est certains. Alma fronce les sourcils. Elle s'élance vers eux, attrape son frère par le bras et essaye de le repousser plus loi, tant bien que mal. « jay, arrête! ça te sers à quoi de faire ça ? le mal est déjà fait. » finit-elle par dire, tentant de raisonner son frère qui perd le contrôle de lui-même.